Les travailleurs de la direction de… l'emploi de Tizi Ouzou sont en grève illimitée. Leur revendication, manifestement unique : le maintien à son poste de leur directrice mise en congé-sanction, généralement antichambre de limogeage ou dans le meilleur des cas de mutation. Une fois passée l'instant cynique de la situation, on aura à apprécier sa drôlerie. Mais en l'occurrence, il n'y a pas que cynisme et drôlerie. Il y a même de l'inédit. Trop rare en effet pour passer inaperçu. Des employés d'une administration publique qui aiment leur patron au point de débrayer pour obtenir son maintien à son poste, ça ne se voit pas tous les jours. Par contre, les piquets de grève où des banderoles réclamant le départ du directeur, c'est monnaie courante. Tellement courante que ça en faisait trop. Au point où le doute a souvent plané sur la sincérité et la légitimité de certains arrêts de travail pour des motivations du genre. On a alors parlé de certaines grèves comme on parlait dans les années de plomb de «complots ourdis». Sauf que les complots ourdis, de leur temps, relevaient de la pure paranoïa, servaient à détourner l'opinion d'une situation explosive ou carrément justifier une répression politique, syndicale ou sociale. Comme on n'arrête pas le progrès, les complots sont devenus par la suite plus fréquemment… crédibles. Cela a donné des grèves suggérées ailleurs que dans les ateliers et les salles de réunions syndicales. Des grèves qu'on veut bien saupoudrer de quelques exigences salariales ou professionnelles mais qui portent toujours en arrière-plan des motivations moins avouables. Enfin, certaines plus avouables que d'autres, comme demander le départ d'un responsable pour préparer le terrain à quelqu'un d'autre. Il arrive même que ce soit la tutelle qui tire les ficelles, le mode opératoire en matière de nomination aux responsabilités n'ayant jamais été un exemple de transparence et le mérite personnel ayant rarement été déterminant dans la promotion à certains niveaux. Alors, quand, une fois n'est pas coutume, on débraie avec une unique revendication qui est celle du maintien d'une directrice de l'emploi, comme c'est le cas à Tizi Ouzou, on est forcément plus proche du sourire satisfait que de la moue suspicieuse. Et, ce qui ne gâte rien, il paraît que la dame fait du bon travail à son poste. Le propos est ailleurs, bien sûr, puisque dans ce cas comme dans un autre tout aussi rare, il peut y avoir matière à spéculation. Il y aura toujours spéculation. Tant que les nominations, les limogeages et les… grèves se feront dans les conditions que tout le monde connaît. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.