Madame le wali d'Ain Témouchent a présidé avant-hier à Béni-Saf au départ d'une «caravane de sensibilisation» sur les «risques de l'immigration clandestine». Encore un convoi qui s'en ira prêcher la bonne parole à des jeunes dont le désarroi ne serait finalement qu'une vue de l'esprit, puisque, manifestement, il suffirait de mots pour les dissuader d'entreprendre leur folle et périlleuse aventure. D'une manière générale, on connaît la nature et surtout l'efficacité de telles «initiatives». Si elles avaient abouti à quelque résultat, si elles avaient changé quelque chose dans les maux qu'elles sont censées juguler, on l'aurait su depuis longtemps. Elles ont été tentées pour combattre la consommation de la drogue, cannabis, psychotropes et cocaïne qui continuent à faire des ravages dans des proportions de plus en plus dramatiques. On en a organisé pour «encourager la lecture», le livre s'éloigne chaque jour un peu plus de la vie des algériens, jeunes et moins jeunes. On a eu la prétention de faire de la prévention sur le sida, ça a donné des discours culpabilisateurs qui ont ajouté du mal au mal. On peut continuer à l'envi à énumérer les «expériences» en matière de «caravanes». Dans le meilleur des cas, elles ont tourné court. S'agissant de la dernière, on en aura d'abord retenu le ton péremptoire et la panacée facile dans le discours de Madame le wali. Ainsi, selon elle, il suffirait d'expliquer aux jeunes de sa circonscription géographiquement prédestinée à l'aventure en raison de la proximité des côtes espagnoles, toutes les dispositions de l'Etat pour leur assurer du boulot. Et le tour est joué. Les jeunes d'Aïn Témouchent et ceux qui y viennent de plus loin pour «embarquer» auraient donc le bonheur à portée de main et ils ne le savaient pas. Ils l'ignorent à tel point qu'ils vont risquer la mort en haute mer en tentant de rejoindre des pans de ciel qui, forcément, n'offrent que mirages et désillusions. Madame le wali s'est même permis le luxe d'un coup de gueule à l'endroit des autorités qui ne s'investissent pas assez ou pas du tout dans la gestion du «dossier». On pensait que l'Etat, dans son immense générosité, avait tout fait pour assurer le bonheur de ses enfants, et voilà qu'on découvre qu'avant cette caravane, rien n'a été entrepris en la matière ! Il y aurait même des diplômés, des «universitaires» tentés par la traversée et qui devraient faire l'objet d'une attention particulière, selon la première responsable de la wilaya d'Ain Témouchent ! Il n'y a pas que le travail qui pousse nos jeunes vers les vagues, Madame ! Mais il ne faut pas trop le dire, parce que cela supposerait que le travail est réellement garanti, comme vous semblez le suggérer.