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Ce mémorable après sa mort
REAGISSENT AU DECÈS DE PIERRE CHAULET
Publié dans L'Expression le 07 - 10 - 2012

Les Chaulet ont décidé de ne jamais quitter l'Algérie
«La vertu n'a besoin que d'elle-même; elle rend l'homme aimable durant sa vie et mémorable après sa mort...» Baltasar Gracian
Pierre Chaulet, l'homme de vertu, n'est plus. Une nouvelle aussi triste qu'émouvante, voire difficile à supporter en ces jours de l'année marquant le Cinquantenaire du recouvrement de notre souveraineté nationale. Mais, que pouvons-nous faire, l'arrêt du Tout Puissant est irrévocable quand le destin doit s'accomplir pour les créatures que nous sommes... Bien sûr que nous aurions souhaité le voir vivant, un peu plus parmi nous, pour qu'il apprécie davantage cet anniversaire pour lequel il a donné le meilleur de lui-même, depuis sa prime jeunesse, aux côtés des héros de la lutte de Libération nationale. Oui, nous aurions souhaité qu'il soit là, aujourd'hui, parmi ses compagnons d'armes, chantant l'hymne de la gloire d'un peuple qui s'est engagé contre l'oppression et la servitude. Mais enfin, ne sommes-nous pas trop exigeants dans la vie? Ne sommes-nous pas en train de blasphémer, en rejetant loin de nous ce qui doit mourir? Ne sommes-nous pas impitoyables pour tout ce qui vieillit, qui s'affaiblit en nous et même ailleurs, comme disait Nietzsche?
Les mystères de la révolution
Le professeur Chaulet a terminé son parcours. Mais nous, ses amis, nous réfléchissons à haute voix et disons, intérieurement, à l'unisson: «Quel bonheur que de franchir la ligne d'arrivée avec ce profond sentiment d'avoir participé à une course avec détermination, en lui vouant toute sa foi, et en usant de tout son courage et de sa volonté!». Et pendant que nous pleurons sa mort, nous nous disons: - Qui l'obligeait à pénétrer les mystères de la révolution et de s'y impliquer à fond quand d'aucuns ne s'empressaient à la rejoindre, parce qu'hésitant à franchir le Rubicon? Qui le forçait, lui le «roumi», à basculer dans le camp des «bougnoules», appelés communément les «bicots» par ceux qui nous promettaient que du mépris et ne nous voulaient que du mal? Ainsi, d'où lui venait cette exaspération jusqu'à aller, la tête haute, combattre légitimement, consciemment, le pays de ses aïeux et être qualifié de vendu, hors de nos frontières, ou désigné comme un «traître», par les ultras qui représentaient la colonisation en pays qu'ils croyaient conquis pour l'éternité?
A toutes ces questions, nous répondons: «Bon sang ne saurait mentir» car, son père Alexandre, qui fut un Grand - sans jeu de mots et sans allusion - lui a inculqué ces valeurs qui lui permettaient de réagir hardiment dans des situations qui nécessitent des positions d'abord humaines, ensuite citoyennes et... nationalistes.
En effet, son père, Alexandre Chaulet, cet enfant d'Hussein-Dey, ne s'est jamais départi de sa «turbulence militante» depuis l'enthousiaste catéchumène du Cercle de la jeunesse catholique des Pères jésuites, au quartier de la Marine, en passant par la présidence de l'Action catholique de la jeunesse française, et de la Cftc à l'âge de 28 ans, en tant que secrétaire général pour toute l'Algérie et deux ans après, en tant que délégué confédéral de la même Centrale pour l'Afrique du Nord.
Comment donc, ce fils qui a été élevé dans l'altruisme, le dévouement et, disons-le franchement, dans une ambiance active et militante, en perpétuelle mutation, n'allait-il pas s'inscrire en droite ligne de ce parcours familial qui s'apparentait à la résistance permanente contre un système qui ne lésinait sur aucun moyen pour dominer et avilir ceux qu'il devait «civiliser et pacifier»?
Pierre, est né en 1930, en cette année de grâce du Seigneur. Il va grandir en plein centre d'Alger avec ses parents, tous deux, père et mère, animateurs dans les «équipes sociales» de l'Action catholique, en Algérie. Il est détourné de l'école publique par les Pères jésuites, amis de la famille. Il fréquente d'abord l'école annexe, Boulevard Saint-Saëns (aujourd'hui Bd. Mohamed V) du Collège Notre-Dame d'Afrique, puis le Collège même, au milieu des enfants de cette «bonne société coloniale». Cela ne l'empêche pas d'adhérer en 1940, alors qu'il n'a que 10 ans, aux Scouts de France. Imprégné de sentiments généreux, il ne s'arrête pas en cours de route, il va au-delà et s'inscrit aux Jeunesses étudiantes chrétiennes (JEC) dès qu'il termine ses études secondaires. Plus tard, il milite à «I'Asso», l'Association des Etudiants Catholiques de l'Université d'Alger, où il s'inscrit pour poursuivre des études de médecine.
