«Si tu parles à ton eau de Javel pendant que tu fais ta lessive, elle est moins concentrée.» Pierre Legaré Il faut vraiment que la situation ait atteint un tel point de gravité que tous les points soient au rouge pour que celui qui n'a pas l'habitude jusqu'ici de faire des déclarations fracassantes s'exclame en (je le suppose du moins!) balayant d'un revers de la main devant lui, un espace imaginaire encombré de fatras de choses inutiles, gênantes et nuisibles: «Il faut nettoyer le pays!». Ce ras-le-bol exprimé par un haut responsable reconnu pour sa retenue et son efficacité ne fait que refléter le sentiment général qui règne au sein d'une population qui attend impatiemment, jusqu'au désespoir qu'un enchanteur vienne trouver une solution aux innombrables problèmes qui se posent à un pays qui semble aller à vau-l'eau. Et c'est pour, précisément, rester dans la sémantique chère à Abdelmalek Sellal qu'il faut dire qu'il y a un grand travail à faire pour nettoyer les écuries d'Augias. Mais ce travail digne d'Hercule n'est pas à effrayer celui qui a su éloigner le spectre des coupures d'eau quand elles sont indépendantes, bien sûr, des coupures d'électricité. Les réalisations des grands ouvrages hydrauliques du polygone étoilé effectuées ces huit dernières années illustrent bien le parcours de ce commis d'Etat qui a discrètement gravi les échelons de nombreux secteurs d'activités de l'économie et de la diplomatie nationales. Celui à qui l'on doit, entre autres, le MAO et la transsaharienne Adrar-Tam a décidé de traiter au Karcher tous les problèmes qui minent le pays. Mais, il y a toujours un mais, en politique, cette déclaration n'est pas gratifiante pour l'équipe qui vient de remettre son tablier et dont lui-même a fait partie. Et c'est alors qu'il faut se poser la question pourquoi le projet de «nettoiement» n'était pas à l'ordre du jour la semaine, le mois ou l'année qui a précédé ce remaniement qui s'est fait attendre. Certains diront que c'est par crainte que le printemps arabe ne déborde sur ce pays qui n'a connu que des saisons rigoureuses. Il faut, cependant, remarquer que nettoyer veut dire: rendre net, propre, débarrasser un lieu d'ennemis ou d'éléments indésirables. Il a une kyrielle de synonymes: affiner, assainir, astiquer, balayer, blanchir, bouchonner, briquer, brosser, curer, débarbouiller, déblayer, décaper, décrasser, décrotter, dégraisser, draguer, épousseter, essuyer, étriller, frotter, laver, lessiver, monder, purifier, racler, ratisser, ravaler, rincer, sarcler, savonner. Autant dire que chaque secteur devant être «nettoyé» requiert un spécialiste dans le domaine car on ne nettoie pas un carré de jardin en éliminant les mauvaises herbes, en sarclant ou en épandant des herbicides ou des pesticides comme on cure une cuisine ou un débarras. Et les maux qui frappent le pays sont multiples et sont pour la plupart liés les uns aux autres: le terrorisme résiduel cher à Ouyahia, le marché informel, dada des trabendistes, le trafic de drogues dures, douces ou amères, le chômage endémique, la justice, l'enseignement, le logement, l'audiovisuel, l'effritement d'une monnaie qui n'arrive pas à suivre l'inflation... Que des problèmes avec des capitales: c'est dire l'urgence de la situation dans une période où règne une crise à laquelle le pays n'était pas préparé. Cependant, il faut insister sur la racine du mot «nettoyer» car les grands responsables n'emploient pas les mots au hasard. Nettoyer voulait dire à l'origine, purifier, rendre clair comme cette eau qui sort des flancs des montagnes. Rendre net c'est éliminer toutes les saletés et éclairer les zones d'ombre et redonner une transparence aux choses qui recelaient une opacité gênante. Autant dire que la tâche est rude pour celui qui a su relever d'autres défis. Cela coule de source.