Sarkozy est un homme politique arrogant mais surtout fier. Son égo hypertrophié l'empêche de faire son mea culpa et réparer les dommages que son laïus à Tunis a causés à l'Algérie et aux Algériens. Eclairage. On attendait qu'il fasse amende honorable pour ses saillies malvenues teintées de haine et de provocation à l'égard de l'Algérie, l'ex-chef de l'Elysée a plutôt servi un plat insipide de mauvaise foi sur les colonnes de «Valeurs Actuelles», son journal presque intime, où il s'est épanché ce week-end. «J'ai été surpris car rien dans mes propos ne se voulait critique à l'endroit de quiconque, certainement pas de l'Algérie pour laquelle j'ai, chacun le sait, une profonde amitié. Et très sincèrement, je crois que rien de ce que j'ai dit ne l'était, ni ne justifiait une polémique, qui s'est d'ailleurs moins nourrie des paroles que j'ai prononcées que de l'interprétation que certains ont cherché - à tort - à leur donner. Je le regrette». Et voilà ! Ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui est fautif dans cette histoire mais nous autres Algériens, qui avons mal compris ou interprété ses propos… C'était pourtant en français dans le texte tel que sortis de sa bouche à Tunis où il était parti le 21 juillet dernier en voyage de précampagne pour la présidentielle de 2017. Flash back. «La Tunisie est frontalière avec l'Algérie et avec la Libye. Ce n'est pas nouveau. Vous n'avez pas choisi votre emplacement (…) L'Algérie, qu'en sera-t-il dans l'avenir, de son développement, de sa situation ? C'est un sujet qui, me semble-t-il, doit être traité dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée». Il est bien commode de s'abriter derrière «l'interprétation de certains» pour tenter de justifier maladroitement un tel dérapage incontrôlé (?) d'un homme, soit dit en passant si habitué de débiter des propos indignes d'un ancien chef d'Etat. Souvenons-nous des fameux «Casse-toi pov'con !», «la racaille d'Argenteuil» ou encore «on va nettoyer la cité au Karcher !». Sarkozy n'a aucune retenue quand il prend la parole en public, même en tant que président de la République. La provoc' est pour lui une seconde nature dont il aura bien du mal à s'en départir. Et ce n'est pas cette réaction tardive et par ailleurs non rédemptrice qui va prouver le contraire. Les Algériens n'ont juste pas compris son propos et se sont allés dans une interprétation qui n'est pas la sienne ! La piqûre de Lamamra
Pourtant, à Alger comme Paris et Tunis, tous ceux qui l'ont écouté eurent compris la même chose ; c'est-à-dire que ses déclarations sur l'Algérie sont aussi grossières que scandaleuses et ses insinuations et autres messages subliminaux le sont tout autant. Signe que l'allocution de Sarkozy ne souffre pas d'imprécision pour la décrypter, c'est le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra himself, qui lui a porté le coup d'estoc. «Cette sortie est malvenue. Il est tout à fait légitime de poser, à cet égard, la question de savoir si la pensée coloniale que l'histoire a complètement disqualifiée ne serait pas en train de tenter de se régénérer à travers des exercices stériles de manipulation de la géographie.» C'est chez lui à Paris que le MAE algérien a envoyé un uppercut à Sarkozy, il y a une dizaine de jours lors d'une conférence de presse avec son homologue français Laurent Fabius dans le cadre des consultations politiques algéro-françaises. Ce jour-là, Lamamra a flingué avec une élégance toute diplomatique le chef des Républicains qu'il a implicitement invité à réviser ses manuels d'histoire et de géographie. Il est très probable que cette sèche mise au point de Lamamra a été derrière cette sortie ratée de Sarkozy via «Valeurs Actuelles» pour tenter de se sauver la face. Sauf qu'il a aggravé son cas en ce sens qu'il se soit gardé de présenter ses excuses ; un exercice qu'il abhorre par-dessus tout a fortiori quand il s'agit de l'Algérie. Ce qu'il regrette c'est la prétendue interprétation de ses propos polémiques et non pas le tort qu'ils ont causé aux Algériens. Autrement dit, la faute revient à nous qui aurions des difficultés d'assimilation sémantiques pour saisir la «profondeur» voltairienne de la pensée sarkoziste… Voilà, en effet, comment l'ex-chef locataire de l'Elysée (qui veut y retourner) botte en touche : «J'y vois surtout l'expression de la relation passionnelle entre nos deux pays. Quand il y a des sentiments profonds, des attentes fortes, il y a des réactions vives. Le message que je veux faire passer est simple ? : tous ces pays mènent un combat contre la barbarie, et il est de notre devoir de les aider et de les soutenir…». Pas sûr que cette pirouette, par laquelle il suggère qu'il ne regrette rien, lui suffise pour faire revenir les responsables algériens à de meilleurs sentiments à son égard. Son déplacement à Alger est plus que jamais compromis.