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INTERVIEW DE TIERNO MONENEMBO :
�Aucune rh�torique ne peut masquer la cruaut� du colonialisme�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 25 - 06 - 2009

Le soir d'Alg�rie: Le colonialisme fait partie de cette m�moire disloqu�e que vous tentez de reconstituer � travers vos romans. Dans Le Roi de Kahel, vous choisissez, pour l'illustrer, Olivier de Sanderval, un personnage atypique de l'aventure coloniale. Quel regard portez-vous sur ce pass� ?
Tierno Monenembo : Je ne crois �videmment pas � la mission civilisatrice de l'homme blanc.
Aucune rh�torique ne masquera la cruelle r�alit�: la colonisation, ce fut avant tout une furieuse envie de casser du m�t�que pour se faire du caoutchouc et du sucre. Ceci dit, elle a cr�� d'indiscutables liens culturels et humains entre colonis�s et colonisateurs. Yannick Noah et Rachida Dati sont l� pour en t�moigner. Et ce sont ces liens-l� que nous devons g�rer aujourd'hui et non les vieilles r�miniscences. Jusqu'ici, ce sont les passions id�ologiques qui ont pr�valu. Il est temps que l'imaginaire investisse cette p�riode trouble de notre histoire non pour r�veiller les vieilles querelles mais pour comprendre et exorciser. Je suis Guin�en, vous savez, mon pays a gaspill� cinquante ans d'ind�pendance � d�noncer la colonisation. Il est temps de passer � autre chose, nous sommes en 2009. C'est tellement commode l'anticolonialisme, cela permet de cacher ses propres monstruosit�s. C'est le cas de S�kou Tour� et de bien d'autres dirigeants africains.
L'errance en ce qu'elle a de tragique mais aussi de cr�atif vous constitue. Envisageriez-vous un jour d'y mettre un terme ?
Il y a exactement 40 ans que j�essaie d�y mettre un terme sans succ�s. Je vais finir par croire que l�errance est mon destin. Apr�s tout, c�est celui de mes anc�tres peuls. J�ai maintenant soixante-deux ans, le moment de rentrer au village, et comme les vieux �l�phants, de m�isoler sous un arbre pour attendre la mort. L�errance physique finira bien par s�arr�ter, l�errance int�rieure, elle, ne s�arr�tera jamais : elle est le fondement de mon identit�, la s�ve nourrici�re de mon �uvre.
Vous avez v�cu et enseign� en Alg�rie. Quels souvenirs pr�cis gardez-vous de cette p�riode de votre vie ?
Des souvenirs tellement forts que j�en ferai bient�t un roman. Je suis arriv� en Alg�rie peu apr�s la mort de Boumediene, j�en suis reparti peu avant les fameuses ann�es noires. J�ai travers� le pays des Aur�s � l�Oranie et de la Kabylie � Tamanrasset. J�ai vu les fleurs sem�es par les martyrs de 1954 se fl�trir et pourrir. J�ai vu les jeunes romantiques de l�islamisme (j�en ai beaucoup eu comme �tudiants) se radicaliser : leurs yeux s�injecter de haine, leurs mentons, se h�risser de poils de b�tes. J�ai connu Kateb Yacine, Tahar Djaout et Rachid Mimouni. C�est une p�riode charni�re particuli�rement int�ressante : elle contient aussi bien l�id�al des pionniers du nationalisme alg�rien que le terrible cauchemar des ann�es 1990. C�est aussi une p�riode expressive, tr�s expressive : elle dit tous les paradoxes de l�Alg�rie d�aujourd�hui qui est � la fois redoutable et attachante, prometteuse et d�cadente, ultra- moderne et archa�que. Ce roman, je l�avais promis � Tahar Djaout. Inch�Allah, je l��crirai.
Le Festival panafricain � Alger en 2009, quarante ans apr�s celui de 1969. Qu'est-ce que cela �voque pour vous ?
