En chutant sur le coffre d´une voiture de tourisme, Ali R. a échappé à la mort, mais pas à la prison. A voir la tête «d´enterrement» que faisait Maître Benouadah Lamouri, l´avocat du pauvre détenu Ali. R., vingt-neuf ans, voleur récidiviste de son état, personne ne pouvait deviner à quoi pensait ce grand avocat qui a si fréquenté les juridictions, un peu partout dans le centre du pays. Et à quoi pensait le défenseur? Ou plutôt à qui? Tournant le dos à la charmante Zineb Hamoudi, la greffière de l´audience de l´excellent président de la section correctionnelle d´El Harrach (cour d´Alger), le conseil était de «visionner» l´état de Ali. R., son client qui s´était présenté à la barre, appuyé sur une cane, résultat d´une chute du troisième étage, à la suite d´une tentative de vol, elle-même étouffée dans l´oeuf au moment où le voleur avait chuté sur la chaussée. Donc «monsieur» Ali R., est inculpé d´une tentative de vol sans violation de domicile car il n´a pas pris le risque d´un vol par effraction. Il a voulu s´introduire chez les gens par une fenêtre. Et pour y arriver, il a dû utiliser le barreaudage. Ce même barrreaudage installé pour empêcher les vols. Eh bien!, Ali R., a utilisé le fer qui dissuade les malfaiteurs pour tenter un méfait. Et ici, Maître Lamouri avait eu l´occasion de rendre grâce à Allah et louer l´Eternel, que la tentative ait échoué et Ali R., ne soit pas mort à la suite de sa chute. Avec trois fractures: une à la cheville droite et deux autres sur le bras gauche et l´avant-bras droit, le gus pouvait servir un gros plat de couscous à des familles de démunis, des pauvres, des sans-emploi qu´il sait affamés pour remercier Allah de l´avoir sauvé d´une mort atroce avec un crâne écrasé et un bassin éclaté, les tripes avec. D´ailleurs, Barkahoum Messaoudi, la réprésentante du ministère public avait tenu à rendre hommage aux agents des services de sécurité qui avaient accouru pour secourir le blessé futur inculpé, détenu à juger pour un flagrant délit. Et cette tâche est dévolue à ce sacré juge Ahmed Oussaâdi, sacrément honnête, rigide lorsqu´il le faut, flexible dans d´autres conditions mais surtout courageux, contrairement à beaucoup de ses collègues qui perdent le sommeil au premier coup de fil émanant d´un coco de la tutelle si encore la tutelle prend le risque de se mouiller dans le dossier sous la seule responsabilité du juge du siège. Passons... «Alors, Ali R., le tribunal attend de vous que vous vous défendiez avec beaucoup de franchise et le tribunal sera à la hauteur de ce que vous espérez...», balance sans sourciller le magistrat qui va alors être fixé par le récit du détenu et la marquante plaidoirie de Maître Lamouri: «Monsieur le président, il faisait nuit noire et très froid. Ce quartier était désert. Il y avait un match-derby dans la capitale, diffusé! J´en ai profité pour entrer chez mon ami Tayeb dont la famille était absente. Manque de pot, j´ai réussi à grimper en m´agrippant aux barreaux, deux étages, mais au troisième, j´ai paniqué à la vue de la ´´VR´´ en tournée de routine. Et en paniquant, j´ai dû lâcher prise et me retrouver sur le coffre d´une auto garée sous les fenêtres...», a dit Ali R., qui ne bronchera pas lorsque Messaoudi allait requérir trois ans ferme. C´est alors que, fidèle à ses heureuses habitudes qui ne lassent jamais, Maître Lamouri allait, en cinq grosses minutes qui avaient paru faire douze fois plus tenter d´émouvoir Oussaâdi «chatouillé» par un manque manifeste d´une seiche, bonne à griller, en écoutant cet avocat qui s´était baigné dans l´immense bassin des circonstances atténuantes: «Ces demandes qui sont faites, de mon modeste point de vue, émanent depuis que ce pauvre malheureux rongé par le besoin, a tenté de s´introduire dans un domicile vide mais le destin avait décidé d´autre chose. Voyez dans quel état il se trouve. Mérite-t-il de rester trois ans dans cet état? Aidez-le. Peut-être que la perche que vous allez lui tendre va lui ouvrir les yeux et le remettre sur la bonne voie», a récité le rusé conseil qui avait conclu par un timide: «La défense ne vous demande qu´une chose: soyez indulgent avec lui, au maximum». Oussaâdi sourit, remercie l´avocat, prend acte du dernier mot du détenu qui n´a pu ouvrir la bouche. Le verdict est mis en examen sous huitaine, le temps que Ali. R., réalise qu´il est toujours vivant et qu´Allah a fait que la chute n´avait pas eu lieu sur le bord du trottoir!