Il met ses connaissances au profit des nécessiteux. Il devient soigneur volontaire en participant aux équipes du (SVI), Service Civil International qui a ouvert un chantier dans un bidonville d'Hussein-Dey. Cette activité, ne lui vient pas inopportunément, par hasard, quand, dans sa famille, il a déjà été éveillé à la misère sociale des quartiers pauvres. Donc, il n'est pas étonnant de le voir en pleine action dans des enquêtes que dirigeait le Secrétariat social de l'archevêché d'Alger, sous l'égide du père Sanso.
En 1947-1948, il y a bouleversement dans les structures étatiques. Marcel Edmond Naegelen remplace le gouverneur Chataigneau. A l'évidence, tous deux sont socialistes, mais le successeur est autre, car «il s'illustre à donner satisfaction au pire contrôle colonial, tant sur les élections que sur le syndicalisme et les manifestations politiques, en prenant même à son aise, avec le statut de 1947, qui n'en confirmait pas moins, la discrimination des deux collèges». Pour le jeune Pierre Chaulet, cette politique ne lui sied pas. Il rejette le racisme colonial et la forfanterie dominante du milieu colonial que servent les institutions.
Pierre a vingt ans en 1950. Il s'informe davantage, il se forme selon les idées progressistes et nationalistes. Il s'affirme d'abord, en allant vers les gens de culture. Il fréquente la «Librairie nouvelle» d'obédience communiste, ainsi que la «Librairie Mimouni», du nom de son patron, un fervent militant du PPA. Cette dernière dispose de la presse et des brochures nationalistes. Il s'intéresse, bien sûr à «Alger républicain» ainsi qu'aux parutions de «Consciences algériennes», la revue d'André Mandouze, professeur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines d'Alger. A la Faculté certes, quelques étudiants algériens se joignent aux luttes du moment pour une «Mutuelle étudiante», mais ce sont des Scouts musulmans algériens, routiers aguerris, qui sont les plus nombreux à participer aux rencontres. Or, depuis 1945, le mouvement des SMA est investi par-delà des adeptes des Oulémas, par les cadres du PPA-Mtld.
Après de laborieuses relations et de difficiles discussions sur la représentativité des organisations et plus encore sur l'objectif de «Front national», c'est finalement à partir de 1952 qu'est mise en place l'Association de la jeunesse algérienne pour l'action sociale (Ajaas) qui ne retient pas l'adjectif national et privilégie donc la mission sociale. Il y a aussi cette activité des associations caritatives et d'éducation populaire voire sportive ainsi que l'ombre d'une relance des Centres sociaux. Quant aux autres Associations, elles présentaient leurs délégués parmi des responsables dûment mandatés par leurs bases. L'Association catholique des étudiants a deux représentants dont Pierre Chaulet, les Scouts musulmans: Mahfoud Kaddache, Mohamed Salah Louanchi, Mohamed Drareni, les Jeunesses de l'Udma, qui était en structuration: Layachi Yaker et Hassen Bourguiba, quant aux Jeunesses du Mtld, elles étaient représentées par: Belaïd Abdesslam et Lamine Khène.
Pierre Chaulet persiste et signe; il est dans le bain. Ce qui compte pour lui, c'est l'activité dans ces camps de vacances à la base EDF de Sidi Fredj et les activités sociales. Là, il rencontre, pour nouer de solides relations, des étudiants, les Slimane Asselah, Mahmoud Bouayed, Abdelhamid Charikhi, Pierre Colonna, Nafissa Hamoud, Jean Leca, et tant d'autres, ainsi que des lycéens, les Rachid Amara, Anne Marie Chaulet, sa jeune soeur, aussi dynamique et concrète dans toutes ses activités.
Pierre Chaulet s'engage déjà avec le FLN
Ainsi, en dépit de la crise du Mtld, son influence nationaliste reste toujours dominante. C'est alors qu'en 1953, après le Congrès d'avril, Pierre Chaulet demande à adhérer au Mtld. Le Comité central n'a pas osé utile de lui remettre une carte, le préférant en compagnon de route. De l'autre côté, André Mandouze se laisse gagner à l'idée de donner une suite à «Consciences algériennes», pour porter le message d'en finir avec le racisme et les rapports coloniaux. C'est à ce moment-là, que la revue prend le titre de «Consciences Maghrébines», et Pierre Chaulet l'accompagne en tant que membre du Comité de rédaction. Et il est là, présent, dans le 1er numéro de mars 1954 qui donne le point de vue des syndicats dont celui du Comité algérien des chômeurs qui exprime le point de vue de la CCASS (Commission centrale des affaires sociales et syndicales) du MTLD qu'anime Aîssat Idir. Il est encore là, dans les autres numéros, le numéro trois d'octobre 1954 qui est ouvert par un éditorial d'André Mandouze: «Au secours, Messieurs, l'Algérie est calme.» Enfin, au dernier numéro en 1957 qui publie des textes du programme du FLN et de l'UGTA, qu'André Mandouze reprendra ensuite en livre.