Je me souviens tr�s bien du Festival d�Alger de 1969 qui a eu lieu quelques mois avant que je ne m�exile. La Guin�e y avait brill� gr�ce au c�l�bre concert du Bembeya-Jazz, le Regard sur le pass� et gr�ce � une pi�ce de th��tre intitul�e Et la nuit s�illumine. Je me souviens que peu avant le d�but du festival, S�kou Tour�, dans un geste �magnanime�, avait offert gratuitement ces deux magnifiques spectacles � la population de Conakry. Il profita de ce moment o� tout Conakry applaudissait la prestation du Bembeya- Jazz sur la sc�ne du Palais du peuple pour arr�ter le po�te Fod�ba Ke�ta (auteur justement de Le regard sur le pass�) qui, bien avant Diallo Telli, succombera sous la torture au Camp Boiro. Il en sera de m�me quelques ann�es plus tard pour le dramaturge Emile Ciss�, auteur de Et la nuit s�illumine. Je suis devenu depuis tr�s superstitieux en ce qui concerne les festivals africains. Que voulez- vous ? Dans notre dr�le de continent, les prisons politiques et les potences ne sont jamais loin des salles de f�tes.
Entre chaos et r�surrection, quel avenir pour l'Afrique ?
Je n�ai jamais cru � mon avenir ni � celui de ma g�n�ration. Mais � l�avenir de l�Afrique, je crois dur comme fer. Malgr� les dictatures, les �pid�mies et les d�chirures de toutes sortes ou peut-�tre � cause d�elles ! L�Afrique n�est pas en train de mourir, elle est en train de muter. Il ne s�agit de rien d�autre que de �la nuit de la grande g�sine� dont parlait C�saire. C�est par la porte de l�enfer que tous les peuples du monde entrent dans la modernit�. L�Europe du Moyen-Age fut pire que l�Afrique d�aujourd�hui : famine, guerres civiles, sorcellerie, invasions, etc. Quant � l�Asie (aujourd�hui si prometteuse), tout le monde sait qu�elle a pass� tout le 20e si�cle dans le chaos. Croyez-moi, rien de plus r�g�n�rateur que le chaos !
Propos recueillis par Meriem Nour
SIGNET
L�Afrique mutil�e
Tierno Monenembo est un �crivain au long cours. A tous les sens du terme. Depuis trente ans, il n�arr�te pas de voyager, port� par une errance � travers le monde, all�gorie de la transhumance du peuple peul, le sien. Il voyage aussi dans l�histoire, principalement celle qui le concerne, la colonisation. Victime de cette derni�re dans son lignage, il n�est pas pour autant r�compens� par l�ind�pendance de son pays, la Guin�e. Opposant, il est oblig� de s�exiler pour fuir la dictature de S�kou Tour�. Cet exil, cette transhumance � travers les escales d�illusions de libert� figurent le destin de l�Afrique postcoloniale. Les ind�pendances confisqu�es ressemblent, en plus pale, � l�ordre colonial, la rapine �tant le fait non plus de colons blancs mais d�autochtones. Tierno Monenembo r�sume cette impasse dans la participation de la Guin�e au Festival panafricain de 1969 � Alger. A leur retour de la capitale alg�rienne, S�kou Tour� met les artistes guin�ens en prison. Dans plusieurs pays d�Afrique, l�autoritarisme est semblable. En Alg�rie m�me, on se souvient que le Festival panafricain de 1969 a permis l�expression de tous les langues et dialectes africains mais pas du kabyle. Taos Amrouche avait �t� interdite de sc�ne.
