Imaginez deux inculpés qui crient à l´innocence et deux avocats qui fulminent contre l´inculpation. Hamid monte avec Samir, un clandestin que ce «taxidriver». En cours de route, une patrouille pointe le nez. La fouille permet la découverte d´un petit paquet de drogue traitée. A qui appartient la came? C´est ce que cherche à savoir le nonchalant et compétent président de la section correctionnelle qui reste vigilant devant les deux avocats qui vont passer le plus clair du temps à tenter de semer le doute. Ce jeune et jovial procureur, est fixé. Les PV d´audition doivent le conforter dans ses poursuites, sans aller au fond des choses. Maître Lamouri Benouadah ne veut rien savoir. Il est sûr que la came a été trouvée dans l´auto que Samir a louée. «Les deux avaient sur eux, dans la voiture, cette quantité de drogue fraîche. Dix huit mois ferme et une amende de dix mille dinars les feront réfléchir», tonne le procureur. Le premier inculpé veut dire une phrase. Le juge refuse. Bien lancé, Maître Lamouri se dit outré du fait que son client soit poursuivi sur du vent. «Aujourd´hui, le tribunal a pour mission première d´établir les faits. Ces faits qui laissent apparaître que la drogue a été trouvée au niveau des sièges avant de l´automobile, lors d´une fouille par les éléments des services de sécurité», s´est écrié l´avocat qui est allé plus loin dans le raisonnement, en martelant que le lieu de la cache est enfantin. «Si réellement la drogue appartenait à mon client, il l´aurait cachée n´importe où sauf du côté du frein à main. Il y a un gros doute en faveur de mon client qui était dans un taxi en service. Il est sûr que la marchandise appartient à l´un des deux occupants même si on peut estimer que les deux premiers clients du matin auraient pu la déposer en montant», a ajouté Me Lamouri qui a demandé la relaxe au moins au bénéfice du doute. «Le tribunal a une solide expérience pour infliger une peine de prison ferme à un innocent ou à un suspect qui n´a que le doute à brandir», avait dit, auparavant, l´avocat, le front généreux tout noyé par une abondante sueur, résultat d´un effort soutenu. Et cela, seul Maître Lamouri sait le faire et bien...on aura compris qu´avant d´arriver au bout des débats, les deux jeunes inculpés veulent éviter la lourde peine née du délit. Ils vont même presque crier ensemble, sous le regard d´un parquetier sûr de son dossier, que ce sont des drogués, pas des dealers. Maître Brahimi s´est, lui aussi, attardé sur le cas de Hamid, le «taxidriver». «En prison, il m´a expliqué comment il travaillait. Il encaisse la course, démarre et longe les routes sans avoir l´oeil sur le client», a expliqué le conseil qui a détaillé la fouille du véhicule et la découverte de la drogue. «Puisque mon client dément être le propriétaire de la drogue, pourquoi ne pas le croire? Pourquoi ne pas imaginer qu´un précédent client a laissé tomber par inadvertance le petit paquet de poison? Nous allons vers le doute», conclut le défenseur qui réclame la relaxe. Le président de l´audience avait pourtant, au début, fait «parler» les détenus. Ce sont des fumeurs-suiffeurs ayant effectué des séjours pour usage de drogue. De quoi édifier le tribunal. Décidé à obtenir que justice se fasse, le procureur demande à intervenir. Il rappelle que le «taxidriver» est un clandestin. Maître Lamouri et Maître Brahimi demandent alors au tribunal d´ajouter ce délit en retard dans le dossier. Lamouri montre, en guise de boutade, sa dentition blanche. Le juge décide de passer outre et met en examen l´affaire en vue de mieux étudier le dossier très sensible puisqu´il s´agit de la liberté des citoyens. En fin de mise en examen, le sursis vient rassurer les deux détenus qui auront tout de même écopé d´une consistante détention préventive, le temps des débats sereins, justes et bons...