Au nom de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, la coalition militaire occidentale poursuit d'autres objectifs que ceux fixés par la communauté internationale, dont l'élimination physique pure et simple du colonel Kadhafi. Cette résolution prévoit une zone d'exclusion aérienne en Libye et un embargo maritime pour protéger les civils. En aucun cas la chute du régime libyen et encore moins l'assassinat de Kadhafi ou des membres de sa famille ! Un crime de guerre Tous les indices viennent confirmer que c'est pourtant bien cet objectif qui est poursuivi, en ce moment, par les coalisés. Bien sûr, le chef d'état-major de l'Otan s'en défendait, hier, à l'annonce de la mort du fils cadet du colonel Mouamar Kadhafi, Seif El Arab, âgé de 29 ans, et de ses trois enfants, tués par trois missiles largués par les avions de la coalition sur sa maison située dans un quartier résidentiel de Tripoli. Ce n'est pas un acte isolé. Kadhafi s'y trouvait lui aussi avec son épouse. Voilà deux semaines, ses bureaux de Bab Aziza avaient été ciblés – rasés est le mot juste – par les avions de guerre franco-britanniques. Miracle là encore ! Au mépris des objectifs fixés par la résolution 1973, la coalition frappe visiblement, là où c'est possible de toucher le colonel libyen. L'objectif recherché à travers ces opérations bien chirurgicales et loin d'être aveugles serait, faute d'éliminer Kadhafi lui-même, au moins de saper le moral du guide libyen, de le provoquer davantage pour l'amener à s'acharner sur la rébellion – les «pauvres civils» dans le langage usité par les coalisés – voire l'obliger à abandonner son idée de cessez-le-feu et de négociations. Le «non» au cessez-le-feu Une proposition de cessez-le-feu qui a été rejetée par la France et le Royaume-Uni avant même qu'elle ne parvienne à New York où le Conseil de sécurité est le seul organe habilité à l'accepter ou à la rejeter. Car la cessation des hostilités, si elle venait à être avalisée par la communauté internationale, signifie la fin d'une guerre que les coalisés veulent la plus longue possible, le temps d'affiner leur stratégie globale pour la région et de détruire dans un pays et de massacrer toute la population libyenne. Concrètement, le retour à la paix fausserait tous les calculs occidentaux en Libye, pays qui doit rentrer dans les rangs pour intégrer la stratégie de mainmise occidentale sur son pétrole «léger, disponible et à bon marché». La guerre en cours en Libye relève de la dérive «légalisée». Cette guerre est de plus en plus dirigée contre les civils, non pas pour les protéger. Ce n'est pas la première fois qu'une agression occidentale cible la famille du colonel libyen. En 1986, les avions de guerre américains et britanniques ont frappé dans ce pays maghrébin, au prétexte de punir Kadhafi pour les attentats de Lockerbie et de la discothèque de Bonn où des GI's avaient trouvé la mort. Cette opération avait été dirigée contre la résidence de Kadhafi où l'une de ses filles adoptives y aurait trouvé la mort. Le cynisme de David Cameron C'est exactement ce scénario meurtrier et dissuasif qui a été réédité, cette fois, contre la maison de Seif El Arab. Un vrai crime de guerre délibéré qui vient apporter la preuve irréfutable, une de plus et non des moindres, que l'objectif prioritaire des pays de la coalition internationale n'est pas de protéger les «populations civiles», comme le stipule la résolution 1973. Un assassinat collectif de civils innocents, programmé par des pays occidentaux et exécuté par l'armée de l'Otan – les mots sont pesés – qui n'a pas soulevé, à ce jour, la moindre protestation ou regret en Occident. Interrogé sur ce déni de droit international qui ne laisse planer plus aucun doute sur les objectifs réels poursuivis par les «alliés» en Libye, David Cameron, le plus farouche partenaire de Nicolas Sarkozy dans cette génocidaire campagne militaire occidentale, affirmait, hier, sournoisement n'avoir pas d'éléments en main sur ce qui paraissait à ses yeux n'être qu'un fait divers. Le Premier ministre britannique poussera plus loin encore son cynisme quand il affirme que les objectifs visés par la coalition militaire internationale sont conformes à la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU. La crédibilité de l'ONU en jeu Une trop grave appréciation d'un crime de guerre que le Premier ministre d'un pays membre permanent du Conseil de sécurité renvoie, consciemment ou non, à la responsabilité de la communauté internationale. De son point de vue, l'assassinat du fils du colonel Kadhafi et des membres de sa famille (surtout des enfants) est conforme aux dispositions de la résolution 1973. Dans cette guerre dite «chirurgicale», les cibles sont soigneusement choisies par les états-majors. Logiquement, il n'y a pas de place dans leurs plans à la moindre bavure. Les «alliés» en ont pourtant commis pas mal. Depuis le début des bombardements en Libye, des hôpitaux et des quartiers civils ont été détruits et des milliers de citoyens sont blessés et tués. Le crime de guerre d'hier n'entre pas dans la catégorie de ce qu'on appelle dans le langage choisi des experts de «dommages collatéraux». C'est une violation flagrante de la résolution 1973 du Conseil de sécurité dans la mesure où l'opération d'hier visait à éliminer Mouamar Kadhafi. L'ONU acceptera-t-elle que des crimes de guerre soient commis en son nom et contre sa propre volonté ? Toute sa crédibilité est en jeu.