Que reste-t-il aujourd'hui de la date symbolique du 20 avril ? La question mérite d'être posée pour tirer les conclusions d'une lutte qui a pris naissance en Kabylie il y a de cela trente-sept ans. Formulée de cette manière, cette question peut dérouter les nombreux acteurs de la cause berbère. Parce que, soutient Mohand Ait-Ighil, dramaturge et militant de la cause, tout dépend de la place que l'on croit avoir donné à ce combat. «Le 20 avril n'est pas seulement un combat pour la reconnaissance de l'identité. Les militants du Mouvement culturel berbère (MCB), à l'origine du printemps 1980, ont défendu aussi des idéaux de liberté, de justice et de démocratie. Et sur ce point, nous pouvons affirmer que le combat ne fait que commencer», soutient ce militant, présent sur le terrain de la revendication depuis plus de trente ans. L'usurpation de ce combat par les politiques a fait reculer cette cause, à tel point que même les institutions officielles qui ont toujours nourri une suspicion par rapport à cette date ont décidé de célébrer la date du 20 avril. «On ne peut accuser le pouvoir de vouloir se dérober au débat que devrait susciter ce combat, parce que nous avons raté la mission de vulgarisation du message d'avril 1980», regrettent de jeunes étudiants. «Ceux qui ont repris le flambeau à l'ouverture démocratique ont circonscrit le combat du MCB à une revendication linguistique en marginalisant toutes les autres questions, pourtant étroitement liées à l'idéal d'avril», expliquent-ils. C'est cette maladresse dans la formulation de la revendication qui a conduit le pouvoir aujourd'hui à répondre sur le seul registre linguistique : mise en place d'institutions dédiées à tamazight, officialisation de la langue amazighe, introduction de tamazight à l'école… «La célébration du 20 avril dépasse aujourd'hui nos frontières, puisqu'il est aussi commémoré au Maroc, en Tunisie et même en Libye. Ceci démontre que la dimension amazighe est un idéal commun à tous les peuples d'Afrique du Nord. Ce concept est cependant en parfaite contradiction avec l'orientation politique des pays composant cette entité désignée par le Maghreb arabe, sachant que chaque langue produit sa propre pensée, soutient Djamal Ikhloufi, enseignant et militant de la cause. Il reste que pour l'ensemble des militants qui activent encore sur le terrain, le 20 avril n'est qu'un jalon parmi d'autres d'une cause qui a commencé avec le premier noyau de nationalistes algériens qui ont posé la question de l'identité comme sujet incontournable dans la définition du futur Etat algérien. Si la question a été escamotée par les centralistes, car jugée dangereuse pour l'unité de la révolution qui se préparait, elle a été reformulée par les générations post-indépendance. «Avril 1980 doit constituer un repère autour duquel toutes les générations à venir doivent élever leurs idéaux sociaux et politiques. Penser en dehors de cet idéal de justice et de liberté conduira inéluctablement vers des situations conflictuelles», fera remarquer un ex-détenu de mai 1981.