Bachir Agour

Un roi blanc chez les Peuls
Les ouvrages de l'�crivain guin�en Tierno Monenembo ne nous sont pas inconnus. La r��dition chez Apic de Peuls, l'�pop�e de son peuple d'origine,a r�cemment fait l'objet d'un compte-rendu dans nos pages culturelles. Son dernier roman, Le Roi de Kahel, paru en 2008 aux �ditions du Seuil, a �t� couronn� par le tr�s Parisien Prix Renaudot, lequel avait d�j� r�compens� deux autres �crivains africains, l'Ivoirien Ahmadou Kourouma en 2000, et le Congolais Alain Mabanckou en 2006. Le Roi de Kahel est directement inspir� de la vie d'Aim� Victor Olivier, le pr�curseur de la colonisation de l'Afrique de l'Ouest, fait vicomte de Sanderval par le roi du Portugal. Un personnage familier au peuple de Conakry dont un quartier porte toujours le nom, Sandervalia, �chez Sanderval� en soussou. D�s lors, rien de plus naturel pour l'auteur, qui s'applique � reconstruire une m�moire peule disloqu�e, de se pencher sur le destin de celui qui fut dans les ann�es 1880 reconnu Seigneur peul par l'alm�mi, le chef supr�me du royaume peul. Issu d'une lign�e de capitaines d'industrie lyonnais, Aim� Victor Olivier est un ing�nieur, inventeur, explorateur. F�ru de Darwin, il est fascin� par l'aventure coloniale dont le culte du progr�s, dans sa version la moins inavouable, justifie l'entreprise. Les r�cits de voyage en vogue en ces temps o� l'Europe se partageait l'Afrique suscitent en lui le go�t du d�part. L'id�e de mission civilisatrice de la France est � l'�uvre, et Jules Ferry le proclame : �Les races sup�rieures ont un droit vis-�-vis des races inf�rieures. � Pur produit de ce XIXe si�cle europ�en novateur, conqu�rant et avide de richesses, Olivier de Sanderval n'en est pas moins singulier dans sa mani�re d'aborder l'Afrique destin�e, selon lui, � voir �clore un nouvel �ge de l'humanit� : �L'humanit�, dans la race blanche, n'est pas au terme de son progr�s! [...] nous ne sommes pas toute l'humanit�, nous n'en sommes qu'une branche.� Pour Sanderval comme pour l'Etat fran�ais, le Fouta Djalon, un Etat situ� au c�ur de l'actuelle Guin�e, doit appartenir � la France. Aim� Victor Olivier est un utopiste qui se croit investi d'une mission : �Transmettre aux Peuls la lumi�re que nous avons re�ue de Rome.� Cependant, entre la R�publique et lui, les m�thodes divergent. Une seule devise pour Sanderval : conna�tre plut�t que combattre. Tierno Monenembo nous entra�ne dans les pas de Sanderval � la rencontre du royaume peul, th�ocratique et f�d�ral. Une initiation douloureuse � laquelle se soumet son personnage : �...les gouffres, les serpents, les panth�res, les scorpions, les chimpanz�s, les comas, les coliques, les menaces de mort et les empoisonnements.� Le h�ros est subjugu� jusqu'� la fascination par cet �autre� qu'il apprend � conna�tre jusqu'� vouloir devenir l'un d'entre eux, l'un de ces peuls �l�gant, subtil et rus� : �Ces gens sont insaisissables aussi bien par la main que par l'esprit ! On dirait qu'ils ont tous lu Montaigne ici. Vous ne verrez jamais peuple aussi ondoyant : jamais � la m�me place, jamais la m�me parole.� C'est l� toute la singularit� de sa d�marche en un temps o� la soif de conqu�te des peuples dits civilis�s justifie toutes les exactions. Tierno Monenembo r�investit par son imaginaire la m�moire des Peuls, lui conf�rant par l� m�me une remarquable dimension �pique. L'Afrique � travers Sanderval est sublim�e, rendue dans toute sa complexit�, loin des clich�s d'une �poque r�volue. R�volue ? Rappelons le r�ve de Sanderval : �il interdirait l'Afrique aux vulgaires, aux incultes, aux mendiants, aux fain�ants, aux bagnards et aux escrocs.�
M. N.
Tierno Monenembo,
Le Roi de Kahel, 2008, Le Seuil.
Biblio Tierno Monenembo
Tierno Monenembo, de son vrai nom Thierno Saidou Diallo, est n� au village de Por�daka en Guin�e le 21 juillet 1947. Il fuit le r�gime de S�kou Tour� en 1969. Docteur en biochimie, il enseigne en Alg�rie et au Maroc dans les ann�es 1980. Il a �crit, entre autres ouvrages parus au Seuil: Les crapauds-brousse (1979), Les �cailles du ciel (1986), Un r�ve utile (1991), Pelourinho (1995), L'a�n� des orphelins(2000), Peul(2004).


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