L'affaire du décès d'une parturiente et de son bébé à Djelfa n'en finit pas de dévoiler des secrets. Au moment où le personnel médical des trois hôpitaux de Aïn Oussara, Hassi Bahbah et Djelfa continue de protester contre l'arrestation de leurs collègues mis en cause suite à l'ouverture d'une enquête de justice, de nouveaux éléments viennent démontrer que ce drame est plus complexe qu'on l'imaginait. Pour une source médicale au fait de cette affaire, «la justice doit prendre tout le temps nécessaire pour définir les vrais coupables et ne pas se contenter de chercher des boucs émissaires pour faire taire la colère populaire». En effet, de même source, nous apprenons que la nuit où la jeune parturiente s'était présentée à l'hôpital de Aïn Oussara, son mari, qui est un imam, aurait refusé qu'elle soit examinée par le médecin cubain qui résidait à l'intérieur de l'établissement mais qui n'était pas de service. Pour cet imam, «il était hors de question que sa femme soit touchée par un homme», précise-t-on. Un détail qui, pour le moment, n'a pas été révélé et qui risque de resituer les responsabilités. La sage-femme, qui était toute seule, n'avait donc pas d'autre choix que d'adresser la patiente à l'hôpital de Hassi Bahbah. Ce n'est pas tout. Selon nos sources, la gynécologue censée être de garde cette nuit-là et qui vient d'être arrêtée d'ailleurs, a présenté un certificat pour un arrêt de travail de trois jours. Cependant, il s'agirait d'un certificat de complaisance. Il se trouve, en effet, que l'ordonnance porte l'en-tête de l'hôpital de Beni Messous à Alger. Ce qui est une violation de la loi par le médecin qui l'a signée, d'autant qu'il n'exerce plus dans le même établissement hospitalier. «Il s'agit d'un ophtalmologue, un ancien résident à Beni Messous, mais qui n'a pas encore obtenu son affectation», précise notre source. Il est en effet interdit à tout médecin d'apposer sa griffe sur une ordonnance qui ne porte pas l'en-tête de l'établissement dans lequel il exerce. Un autre détail sur lequel les enquêteurs devraient sûrement insister, est celui relatif aux circonstances du décès de la jeune maman. Notre source explique que même si la parturiente a été victime d'une hémorragie, «cela pourrait expliquer son décès mais pas celui du bébé». Dans le cas d'un accouchement naturel, l'hémorragie survient après la naissance du bébé. C'est dire que «dans cette affaire, tout ne semble pas très net», admet-on encore. Outre les six personnes arrêtées jusqu'à présent, dont trois sages-femmes, un surveillant médical, un directeur de garde et le médecin-gynécologue, les enquêteurs devraient certainement dévoiler d'autres responsables et éclaircir des zones d'ombre qui permettront de comprendre les circonstances exactes dans lesquelles est survenu le drame de Djelfa. En attendant, le personnel médical des trois hôpitaux continue de manifester, réclamant la libération de leurs collègues. A Hassi Bahbah, les médecins, les infirmiers et le personnel administratif ont entamé, depuis le 8 août, un sit-in ouvert. 150 démissions ont déjà été déposées au niveau de la direction de l'établissement, alors qu'une grande tente a été érigée à l'entrée principale, avec des pancartes et banderoles accrochées partout. «Non à la Hogra !», «Libérez Rakai, Laidani et Fassih !», «Nous sommes en grève» ou encore «Non à l'emprisonnement des innocents !» étaient les principaux slogans brandis par les protestataires qui assurent, malgré leur débrayage, le service minimum. Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière est fortement réclamé sur place. Paradoxalement, près de trois semaines après l'éclatement de cette affaire, le Pr Mokhtar Hasbellaloui n'a pas jugé utile de se rendre dans la wilaya. Son département s'est contenté de se constituer partie civile. Appelant à la libération des personnes arrêtées, il pointe du doigt les défaillances: Le soutien et les accusations du Snpsp Le Syndicat national des praticiens de santé publique (Snpsp) a appelé les plus hautes autorités du pays à intervenir pour libérer les personnes arrêtées dans le cadre de l'enquête déclenchée suite à la mort, le 26 juillet dernier d'une jeune parturiente (23 ans) et de son bébé à Djelfa, après qu'elle s'est vue refuser une prise en charge dans trois hôpitaux. Tout en réitérant «sa solidarité et son total soutien à l'ensemble des personnels de la santé des établissements de la wilaya de Djelfa», le syndicat de Lyès Merabet en appelle «à l'intervention des plus hautes autorités du pays pour la libération immédiate de toutes les personnes incarcérées en attendant l'aboutissement de l'enquête administrative et judiciaire qui doit déterminer les causes exactes du décès et situer les responsabilités de chaque partie». Dans un communiqué rendu public, le Snpsp, qui semble s'adresser au président de la République, en sa qualité de premier magistrat du pays, s'est indigné contre ce qu'il a qualifié de «campagne de dénigrement soutenue et acharnée», menée, a-t-il accusé, par «une certaine presse écrite et audiovisuelle». Cette campagne vise, selon le syndicat, les professionnels de la santé en général, le corps médical en particulier, «l'accusant d'être derrière toutes les défaillances de notre système de santé». Le même corps médical «présenté comme bouc émissaire pour la vindicte populaire suite à la situation dramatique qui a secoué la wilaya de Djelfa», dénonce le Snpsp. Après avoir réitéré l'expression de sa compassion avec toutes les familles des victimes, le syndicat pointe du doigt «la désorganisation chronique du secteur de la santé et l'insuffisance en offre de soins à Djelfa et ailleurs». Mais il n'omet pas de dénoncer «des accusations tendancieuses et irresponsables de certains médias». De quoi, a-t-il mis en garde, «dresser les citoyens contre les personnels soignants». C'est pourquoi le syndicat de Lyès Merabet dit «associer sa voix à celle de toutes les parties qui appellent au calme et à la modération». Enfin, rappelant ses «positions critiques» à l'égard des réformes engagées dans le secteur depuis plus de quinze années, le Snpsp «voit dans cette nouvelle situation de crise absolue, toute la complexité du problème dans lequel se débat le secteur de la santé en Algérie». Une situation qui par son urgence, soutient-il, «nous interpelle tous, citoyens, militants des droits de l'homme, professionnels de la santé, journalistes, élus représentants du peuple et pouvoirs publics».