Août 2009 : dans un laboratoire anonyme du Genopole d'Evry (France), un petit groupe de chercheurs s'agglutine devant un coin où se prépare une expérience historique. Un jeune technicien aspire dans une seringue le contenu d'un petit flacon et approche l'instrument d'un briquet avant de pousser le piston. Une minuscule langue de flamme bleue jaillit de l'extrémité de l'aiguille, l'espace d'une seconde, déclenchant un tonnerre d'applaudissements. «C'est encore une toute petite étincelle, mais bientôt ce sera une torchère», s'enthousiasme Marc Delcourt, PDG de la société Global Bioenergies (GBE). Après deux ans d'efforts, cette start-up française de biotechnologie est prête à tester à l'échelle industrielle son projet révolutionnaire: modifier génétiquement des bactéries afin de leur faire produire des hydrocarbures. Cela ressemble à une plaisanterie, à une invention abracadabrante du concours Lépine : des microbes fabriquant spontanément de l'essence à partir d'un tas de fumier ! C'est pourtant le résultat auquel aboutit ce procédé mis au point par un biologiste français, Philippe Marlière, ancien chercheur à l'institut Pasteur et cofondateur de GBE. Il consiste à reprogrammer les gènes des micro-organismes pour leur faire transformer les sucres contenus dans les végétaux, la paille, la mélasse, voire les déchets ménagers, en molécules d'isobutène, un composé chimique gazeux facilement transformable en essence, en gasoil ou en kérosène pour les avions. Un biocarburant renouvelable, compatible avec tous les moteurs actuels, et qui n'ajoute pas de carbone dans l'atmosphère.