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«L'absence perdure encore»
HACHIMIYA AHAMADA, REALISATRICE, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 12 - 07 - 2012

L'Eldorado, le rêve de partir pour «un mieux-vivre» est un souhait partagé par des gens du monde entier, qu'on soit Algérien... ou Comorien. La résistance est propre à tout être humain, quelle que soit sa langue ou la couleur de sa peau. Mais ce n'est pas toujours facile. Construire sa maison qui finit en «tombeau» et partir sans retour n'est-ce pas mourir encore? Harraga, et illusions noyés en mer. Politique sauvage et injuste. Oui, les Algériens connaissent ça aussi. On vous le dit.. D'origine comorienne née en France mais vivant à Bruxelles, Hachimiya Ahamada a toujours eu la caméra tournée vers sa terre d'origine, son identité. Ses préoccupations ne laissent aucun doute sur le partage de nos espoirs et désillusions... l'autre est en soi. Qu'importe les kilomètres traversés!
L'Expression: Vous évoquez dans votre documentaire L'Ivresse d'une Oasis une problématique assez répandue en Algérie, celle des immigrés et leur rêve de revenir un jour mourir dans leur terre natale. Aussi c'est aussi l'histoire de cette maison familiale qu'on se fait construire là-bas pendant des années sans même y habiter un jour. Une suite de votre court métrage La Résidence Ylang Ylang? Pourquoi avoir repris la même thématique dans ce film?
Hachimiya Ahamada: La Maison inhabitée est ma manière de raconter les Comores. Parce que je l'ai toujours vu à travers ce prisme-là: le rêve inachevé de mon père. Tant que la demeure qu'il souhaitait construire dans son village natal n'était pas finie, mes soeurs et moi, nous ne partions pas là-bas. Nous avons attendu très longtemps. Nous sommes parties pour la première fois aux Comores à l'âge adulte sans lui. Jusqu'à ce premier voyage, j'avais une image fantasmée du pays. Donc le cinéma est un moyen de casser cette image d'Epinal entretenue par la famille. L'Ivresse d'une Oasis est surtout la continuité de mon film de fin d'étude Feu leur rêve. Ce court-métrage documentaire raconte ces Comores fantasmées par mes parents. Puis, après ma formation à l'Insas, j'ai retravaillé ce sujet mais sous la forme d'une fiction: La Résidence Ylang Ylang. Dans ce film, je fais cohabiter deux mondes: il y a d'un côté la maison en dur et inhabitée des expatriés et de l'autre les habitats fragiles en tôle ou en paille appartenant à la famille proche. Ce court-métrage repose sur ce constat: Pourquoi l'expatrié qui met du temps à revenir ne va pas confier son logis à sa famille qui est restée? Pour L'Ivresse d'une Oasis, je pousse encore plus loin l'idée du non-retour de la diaspora comorienne. Ces maisons rêvées devenaient des maisons de vacances. À présent, ce sont des maisons «tombeaux». Elles ont pour fonction de laisser sa trace dans le village natal. Fermées à clef, sans âme et sans histoires familiales, elles font acte de présence dans le village. Il faut ajouter que les descendants de la diaspora ne reviennent plus vraiment, l'absence perdure encore. La thématique je l'ai donc approfondie de manière plus personnelle en l'écrivant sous la forme d'une lettre filmée pour mon père.
Il y a aussi un réel problème qui se pose pour les Comoriens de Mayotte. Pourriez-vous nous expliquer cela?
Je dois préciser que le film voyage sur les quatre îles de l'archipel. En restant sur la ligne du sujet de la maison, je sentais l'urgence d'unir les quatre îles comoriennes au sein de mon film. Le tournage s'est déroulé au moment de la départementalisation de Mayotte (franche séparation de cette île avec les autres). L'histoire actuelle des Comores est complexe. L'héritage colonial continue à faire son bout de chemin et façonne l'identité comorienne: une frontière qui n'existait pas avant est de plus en plus visible et ceci depuis 1995. Depuis l'instauration du visa Balladur qui a été imposé aux Comoriens des autres îles voulant se rendre à Mayotte. La séparation remonte aussi depuis plus loin encore, au moment de l'indépendance des Comores. Aujourd'hui, on n'entend plus dire les quatre îles comoriennes mais toujours les Comores et Mayotte. Avec la départementalisation, on parle beaucoup de mahorisation dont le but est de se démarquer des Comoriens venant des autres îles. En arrière-fond, le maintien de la position stratégique française dans le Canal du Mozambique. Et ce, bien que l'ONU ait condamné, par des résolutions, plus de 20 fois, la présence de la France à Mayotte (viol de l'unité et de l'intégrité territoriale des Comores réunissant les quatre îles). Dans le film, je tâte le pouls de chacune des îles où des insulaires veulent absolument s'en sortir à leur façon. Chacun fera tout pour aboutir à son rêve d'où le titre «L'Ivresse d'une Oasis». Le rêve c'est surtout tout simplement «le mieux-vivre» en ayant un vrai chez-soi dans son lieu natal. Pour cela, la diaspora ne fait que s'étendre quitte à ne plus revoir la famille, pour la génération de nos parents restés en France ou quitte à mourir en mer en prenant le kwassa-kwassa pour la nouvelle génération voulant se rendre à Mayotte. La mer est devenue un tombeau, on dénombre des milliers de disparus. Pour ceux qui arrivent sur le rivage mahorais, le quotidien c'est des rafles policières et des enfermements en centre de rétention sur un territoire qui est naturellement leur et où on les appelle «clandestins».
