La réconciliation nationale, à l´évidence, ne dépend pas de la promulgation d´un décret ni d´un vote parlementaire ni même d´un référendum populaire. Feu Nahnah disait, au milieu des années 90: «La paix intéresse ceux qui se battent sur le terrain». Quel pourrait être l´impact d´un référendum sur ceux qui se battent ou se combattent quand ce sont ceux qui n´ont pas été directement partie prenante aux souffrances, qui votent pour la réconciliation? La réconciliation dépend des familles des victimes et de ceux qui activent dans la pratique de la violence. A partir du moment où les familles des victimes réclament d´abord la vérité et la justice et que le Gspc durcit davantage ses positions en continuant à assassiner, il ne peut y avoir d´échange de concessions par un processus de transactions destiné à solder le passé de tout compte. Sans solder le passé, il serait difficile d´avoir un regard serein sur l´avenir avec la conviction que le pays est définitivement immunisé contre la résurgence de la même menace. Comment serait-il possible de poser la problématique de la réconciliation, c´est-à-dire celle des exigences de la mémoire, pour exorciser le mal, et celle de la nécessité de l´oubli pour accepter de coexister, alors que la violence n´est pas éradiquée et qu´elle promet même de survivre au référendum? Il est bien sûr vital d´explorer toutes les voies qui pourraient mener vers la paix. La paix peut être envisagée comme le résultat du dialogue, mais un dialogue pour le moment impossible si on con- sidère que le Gspc en est un des partenaires. D´autre part, le dialogue est en crise puisque le pouvoir n´y fait pas référence et il est un facteur de crise si on garde en mémoire qu´il avait été tenté durant la décennie 90, et qu´il n´a pas abouti. Même les élections n´ont pas été un facteur de sortie de crise, elles n´ont fait que l´entretenir en reconduisant en l´état les mêmes contradictions. La paix peut être également le résultat d´une victoire totale d´une partie sur une autre, mais là, aucun camp n´a écrasé l´autre pour lui dicter ses conditions. La paix, qui est recherchée par la démarche de réconciliation qui court-circuite la vérité et la justice, nécessite qu´il n´y ait ni vainqueurs ni vaincus ou que les vainqueurs ne rappellent pas aux autres qu´ils sont les vaincus. Ni vainqueurs, ni vaincus, ni coupables ni responsables, ni tort ni raison. Qui accepterait de reconnaître qu´il a eu tort ou que l´autre a raison, d´où le concept de tragédie nationale qui occulte les responsabilités pour ne retenir que la douleur partagée? La paix vaut des sacrifices mais la garantie d´une paix définitive vaut également des sacrifices, d´où la priorité qui doit être accordée au solde de tout compte du passé par le biais de la connaissance de la vérité. Pour qu´elle puisse éventuellement produire des impacts psychologiques, la démarche de réconciliation gagnerait à être portée davantage par l´opposition que par le camp de l´alliance, ce qui n´est pas le cas aujourd´hui où on se retrouve avec l´activation des comités de soutien au président. Les enjeux ne sont plus les mêmes.