Le mouvement de gr�ve, d�clench� au d�but de la semaine �coul�e par les travailleurs de la SNVI de Rouiba, a atteint, jeudi dernier, son niveau de tension maximum. Il s�est transform� en confrontation entre le monde du travail et les forces de s�curit�. Le drame a �t� �vit� de justesse. Les travailleurs n�avaient fort heureusement aucune intention violente. La mobilisation et la d�termination des travailleurs de la SNVI et de ceux des autres entreprises de la zone industrielle de Rouiba �taient grandes. Les protestataires voulaient marcher pacifiquement vers la ville de Rouiba, situ�e � une vingtaine de kilom�tres � l�est de la capitale. Le gouvernement a r�pondu par la mise en place d��normes moyens r�pressifs, pour les en emp�cher. �Ne manquent que l�arm�e et les blind�s !� C�est la remarque d�un simple passant, constatant l�importance des moyens r�pressifs d�ploy�s sur le terrain. Effectivement, c��tait du jamais vu ! Il fallait voir pour croire. Des gendarmes et des policiers �taient pr�sents par centaines, sur chaque axe routier de cette zone d�activit�s, compl�tement boucl�e. Des v�hicules l�gers de la police et de la gendarmerie, par centaines, des bus de transport de forces anti-�meute, par dizaines, �taient l�. Dans un seul barrage de la gendarmerie, dress� au niveau du premier carrefour situ� � l�entr�e de la zone en question, quatre engins anti-�meute (2 chasse-neige et 2 camions lance-eau) avaient �t� dispos�s, � l�arri�re d�un escadron de plus de deux cents gendarmes des brigades anti�meute. Ils �taient pr�ts � foncer contre les marcheurs, tous en tenue de travail. Curieusement, les sinistres v�hicules portaient le sigle �S� du fabricant, celui h�rit� de l�ex-Sonacome. C�est au niveau de ce carrefour que la foule, de plusieurs milliers de marcheurs, s�est accroch�e plusieurs fois avec les gendarmes. Des bless�s l�gers ont �t� enregistr�s. Alors que les repr�sentants des travailleurs n�gociaient un passage pour poursuivre pacifiquement leur marche, Samia, la syndicaliste de la SNVI, surgit pour fustiger les officiers gendarmes : �N�avez-vous pas honte d�agresser une femme ? Vous �tes des hagarine�, en montrant les s�quelles des coups qu�elle a re�us sur la main. Elle rejoindra, un peu plus tard, la marche, avec un bandage qui lui a �t� appliqu� � l�h�pital de Rouiba. La foule, que ce d�ploiement n�impressionnait pas, a r�ussi � briser momentan�ment le barrage. Les renforts de gendarmes arrivaient � pas de charge. La situation �tait � un doigt de d�g�n�rer. Fort heureusement, les encadreurs ont r�ussi � ramener le calme, avant qu�une troisi�me tentative de briser le barrage ne soit faite. Finalement, des centaines de marcheurs ont contourn� l�obstacle s�curitaire, en passant par un verger, pour reprendre la route et poursuivre la marche. Des centaines de policiers anti�meute, disposant d�engins sp�ciaux, les attendaient � l�entr�e de la ville de Rouiba. Des gendarmes, appel�s en renfort, les ont pris � revers. Les manifestants �taient encercl�s. C��tait la strat�gie des forces de s�curit� : fractionner les marcheurs en groupes, pour les emp�cher de marcher en une masse compacte. Les protestataires, qui sont arriv�s � l�entr�e de Rouiba, ont continu� � scander des slogans pour l�augmentation des salaires et la suppression des amendements sur le droit de d�part � la retraite. �Dje�ch ! Cha�b ! Ma� ziada !� (arm�e, peuple, pour l�augmentation des salaires) ; �Ulach smah, ulach !� ; �Nous reviendrons demain, apr�s-demain, dans une semaine, dans un mois !� ; �Nous ne reprendrons le travail que lorsque nos revendications seront satisfaites.� Tels �taient les principaux slogans lanc�s en direction des gendarmes, rest�s placides. Un homme, la cinquantaine, nous a abord� : �Pourquoi dans les pays d�Europe o� les citoyens sont respect�s, ces derniers manifestent, ou d�versent des marchandises sur les routes, sans �tre r�prim�s ? Chez nous, nous marchons pacifiquement, et le pouvoir envoie des troupes pour nous r�primer.� A l�int�rieur de l�immense zone industrielle, des dispositifs ont �t� install�s, interdisant le regroupement de marcheurs � un m�me endroit. Nous avons constat� que des �l�ments anti-�meute interdisaient aux travailleurs de la soci�t� Cammo (production d��quipements de bureau) et � ceux d�Hydro-Am�nagement de rejoindre la marche. Notre passage a �t� une occasion pour les repr�sentants syndicaux des gr�vistes, isol�s, de faire cette d�claration : �Nous d�non�ons les rumeurs distill�es. Nous sommes en gr�ve pour soutenir les revendications concernant l�augmentation des salaires et le maintien du dispositif de retraite anticip�e. � La col�re ne s�estompe pas Des syndicalistes de la base d�versaient leur col�re contre leur Centrale qui, selon eux, les a flou�s. �Nous d�nions toute repr�sentativit� � Sidi-Sa�d�, finit par l�cher l�un d�eux. Et � un autre d�estimer que les conseillers de Bouteflika ne lui donnent pas les informations r�elles : �Ils mentent au pr�sident. Il ne conna�t pas la r�alit� de la situation des travailleurs, ni leurs difficult�s en raison de leur faible pouvoir d�achat.� Il ne faut pas sortir de l�ENA pour comprendre que ces manifestants n�ont ni le cadre institutionnel, ni les responsables pour �couter leurs inextricables difficult�s � faire face au quotidien de leur famille, le plus souvent amer. Comme la circulation automobile �tait proscrite, ce jeudi, dans cet immense espace industriel, nous nous sommes content�s des indications des syndicalistes sur ce qui se passait du c�t� de la zone d�pendant de la commune de R�gha�a. Selon eux, un grand dispositif barrait la route aux travailleurs d�Anabib et autres entreprises publiques. Par ailleurs, dans les quelques entreprises que nous avons visit�es, comme Tameg (ex- Tanneries alg�riennes), Mobsco, NCA Jus, nous avons constat� que les travailleurs �taient bel et bien en gr�ve, certains depuis quelques jours. Dans leur majorit�, ils ont renforc� les rangs des marcheurs. Gr�vistes et marcheurs ont fait montre d�une forte d�termination � aller jusqu�au bout de leur action. Un mouvement de protestation qui risque de reprendre dimanche.