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«Sans fraude le deuxième tour est inévitable»
PRESIDENTIELLE AHMED TALEB IBRAHIMI MET EN GARDE
Publié dans L'Expression le 07 - 04 - 2004

Dans ce passionnant entretien, qu'il a bien voulu nous accorder, le Docteur Ahmed Taleb Ibrahimi revient en détail sur la situation qui prévaut dans le pays et sur les cinq années de mandature de Bouteflika, les polémiques autour de la réconciliation et du rôle de l'armée sur la scène politique, mais aussi les lendemains incertains qui guettent le pays au matin de ce 9 avril. Si pour Taleb, dur risque d'être le réveil, l'espoir demeure de mise. Mieux, un second tour est, pour lui, absolument inévitable s'il n'y a pas fraude. Dans le cas contraire, s'insurge-t-il, les boutefeux devront en assumer les lourdes et incertaines conséquences.
L'Expression: M.Ahmed Taleb-Ibrahimi, Wafa a apporté son soutien à la candidature d'Ali Benflis. Quels objectifs poursuivez-vous à travers une pareille option?
Ahmed Taleb Ibrahimi : Le soutien apporté à la candidature du secrétaire général du FLN, M.Ali Benflis par les militants de Wafa poursuit des objectifs qui, loin d'être propres à Wafa, sont communs à de nombreux acteurs politiques qui se sont d'ailleurs progressivement déclarés en faveur de cette candidature.
Il peut vous paraître étonnant qu'un postulant à la magistrature suprême éliminé par un acte de banditisme politique, qu'un homme politique empêché arbitrairement de créer un parti politique légalement constitué, rejette l'abstention ou le boycott, ne prône pas le bulletin blanc et appelle au contraire à voter en faveur d'un autre candidat.
Ecartant toute autre ambition que celle de servir leur pays et leur peuple, et prenant conscience de la gravité de la situation de notre pays menacé à la fois dans son unité nationale et dans sa cohésion sociale, les militants de Wafa, ses amis et ses sympathisants optent pour le candidat du FLN pour au moins deux raisons, d'abord par reconnaissance et par fidélité à une invariable historique et politique, pour ce que le FLN incarne comme valeurs libératrices dans l'histoire de la lutte du peuple algérien. Ensuite, par convergence : il y a dans le programme de Wafa et celui de M.Benflis de nombreux points communs dont les plus marquants sont l'engagement clair à consolider le processus démocratique, à respecter le pluralisme politique, à construire un Etat fort et juste, un Etat qui préserve les composantes identitaires de la nation et respecte les libertés fondamentales et les droits de l'homme, un Etat dans lequel les institutions n'auront d'autre finalité que celle d'assurer l'égalité en droits et en devoirs entre tous les citoyens et les citoyennes.
Pensez-vous que votre apport, qui peut créer un effet d'entraînement chez les acteurs politiques qui vous sont proches, permettra au candidat du FLN de gagner ce scrutin et quelles prévisions faites-vous pour ce matin du 9 avril?
«L'effet d'entraînement» dont vous parlez reste tributaire de ce que revêtira cet apport comme sens pratique sur le terrain où les militants de Wafa n'ont pas épargné leurs efforts pour soutenir le candidat du FLN. Nous avons fait ce que l'intérêt national suprême commande, en cette étape historique, en attendant de savoir si oui ou non la volonté populaire sera respectée. C'est à l'aune de ce paramètre, le respect de la volonté populaire, que les seules prévisions crédibles peuvent être envisagées et appréciées.
À la suite de votre exclusion «politique», et même avant cela, vous pensiez que les jeux étaient faits, et que le dispositif de la fraude était mis en place et que nous allions assister à une simple mascarade électorale. Cette position, qui n'est pas sans rappeler celle de Mouloud Hamrouche, vous place de facto en marge de ce scrutin. Pourquoi alors vouloir y prendre une place aussi active?