Pierre Chaulet s'engage déjà avec le FLN à la lutte de Libération nationale, aidé en cela par «les Amitiés algériennes», issues de ce milieu nationaliste. Il collecte les médicaments et soigne avec Frantz Fanon, à l'hôpital psychiatrique de Blida, des blessés de l'ALN. Cependant, ce qu'il y a de plus évident dans la participation militante de Pierre à la lutte de Libération nationale, c'est cette action non moins déterminante à travers laquelle il a contribué, aux premières loges, à la création de la Centrale syndicale algérienne, l'UGTA. En effet, il est là, en ce février de l'année 1956 avec Abane Ramdane, Benyoucef Benkhedda, Aïssat Idir et Mohamed Drareni au domicile de Boualem Bourguiba, à Saint-Eugène (Bologhine). C'est ce jour-là que se décide la création de la Centrale syndicale algérienne, malgré de sérieux coups de boutoirs de plusieurs organisations syndicales qui «voyaient très mal» ce qu'elles considéraient comme un véritable pavé dans la mare.
Il va mettre toute son énergie dans cette organisation à laquelle il croit beaucoup. Et c'est ainsi qu'il réalise, le 1er mars 1956, une semaine après la création de l'UGTA, la première interview d'Aïssat Idir dans laquelle ce dernier expose, indépendamment de son programme, la quintessence du mouvement syndical national. Cet entretien paraît dans «L'Action» tunisienne - l'important Journal de Tunis - et sera repris dans «Consciences maghrébines», d'André Mandouze.
Au cours de la même année, son père Alexandre Chaulet, radicalise son action syndicale et politique. Cela est lié à plusieurs facteurs dont, notamment, l'évolution de la situation de l'Algérie à travers la guerre de Libération nationale. En novembre 1956, Anne-Marie Chaulet, sa fille, la soeur de Pierre, est arrêtée et emprisonnée pour son activité au sein du FLN. Elle épousera plus tard en France Salah Louanchi, qui fut responsable de la Fédération de France du FLN.
Etant suivi de près par la police, Pierre Chaulet est arrêté en mars 1957, sous l'inculpation d'assistance aux maquis de l'ALN. Quelque temps après, il est libéré pour manque de preuves, mais il est sommé de quitter l'Algérie. En réalité il est purement et simplement expulsé en France durant la guerre, mais réussit, avec sa femme Claudine qui a épousé également la cause algérienne, à rejoindre le FLN en Tunisie pour continuer ses activités à la fois comme médecin et comme journaliste à «El Moudjahid». Il collabore donc au Service de l'information du FLN aux côtés d'Ahmed Boumendjel, Frantz Fanon et Redha Malek. En plus de ses lourdes charges à l'hôpital, il va assurer, non sans grande conviction, la direction du Centre de documentation du FLN. Il est en outre l'un des membres fondateurs de l'agence de presse algérienne APS, à Tunis en 1961, aux côtés de Noureddine Skander.
La famille Chaulet n'a pas fini avec les problèmes liés à la révolution. Des appels contre les syndicalistes «traîtres à la patrie» sont lancés sur les ondes de la Radio. La maison d'Alexandre Chaulet fait l'objet d'une tentative de plasticage par l'OAS. La bombe est désamorcée à temps, alors que le centre social à Ben Aknoun subit un carnage, en mars 1962, provoquant la mort d'instituteurs, Mouloud Feraoun, Ould-Aoudia, Hammoutène, Aymard, Basset et Max Marchand. La Caisse d'allocations familiales, que préside toujours Alexandre Chaulet, est incendiée et détruite.
Après l'indépendance, Pierre Chaulet, Algérien à part entière, marchant sur les traces de son père, fervent syndicaliste, qui a connu de hautes responsabilités en Algérie indépendante, car député à la Constituante en septembre 1962, conseiller du ministre Bachir Boumaza et enfin, directeur de la nouvelle Caisse nationale de sécurité sociale, a été très présent dans l'action culturelle et sociale. Il (Pierre Chaulet) a enseigné comme professeur de médecine à l'Université d'Alger (de 1967 à 1994). Il a été désigné comme chargé de mission pour la santé auprès du chef du gouvernement (1992-1994) et vice-président de l'Observatoire national des droits de l'homme (1992-1996). Il a été également expert de la tuberculose auprès de l'OMS depuis 1981 et consultant en santé publique auprès du Conseil national économique et social (Cnes) depuis 2006. Son épouse, la militante Claudine Guyot, sociologue, devenue Claudine Chaulet, a consacré, pour sa part, ses recherches à l'étude de l'autogestion agricole et a enseigné la sociologie rurale à l'Université d'Alger. Enfin, si les Chaulet ont décidé de ne jamais quitter l'Algérie, notre ami, que dis-je, notre frère Pierre, quitte aujourd'hui notre monde, heureux d'avoir accompli son devoir de moudjahid et laissé, pour les générations futures, une trace indélébile qui le fera revivre, constamment, à travers le souvenir..., une trace qui en dit long sur son amour pour son pays: «Le choix de l'Algérie: deux voix, une mémoire», un ouvrage paru cette année aux éditions Barzakh.
Quel beau parcours, Pierre! Va, satisfait, rejoindre ton Créateur...


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