Vous filmez avec pudeur une scène de fête entre femmes (à hauteur de visage et poitrine sans jamais trop s'attarder sur le bassin et le ventre comme le ferait un homme). Un mot là-dessus. Un rite traditionnel célébrant quoi exactement?
La cérémonie filmée à Mayotte s'appelle le «Roumbou». Le rituel a pour fonction de soigner une personne malade. En parallèle à la médecine moderne, beaucoup ont recours à ce type de médecine traditionnelle. La personne malade fait appel à une cheftaine qui a le savoir pour mener à bien la cérémonie. Lors de cette fête, toutes les amies de la personne malade sont présentes. Il y a une forte présence de femmes. Beaucoup d'entre elles, ainsi que la cheftaine par la prise de possession, vont aider la malade à guérir de son mal. Dès qu'un esprit arrive dans le corps d'une femme, avec une sorte d'argile on fait une marque sur la peau de la personne possédée qui, ensuite, s'habille avec des vêtements de marin. La cérémonie dure jusqu'à tard dans la nuit. Ce qu'il y avait d'intéressant dans ce rituel, c'est que la cheftaine au-delà de vouloir guérir et de bénir tout le monde, prie pour que son île en tant que département soit enfin d'égal à égal avec les autres DOM français.
On sent les vicissitudes rencontrées tout au long du tournage (soucis de la langue, vous emmenez avec vous un voisin pour traduire.) Peut-on connaître les autres soucis que vous avez dû affronter pour venir à bout d'un tel film et comment avez-pu les contourner?
Oui, mon point faible est la langue. Je la comprends mais ne la maîtrise pas. Pour mes projets futurs, je suis consciente que je dois faire un travail pour combler cela. C'est important. Je suis partie avec un ami d'enfance de Dunkerque, Djoumoi, qui, lui, est né là-bas. Il sait comment je travaille car on avait collaboré ensemble pour mon film de fin d'études. J'aimerai poursuivre avec lui mes projets futurs. Avant le tournage, au moment de l'écriture, il y a eu la difficulté de défendre auprès de la commission belge mon projet avec ce sujet de «la maison inhabitée» et qui parcourt les quatre îles. On n'en mesurait pas la nécessité de le faire, or ce fut important pour moi de garder ce concept des 4 îles au risque de perdre le soutien financier. C'est devenu un film fragile avec une production précaire mais mon envie de filmer les Comores était très grande. On a fait le tournage dans des conditions limitées. Par la suite, la véritable difficulté fut de mener à bien le projet lors de la post-production. Ce fut la phase la plus difficile car j'ai été très seule à ce moment-là. Une production absente involontairement. Heureusement, le monteur du film m'a super bien épaulée jusqu'au bout. Je ne sais pas comment j'ai fait pour tenir mais j'ai tenu le cap! Là où je suis satisfaite c'est que j'ai eu la liberté de faire le film que je voulais: expérimenter une écriture qui entrelace l'Imaginaire d'un conte poétique avec le Réel brut comorien. Je pense que toutes ces contraintes m'ont permis d'écrire le film ainsi. Maintenant, je peux tourner la page avec ce thème de la maison. Je veux passer à autre chose et raconter de nouvelles histoires.
Filmer aux Comores, pour vous Comorienne, résidant à Bruxelles a dû être très difficile. On croit savoir qu'il existe aujourd'hui un festival du cinéma. Pourriez-vous nous dire quel est présentement la destinée de ce «film-testament»?
Me définissant comme étant de la diaspora comorienne, je sais que forcément je n'aurai pas le même regard que celui qui est né aux Comores. Cependant, mon intention reste de filmer le pays de la manière la plus juste. Je ne sais pas si j'y suis arrivée. Le film a été montré à Paris et à l'île de la Réunion où ceux issus de la diaspora comorienne avaient reçu le même déclic en le voyant: «Il faut revenir aux Comores». De ma génération, on a tous cette histoire commune: la maison que le père désire construire dans son village natal. Ma lettre filmée écrite pour mon père est aussi une histoire collective. Il y a la maison, mais il y a tout ce qui se cache derrière cette maison: l'héritage de la culture comorienne. Je n'ai pas encore fait l'expérience de montrer le film aux Comores. Mon souhait c'est qu'il nous questionne tous, nous Comoriens d'ici et de là-bas, sur la perpétuelle extension de la diaspora. Et pour finir, effectivement, enfin un vrai festival de cinéma aux Comores (à Moroni) va se mettre en place au mois de décembre 2012! Les pierres se posent... une belle histoire de jeunes qui prennent en main ce projet.


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