Depuis le temps que l�on nous r�p�te que l�homme est porteur d�une vision r�nov�e de l�Etat, nous voil� donc �difi�s sur son art. Celui d�un coupeur de t�tes qui ne s�embarrasse m�me plus des proc�d�s pour le faire. Apr�s notamment Benflis, renvoy� vulgairement et entre deux portes, c�est au tour de Ouyahia de passer � cette d�testable guillotine politique sans qu�il prenne la peine de justifier l�objet du d�lit ou que sa majest� croit n�cessaire de mettre un minimum de forme avant de l�ex�cuter. Le bouteflikisme, en tant que science du pouvoir, n�est-il pas r�sum� globalement dans cette brutalit� ? Certes, il importe peu que la victime soit dans ses torts jusqu'� encourir la disgr�ce capitale, mais c�est au caract�re secret et exp�ditif qu�il faut imputer ce c�sarisme rampant dans lequel baigne le r�gime. Bien �videmment, qu�un jour ou l�autre, un Premier ministre doit partir, mais encore faut-il que lui-m�me soit convaincu qu�il a �t� en de�� de ce qu�il �tait attendu de lui. Probablement m�me que le sieur Ouyahia a focalis� sur son z�le tout le m�contentement du pays et l�impopularit� du r�gime, mais fallait-il pour autant le sacrifier seul alors qu�il e�t �t� plus coh�rent de limoger la totalit� de son cabinet. Ce ne fut pas le cas, comme on le sait, et cela ressemble � un sombre r�glement de comptes de s�rail. Triste r�v�lation pour un pr�sident qui postule au tr�ne de l��ternit� r�publicaine mais qui en est r�duit � pi�tiner le formalisme de sa fonction, � �craser les hommes qui l�ont servi tout en revendiquant l�omniscience de la chose publique. La mort politique d�un Ouyahia et son remplacement par un autre janissaire de la m�me farine n�est pas ce que l�on fait de mieux dans cet art, ou alors on laisserait entendre que l�on demeure un �trois quarts� de chef de l�Etat expos� aux al�as jusqu'� devenir l�otage des groupes de pression. Bien qu�ancien, un certain adage ne manque pas de pertinence chaque fois qu�il rappelle aux puissants qu�ils sont � leur tour redevables � leurs courtisans. �Qui vous a fait princes ?�, les nargue-t-il. �Mais qui a fait de vous monarque ?�, lui r�torquent- ils. Tout est donc dans cette lamentable d�pendance inavou�e et c�est s�rement la premi�re le�on � tirer de cet �pisode dont l�Etat sort profond�ment affaibli. Ceux qui nous jugent et nous jaugent de l��tranger d�couvrent, une fois de plus, que l�Alg�rie n�est ni entre des mains fermes, ni conduite par des intelligences scrupuleuses. La cuisine de notre pouvoir est loin d��tre rago�tante pour partager sa table et envisager de travailler avec ses dirigeants. En plus d�alt�rer l�image du pays � l�ext�rieur, les incoh�rences du r�gime renforcent de surcro�t les pr�jug�s � notre �gard. L�opacit�, matrice de la culture du complot, est pr�judiciable � la cr�dibilit� d�un Etat. Voil� pourquoi cette dramatisation des rapports au sommet de l�Etat m�rite une explication publique de la part de tous les acteurs. Devenu de jour en jour ingouvernable, le pays ne peut pas souffrir plus longtemps l�incomp�tence et l�arrogance de ses dirigeants. Car la mani�re dont a �t� r�solu ce clash n�est gu�re convaincante. Un r�gime, quels que soient son affligeant autisme et son m�pris de l�opinion, ne peut pas faire impun�ment l��conomie d�une clarification, dans les moments graves. F�t-elle mensong�re celle -l�. Le chef de l�Etat, apr�s avoir man�uvr� � sa guise, devrait pour le moins prendre � t�moin les �sujets� de son pays, m�me si l�on sait qu�il a la f�cheuse manie de rappeler qu�il n�a de compte � rendre � personne. Hormis quelques cercles d�int�r�ts, rares sont ceux qui regrettent le limogeage de Ouyahia, mais en m�me temps ils sont peu nombreux qui trouvent positive la nomination de Belkhadem. Ceux-l� s�interrogent avec d�autres inqui�tudes sur ce faux changement et ce qu�il traduit comme intentions. Au-del� des �tiquettes tenaces et des classifications politiques h�tives des deux comparses, ce que retient essentiellement l�opinion, c�est que le r�gime est b�ti pour servir d�abord une camarilla qui pr�tend s�identifier � l�int�r�t public. Alors que l�on sait que cette pr�occupation lui est secondaire et qu�il en est de l�excellence d�une gouvernance comme d�un souci mineur, pourquoi donc a-t-on d�cid� d��carter un fid�le serviteur et de le remplacer par un apparatchik dont l�image publique et peu rassurante ? La r�ponse tombe sous le sens au vu de son agitation r�cente sur la question constitutionnelle. C�est donc l�homme idoine capable de sortir les grandes orgues et pr�parer l�apr�s-2009. Et tant pis pour les commentateurs pointilleux qui ont cru comprendre � travers cette nomination que Bouteflika voulait r�tablir la pr�s�ance de la majorit� parlementaire que le FLN d�tiendrait. Voil� bien un mod�le d�arguties qui occulte la r�alit� de nos urnes et en m�me temps s�efforce de masquer une manipulation en chantier. Tout le monde a bien compris que nous sommes dans le degr� z�ro du r�publicanisme en ce sens que la loi fondamentale de l�Etat est l�objet d�une r�flexion discr�te dont seul le r�gime en place s�autoproclame comp�tent. En effet, en vertu de quels pr�suppos�s de pouvoir, voire de quelle pr��minence partisane, l�on s�approprie le droit de d�battre de la nature de la Constitution sans associer le reste des acteurs politiques et la soci�t� civile ? Car, nous semble-t-il, lorsqu�une nation est � la crois�e de son destin, elle ne livre pas � un seul courant de pens�e ni � un seul clan l�exclusivit� de refonder l�Etat. Une telle mission exige un consensus qui ne peut �tre que l��uvre d�une constituante. Le r�gime, parce qu�il n�ignore gu�re ce qu�il lui en co�te de doter l�Etat d�une nouvelle loi fondamentale, pr�f�re subtilement agir par la r�vision partielle et ainsi se pr�valoir de la l�galit� � amender les articles qui brident sa perp�tuit�. Le bouteflikisme ne serait donc que cela. C'est-�-dire la combinaison de la ruse personnelle et une �cume de v�ux. Autant dire qu�il ne saurait convaincre ou �tre exemplaire tant qu�il persistera � truquer les �lections, � m�priser les avis du pays r�el et � privil�gier la culture des clans au d�triment de l��thique politique. Pour avoir mis � son service sa duplicit� l�gendaire, Ouyahia sait d�sormais que celui qui l�incarne n�est pas porteur d�une certaine id�e de l�Etat, mais d�une certaine aptitude au c�sarisme. Celui qui broie tout sur son passage. Quant � Belkhadem, sa promotion en a d�j� fait un sursitaire. Mais heureux celui-l�� !