Y a-t-il un lien entre une salle de cours du lycée Ben Othmane El Kébir et une salle d'audience de la 5e chambre d'instruction du tribunal de la cité Djamel Eddine ? Bien sûr. Il y a d'abord la géographie, puisque les deux endroits sont situés dans la ville d'Oran. Il y a aussi l'histoire avec un petit «h». Dans la salle de cours du lycée Ben Othmane El Kébir, on a découvert des lycéens pyromanes qui ont réussi à introduire de l'essence dans l'établissement pour faire de leur classe un brasier. Dans la salle d'audience du tribunal de la cité Djamel Eddine, on a fait connaissance avec d'autres lycéens qui n'auraient jamais dû aller au-delà du lycée mais se sont tout de même retrouvés à l'université même s'ils ont été recalés au bac. Il y a enfin le temps, puisque ça se passait quasiment au même moment. Pendant que les pompiers tentaient d'éteindre le feu et que les ambulances évacuaient quelques élèves asphyxiés ou simplement traumatisés par le «spectacle», du grand monde défilait dans la salle d'audience. La fille d'un baron de la drogue enterré du nom de Zendjabil qui a le don d'ubiquité puisqu'on nous avait annoncé son arrestation avant de nous annoncer sa mort tranquille dans la maison de sa mère. Cette fille aurait été inculpée d'outrage à magistrat lors de sa comparution pour une autre affaire de faux qui aurait permis l'enterrement de son père sous une fausse identité ! La voilà dans une autre affaire, celle qui lui a permis d'accéder à la fac sans diplôme. L'argent de la drogue mène à tout, en prison comme au campus. Dans cette affaire comme dans la première, elle est avec du beau monde. Elle a de qui tenir, elle ne peut pas fréquenter n'importe qui. Quand on est à la fac et qu'on a peut-être «terminé ses études» sans bac, on ne doit pas être non plus obligé de passer ses examens, ni annoncer le décès de son père pour mettre en péril les «affaires» et les «associés». Pendant que la police scientifique cherchait des indices dans la salle de cours et le vestibule du lycée Mohamed Ben Othmane El Kébir, les magistrats faisaient défiler le beau monde qui a permis la fac sans le bac ou en a «bénéficié». Soixante-dix personnes. Des «responsables locaux», des enseignants universitaires, un professeur de médecine propriétaire d'une clinique privée et un avocat qui a pignon sur rue à Oran, professeur également à la fac de droit. Tout ce beau monde donc avait soit un rejeton, soit deux ou même trois, qui ont rejoint l'institut de médecine ou la fac de droit ! Il y en a même qui ont obtenu leur licence et leur certificat d'aptitude à l'exercice du métier d'avocat. Quand on a un papa qui peut vous «obtenir» le bac, on ne va pas se gêner pour le reste. Autant marcher sur ses pas, qu'ils soient professionnels ou moraux. Avec un aussi beau monde, on comprend pourquoi le réseau a fonctionné pendant des années sans le moindre soupçon. Il y avait les «manœuvres» de l'administration universitaire, les architectes du rectorat, les chefs de chantier des instituts, les maîtres d'œuvre des institutions locales et les clients de haut vol. Et par-dessus tout, l'argent qui ne doit pas manquer. Les malfrats savent dépenser sans compter pour «l'avenir» de leurs enfants, c'est connu. Les malfrats analphabètes encore plus, convaincus qu'on ne peut rien avoir qu'on ne puisse voler ou acheter. Y a-t-il une différence entre ce qui se passait au même moment au tribunal de la cité Djamel Eddine et au lycée Mohamed Ben Othmane El Kébir d'Oran ? Pas vraiment, l'école brûlait dans les deux endroits. Sauf qu'au tribunal, il n'y avait pas de flammes, ce qui est encore plus dangereux : il y avait le feu sans la fumée.