Le matin, les gens sont occupés par les mouvements de protestation pour arracher leurs droits. Le soir, la vie normale reprend. Le Ramadhan bat son plein à Imezgharen, village relevant de la commune de Frikat, daïra de Draâ El Mizan, à quelque 45 km au sud de la wilaya de Tizi Ouzou. Mais une fois n'est pas coutume, ce mois sacré est quelque peu gâché. C'est, en effet, pour la première fois depuis l'Indépendance que le village Imezgharen ajoute de la protestation à la recette de son Ramadhan. Ce qui a créé une ambiance électrique dans le village. Durant ces 14 jours du mois sacré, les villageois ont observé quatre journées de protestation. «Du jamais-vu», estiment-ils. La cause principale de la protestation: l'absence d'eau potable même si d'autres revendications sont nombreuses. Ainsi, au septième jour du Ramadhan, les villageois ont fermé les locaux de l'Algérienne des eaux. Ne voyant rien venir, ces derniers ont haussé le ton et passé à la vitesse supérieure. Le 9 et le 10 du même mois, ils ont bloqué le siège de l'APC de Frikat et la daïra de Draâ El Mizan. Le dimanche, 14 Ramadhan, c'est la fermeture de la daïra qui est programmée. Cette décision a été avalisée ce vendredi lors d'une assemblée générale extraordinaire du comité de village. «Ils nous ont gâchés le mois sacré», fulmine un villageois. Et à un autre de préciser que les Amezgharenis ont vécu des journées impitoyables avec une chaleur insupportable et des robinets à sec. «Pourtant, on a signé le mois de février dernier avec eux un PV où ils se sont engagés à satisfaire nos revendications», précise un membre du comité du village. La mafia locale est dénoncée. Ce mercredi 10 août 2011, après un journée de protestation, une réunion restreinte entre les membres du comité et les représentants des bourgs a eu lieu à Aâdjiva, lieu où se déroulent les réunions du comité du village, pour débattre de la situation. Décision prise: revenir à la charge dimanche 14 août et fermer la daïra. «Il faut être prêt à en découdre», se sont-ils mis d'accord, dénonçant le mensonge administratif et les promesses non tenues des pouvoirs publics. Un membre du comité de village informe que beaucoup de leur temps a été consommé dans des réunions durant ces premiers jours du mois sacré. Quand la réunion s'est terminée, il ne restait plus que quelques dizaines de minutes pour la rupture du jeûne.Avec l'appel à la prière du muezzin, et la rupture du jeûne, les rues se vident. Place à la chorba, zalabia, qalbelouz et la médiocrité des programmes de la Télévision algérienne. Le soir, toute l'ambiance change et la vie reprend un peu ses droits. Une fois le jeûne rompu, les habitants d'Imezgharen ont l'embarras du choix. Comment passer leurs soirées, jusqu'au shour. Il y a d'abord les gens qui vont aux tarawih, avant de rejoindre soit le domicile familial, soit les cafés. Il y a ensuite ceux qui préfèrent les soirées conviviales des visites familiales. Il y a enfin ceux qui se ruent dans les cafés pour des discussions entre amis, des parties de dominos et de rami ou pour savourer tout simplement un thé. Pour les inconditionnels des cafés, il y a plusieurs destinations. Mais l'une d'elle attire les clients. C'est le nouveau café Amrouz, appelé Thala Ali, sis au chef-lieu de la commune de Frikat, à sa sortie Est. «C'est devenu la destination de tous. Plusieurs habitants de notre village y descendent pour y passer la soirée», indique un citoyen. Arezki Zourdani est fervent de cet espace. Après les tarawih, Tala Ali est sa destination de prédilection. Son fils, Abdelghani, en est devenu adepte. «J'aime cet endroit», dit le petit Baghani, en souriant. D'une architecture moderne, ce café offre toutes les commodités pour déguster son thé tranquillement. Nouvellement construit, cet établissement est déjà considéré comme un acquis à préserver. Café de luxe, «introuvable», ailleurs comme le disent fièrement les habitants, ce lieu est d'une propreté impeccable, malgré les environs immédiats poussiéreux. Eriger un espace vert dans les alentours est le souhait du propriétaire. Ce qui est louable en soi. Certains le qualifient volontiers de «bijou». D'ailleurs, dès le début de soirée, l'endroit grouille de monde. Les noctambules abordent des sujets aussi diverses les uns que les autres et qui diffèrent d'une table à l'autre. Politique, sport, social, éducation, Aïd, rentrée, économie...aucun sujet n'y échappe. Un groupe discute de l'affaire des Bois des Pins, sans en comprendre vraiment les tenants et aboutissants. «C'est la mafia du béton et du foncier qui veut squatter le lieu et ériger un centre commercial. La démarche est faite en violation de toutes les lois et un espace vert est massacré», leur explique-t-on. D'autres discutent de la situation du village à la lumière des derniers événements et l'action envisagée pour dimanche. D'autres se mettent à parler politique. RCD et FFS, qui sera à la tête de la commune après les élections de 2012? Mais attention, le FLN peut s'y faufiler, avertit l'un d'eux.