La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) vient de rendre public son rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Algérie pour l'année 2015. Le rapport, de 193 pages divisé en trois parties et de plusieurs chapitres chacune, se propose de signaler les insuffisances et d'encourager les performances en matière d'exercice des droits de l'homme dans le pays. La Commission rattachée aux services de la présidence de la République et présidé par Me Farouk Ksentini, ne s'est pas empêchée, malgré toutes les louanges, de formuler quelques critiques sur la situation des droits de l'homme. Elle a appelé les gouvernants à aller vers la modernisation des modes de gestion dans le but de renforcer les acquis dans le domaine des droits de l'homme à travers, des mécanismes permettant de contrôler l'efficience de son système législatif et réglementaire à même de consacrer la démocratie et l'Etat de droit. Mieux, elle souligne que les Algériens ont droit à «un Etat viable, moderne, doté d'institutions fortes et stables garantissant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la primauté de la loi et l'Etat de droit». La CNCPPDH plaide pour une véritable démocratie, expliquant que cette dernière constitue une condition sine qua non pour le respect des droits de l'homme, étant donné que «démocratie et droits de l'homme sont interdépendants». «La démocratie mène inéluctablement à la mise en place de structures et d'institutions qui seront de nature à favoriser l'exercice des droits politiques», a-t-elle souligné, expliquant que «sans le développement social, économique, culturel et politique, sans la stabilité et la prospérité des citoyens, aucune avancée ne peut se faire». Pour la CNCPPDH, certains défis doivent être relevés en vue de renforcer et de consolider l'Etat de droit et son corollaire la démocratie. Il s'agit notamment de «l'aliénation croissante de la population face au pouvoir politique» et de «l'exercice démocratique fondé sur l'égalité et la participation de tous à la vie publique». En se félicitant de la dynamique enclenchée dans la voie des «réformes institutionnelles», la commission encourage les pouvoirs publics à aller vers «l'approfondissement de la démocratie réelle et une prise en compte effective des droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels des Algériens». Conjuguer les efforts Abordant les réformes de certains secteurs (santé, éducation…), la CNCPPDH souligne que le caractère sectoriel des réformes engagées par le gouvernement peut engendrer certaine autarcie et un déficit en matière de coordination des efforts et de résultats à obtenir. Elle explique que les problèmes des droits de l'homme sont de nature parfois complexe mais souvent intersectorielle, d'où l'importance d'impliquer plus d'un département dans la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques visant leur prise en charge. De ce fait, elle plaide en faveur de la mise en place d'une politique nationale des droits de l'homme, regroupant toutes les parties prenantes et touchant l'ensemble des champs d'application et d'exercice de ces droits. «La mise en place d'une politique nationale permettrait de conjuguer les efforts entre divers intervenants, en prenant en considération les priorités des uns et les contraintes des autres, de rationnaliser les ressources allouées à la mise en œuvre des politiques, augmenter l'efficacité et l'accomplissement des objectifs et d'asseoir une approche de complémentarité entre les différents acteurs en présence», justifie-t-elle. Elle recommande la mise en place d'une instance intersectorielle de haut niveau chargée des droits de l'homme. La commission propose également d'examiner la possibilité de revenir à l'expérience du ministère délégué aux Droits de l'homme créé en 1991 et dissous six mois plus tard. «Ce département ministériel devra se charger de la conception et de la mise en œuvre d'une politique nationale des droits de l'homme en collaboration avec les secteurs concernés, la CNCPPDH et la société civile», plaident les rédacteurs du rapport. La Commission de Ksentini n'a pas ignoré la donne sécuritaire, une autre condition fondamentale sans laquelle l'exercice des droits de l'homme serait une chimère. Elle a salué le retour de la paix et de la sécurité suite à la mise en œuvre de la réconciliation nationale ainsi que l'engagement des services de sécurité. Combattre l'extrémisme «Le binôme sécurité et droits de l'homme ne doit pas être antinomique mais au contraire complémentaire, car il n'existe pas de droits de l'homme sans sécurité, ni de sécurité sans droits de l'homme», argue-t-elle, évoquant un «mariage de raison». Pour gagner la bataille du développement et des droits de l'homme, la CNCPPDH appelle à lutter contre les principales causes qui alimentent le terrorisme qui sont la pauvreté, la paupérisation, l'exclusion, l'injustice sociale, le discours de la haine et les idéologies extrémistes. Si ces causes ne sont pas prises en charge correctement et combattues radicalement, la Commission craint que «les idéologies extrémistes finissent par menacer les fondements de la société et mettent en péril la paix et la stabilité avec des conséquences désastreuses sur le citoyen et ses biens». Pour cette organisation, l'Etat de droit, la démocratie et le respect des droits de l'homme s'imposent comme les principaux remparts contre les idéologies extrémistes et leurs explosions violentes. Elle met en garde surtout contre les dangers qui guettent la jeunesse qui représente 60% de la population au cas où elle n'est pas prise en charge à temps. La CNCPPDH plaide enfin pour une révision de la distribution du revenu national de manière juste et équitable et appelle à une rationalisation des ressources humaines pour éviter les dédales des troubles sociaux.