Djamel et Mustapha sont surpris en pleine nuit par l'épouse de Chabane, victime d'un vol de moteur. Il y a des coups de théâtre durant des procès. Les débats, souvent houleux, donnent naissance à des torrents d'incidents, d'exclamations, d'éclats de voix. Ceux de lundi dernier ont été le fruit d'une inattendue situation qui a vu deux frangins de Boufarik, en détention préventive depuis 11 mois, être franchement heureux d'entendre la victime à l'époque, de tentative de vol la nuit avec violences, le tout appuyé d'un arrêt de travail de 21 jours. Et la tentative de vol avec violence la nuit, c'est la criminelle. Lorsque Salah Tartag, royalement encadré par les deux ravissantes assesseurs Djahida Larine et Yasmina Benzadi, s'était installé derrière l'immense pupitre, aucun des proches assis dans la salle d'audience de Blida, ne donnait cher de la liberté de Djamel et Mustapha, les deux accusés marqués par les malheurs de la taule. Juste après que les gendarmes, de vrais gaillards de militaires, eurent rendu les honneurs au tribunal criminel, on passa au tirage au sort des jurés. Et le tirage sera fatal à Lilia, la plus jeunes des jurés qui sera récusée par Maître Mohamed Gherbi, l'avocat des deux jeunes accusés. Puis ce sera le tour de la charmante Nabila Djenane, la greffière, de parcourir en deux temps, trois mouvements, l'arrêt de renvoi où il est nettement apparu que les graves faits débités ont eu lieu en mai 2010, la nuit lorsque l'épouse de Chabane, la victime, alerta sa moitié que deux individus étaient en train de démonter un moteur dans la nuit noire que transperçait une demi-lune de printemps. Chabane se leva et se trouva nez à nez avec Djamel qui lui balança trois gnons qui envoyèrent le pauvre gus à terre. Après la fuite, les deux frangins décidèrent de ne pas aller vers le deuil: «Il vaut mieux être poursuivis pour tentative de vol que de meurtre», avaient pensé les deux frères agresseurs. Mustapha allait alors convaincre son cadet de retourner sur les lieux et porter assistance au blessé qui perdait son sang depuis les narines. Le transfert à l'hôpital fut rapide. L'honneur est sauf: «Voleurs mais pas tueurs!». La conscience est maintenant apaisée jusqu'au dépôt de plainte de Chabane qui n'a pour unique témoin que son épouse qui dévalera la «pente des faits» dans leur intégralité! Des faits niés à la barre où nous suivons les arguments des deux frangins. Il est question de «bousculade» et d'assistance à personne en danger. «Lorsque je l'ai vu étendu sur le sol, j'ai alerté mon frère Mustapha pour qu'il m'aide à le transporter à l'hôpital de Boufarik!» reconnaît Djamel, complètement «out» car il avait désormais la nette impression que l'intime conviction dont il avait pris connaissance, n'avait pas encore pris forme. Son frangin confirmera cette info. Yasmina Benzadi et Djahida Lerine, les deux assesseurs, sont d'un gros renfort pour Tartag, le président, qui sera «désarçonné» par les déclarations... inattendues de la victime qui blanchit les deux frères. Et si dans le box des accusés, c'est la joie, sur le siège du ministère public, Youssef Saddek, le très jeune procureur général, ricane. Il a soudain envie de hurler au «ficelage» du témoignage. Il veut dire à Tartag que c'est ficelé de fil blanc. N'était la réserve, il aurait voulu demander à prendre acte du «déraillement de la locomotive victime» à qui le juge reproche d'avoir envoyé en taule pour presque une année deux frères alors qu'en réalité, il n'a jamais été agressé, mais seulement bousculé! Maître Mohammed Ghrbi, le défenseur unique, lui, jubile et ne sera pas surpris par le rude réquisitoire de Youssef Saddek, le représentant du ministère public, qui bâtira son mini-réquisitoire autour des déclarations de la moitié de la victime. Il s'y accrochera et demandera sept années de réclusion pour tentative de vol en groupe, la nuit, avec violence, avant de se rasseoir, plus qu'indifférent.