Le chef de l'ex-AIS évoque le dilemme entre le politique et le militaire de l'ex-FIS. Madani Mezrag a signé lundi dernier un texte intitulé «Vérités, positions et vision», rendu public hier avec deux anciennes lettres, l'une adressée à Abassi Madani en février 1997 et une autre au Président Zeroual datée de la même époque. Cette initiative intervient trois années, jour pour jour, après la signature du décret présidentiel amnistiant les éléments de l'AIS, comme tient à le préciser son auteur. Il saisit l'occasion pour rappeler que l'AIS avait refusé la loi de concorde civile, et plus précisément son article 38-bis objet de polémiques à cette époque. Elle avait attendu la signature du décret présidentiel pour se décider à s'autodissoudre et à déposer les armes. Mezrag évoque dans son texte les malentendus qui ont accompagné la trêve et rappelle que certains membres de l'ex-FIS ont estimé que l'AIS avait «doublé les chouyoukh» en mettant cette thèse sur le compte de «certaines plumes hostiles». Evoquant les contacts entrepris en 1994, il révèle: «Deux frères du FIS nous ont contactés et nous ont proposé un projet en plusieurs points dont celui relatif à la trêve et nous ont demandé notre avis. Nous avons donné notre accord sur le projet et nous les avons beaucoup encouragés. Nous avons toutefois constaté leurs appréhensions sur la mission d'un troisième cadre qui a été chargé de proposer le projet à la direction du GIA. Malheureusement, leurs doutes étaient fondés car nous avons appris, par leur biais, que le troisième émissaire a rencontré cheikh Mohamed Saïd qu'il a trouvé isolé, sans aucune prise sur les événements. Il a rencontré ensuite l'émir du GIA de l'époque, Abou Abdellah, mais a été choqué par les questions que lui avait posées ce dernier sur le djihad, le pouvoir, le régime, etc. Le pauvre n'a même pas daigné faire la proposition du projet. Il est revenu avec un rapport oral du GIA qu'il a transmis à cheikh Ali Benhadj puis aux deux frères. Le rapport indique que le GIA contrôle 46 wilayas et dispose de beaucoup d'armes et qu'il est sur le point de faire tomber le régime. Ainsi, le projet est tombé à l'eau. Mais pour qu'on ne comprenne pas que la personne concernée a été convaincue par les thèses du GIA et l'a soutenu, nous disons que cette personne et la guerre font deux (...) Quand les frères du Centre lui ont proposé de rejoindre le maquis et d'en prendre la direction, il a hésité puis a décliné l'offre. Plus tard, il a été prouvé que lui et ses semblables ne croient pas à ce qu'ils qualifient de violence. Ils n'acceptent que l'action politique suprême...et je m'arrête à ce stade». Ainsi, Mezrag laisse l'énigme entière sur l'identité du cadre du FIS qui a rencontré Mohamed Saïd et le chef du GIA. Il promet d'autres écrits ultérieurs pour faire la lumière sur les rapports entre les différentes parties du conflit. Il s'agit d'une première. On relève que c'est bien la première fois que l'ancien chef de l'AIS fait des révélations de ce genre. Il avait rendu publique des lettres adressées à différentes personnalités du pouvoir et du FIS mais n'a jamais dévoilé les pans cachés des négociations secrètes menées avec le consentement du pouvoir. Rappelons qu'à cette époque, le président Zeroual a rencontré Abassi Madani et Ali Benhadj dans la prison militaire de Blida et que cinq cadres du FIS ont été libérés quelque temps plus tard. Puis, le projet a été abandonné pour replonger le pays dans la violence. Un dispositif politique nouveau a été mis en place par la suite mais a été ébranlé par la démission de Zeroual puis abandonné.