«Le Paradis est sous les pieds des mères.» Cette certitude a été avancée par le meilleur de l'Univers (Qsssl). Alors? Rachid L. 21 ans comparaît face à Mohamed Boukendjakdji, le jeune président de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger) pour avoir insulté et agressé Djeghmouma, sa vieille maman venue à la barre signer et persister autour du délit. Mal lui en prit car au bout d'un bon moment, Mohamed Lamari, le fougueux procureur avait brandi le rugueux article de loi punissant les auteurs de coups sur ascendants - article 267 du Code pénal. Et visiblement, l'enfant maigrichon venait de réaliser que ce qui l'attendait en cas d'une condamnation ferme était plutôt à éviter. Déjà que les quatre nuits passées aux «Quatre Ha» d'El Harrach lui avaient montré que la détention préventive était du gâteau avec le «ferme». C'est pourquoi, aux questions du juge plutôt cool et calme, le détenu tentait tant bien que mal de se débarrasser des encombrantes réponses l'envoyant droit à l'enfer de l'incarcération. Il dribblait. Il mentait. Il évitait de répondre à certaines questions gênantes ou enfonçantes du tribunal et du représentant du ministère public qui aura l'occasion de menacer au nom de la loi, la maman de déclarations mensongères ayant entraîné la détention de Rachid, son rejeton. Et la diatribe salée servie en pleine assistance a eu lieu au moment où la maman qui ignorait tout des us et coutumes des juridictions commençait à dire exactement le contraire de ce qu'elle a déclaré lors de la présentation «Non, il ne m'a pas insultée.» «Non, il ne m'a jamais manqué de respect.» «Non, il ne m'a pas frappée.» «Il ne m'a jamais demandé de l'argent». «Je n'ai jamais donné un dinar à mon fils sous la menace.» «Non, mon enfant n'est pas un sniffeur.» Toutes affirmations données à la forme négative vont faire bondir le procureur. «Voilà madame. Vous êtes derrière une injuste incarcération de Rachid, votre gosse. Vous aviez déclaré de graves propos. Nous vous avions mis en garde pour ne dire que ce qui s'est réellement passé. Aujourd'hui, vous nous prenez pour des nigauds, des pantins qui ont fait de votre enfant une victime. De ce fait, si vous persistez à dire le contraire de ce que vous aviez déclaré lors de la présentation, le parquet se fera un devoir de vous poursuivre pour faux témoignage et fausses déclarations ayant mené votre enfant en taule. Alors, madame, vous a-t-il oui ou non insultée, frappée, agressée?» marmonne le jovial procureur qui est déçu du «Non» de la vieille dame. C'est donc en se référant à sa plainte et à ses déclarations devant le ministère public qu'une peine d'emprisonnement ferme de un an et d'une amende aussi ferme ont été réclamées par Lamari qui sera perturbée par Maître Khadidja Meslem, l'avocate de Aïn Allah, laquelle s'était levée spontanément défendre le pauvre Rachid. L qui avait entre-temps sauté au cou de sa maman pour lui offrir un bouquet de bises chaudes, chaleureuses et en tout cas bienvenues dans ce décor où la violence occupait le devant du procès. L'avocate s'adressa au président pour se présenter et se constituer en faveur du détenu qu'elle affirme bien connaître. Elle plaidera avec beaucoup de raison avec un avantage qui allait édifier le tribunal ni surpris ni amusé par la plaidoirie du conseil qui avait de suite annoncé la couleur en assurant le tribunal qu'elle connaissait cette famille déchirée: «Monsieur le président, cette maman vit dans des conditions atroces dans un bidonville à Dély Ibrahim. La maman est venue de Souk Ahras; elle était divorcée avec quatre enfants qui ont vécu et grandi dans une famille. Une fois adultes, ils ont cherché après leur maman et ont monté une roulotte aménagée en deux pièces de rien du tout avec tous les désagréments qui surviennent lors des intempéries. Evidemment, on ne peut pas évoluer dans de pareilles conditions atroces. Les problèmes sont quotidiens. Les heurts et les malheurs sont légion. Rachid est un bon fils pour sa maman puisqu'il bosse. Il se débrouille pour faire vivre sa famille. Que s'est-il passé alors? Des histoires de famille comme il en existe partout. Rachid a peut-être fait du mal à sa maman qui est venue ce jeudi, non pas mentir, mais essayer de tirer son Rachid du pétrin. Nous réclamons de larges circonstances atténuantes, car cette maman a de toute façon besoin de protection. Qui peut mieux la protéger que Rachid qui a déjà regretté ce qu'il a dit ou fait», a articulé, émue, l'avocate que beaucoup de confrères avaient félicitée pour ce morceau d'anthologie. Le verdict est, lui, mis en examen sous huitaine.