En effet, j'étais devant l'un des choix les plus difficiles de ma vie: participer à une élection qui semblait fermée, dans le mesure où, grâce au dispositif de fraude mis en place et maintenu, elle consacrerait la reconduction du statu quo, ou y prendre part pour exploiter une chance aussi minime soit-elle de changer le cours des événements en partant du postulat que le changement d'homme n'est pas négligeable pour le changement du système. Alors que faire? Continuer à dénoncer, tout en sachant très bien que cela ne gêne en rien le système, ou profiter de la moindre chance pour contribuer à l'ouverture du système? Je ne conçois pas d'autre voie pour ce changement radical que par les urnes et par étapes. Cette voie peut être, certes longue, mais c'est la seule à moins de recourir au changement par la violence, ce que je rejette et condamne.
Oui, j'ai dit que le jeu était fermé dans le sens que je viens de préciser et que la clé de ce jeu était entre les mains de nos décideurs. Je ne suis pas encore tout à fait sûr que quelque chose de fondamental ait changé à ce jour. Par contre, je suis sûr d'une chose, c'est que le terrain peut fausser les calculs politiciens, compte tenu du passé, j'attends donc pour voir.
Les intentions déclarées de ceux qui prônent le boycott ou le vote par le bulletin blanc tiennent à une opposition au statu quo. C'est un objectif respectable que nous partageons mais nous divergeons sur les moyens d'y parvenir. Nous participons justement pour saisir toute chance, aussi minime soit-elle, pour dire non au statu quo.
Pendant plus d'un mois, vous avez été un des acteurs les plus actifs du fameux groupe des dix. Alors que des voix s'élèvent pour dire que sa mission est pleinement accomplie, d'autres rétorquent qu'ils auraient pu ou dû, aller plus loin, générer un mouvement populaire derrière lui, afin de forcer le pouvoir à appliquer ses exigences. Partagez-vous cette analyse?
On peut regretter que les initiatives politiques individuelles ou de groupe restent temporellement circonscrites à des échéances électorales mais elles ont l'avantage au moins d'exister et d'inciter et l'on ne peut que s'en féliciter. On peut également espérer qu'elles seront durables et élargies pour être d'un apport fondamental à l'approfondissement du processus démocratique national.
L'existence même du groupe des dix au demeurant, salutaire et utile, est la preuve que nos consultations électorales demeurent marquées par l'asservissement de l'administration hors de toute norme, l'instrumentalisation de la justice, la manipulation des résultats et la fraude. Et l'on mesure alors la distance qui nous reste à parcourir pour parvenir à l'Etat de droit. La constitution du groupe des dix est d'un apport indéniable pour le processus démocratique, son impact sur le terrain, comme toute grande action, sera long mais sûr. Je souhaite pour ma part qu'il constitue le noyau de la vraie opposition politique dont le pays a tant besoin, comme réel contre pouvoir dans une vraie démocratie.
A votre avis que peut bien changer la sortie du chef d'état-major appelant à la neutralité de toutes les institutions de la République alors que le président-candidat a eu droit à son propre premier tour, en choisissant lui-même ses candidats, pour reprendre votre propre expression?
Cette sortie - pour peu qu'elle soit assortie de mesures pratiques palpables - peut changer bien des choses car ce n'est un secret pour personne que tant à l'intérieur qu'à travers nos représentations diplomatiques et consulaires, les services du DRS sont actifs. Pour l'instant, j'observe deux choses : la teneur des propos du chef d'état-major contraste fort avec le comportement en campagne du président-candidat et l'attitude de l'administration. L'on est alors tenté de conclure si ce flou persiste, soit à une passivité par impuissance du commandement de l'armée, soit à une certaine forme de complicité pour justifier a posteriori le choix malheureux de 99.
La sortie du général Mohamed Touati s'inscrit-elle en droite ligne de celle de Mohamed Lamari ou bien est-elle venue atténuer cette dernière, à un moment où l'on s'interroge sur le silence d'autres généraux à la retraite dont certains sont connus pour leur franc-parler?
Je me réjouis que des généraux à la retraite s'expriment aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas en 1999 à l'exception du général Rachid Benyellès. Pareilles interventions enrichissent le débat public sur le rôle des institutions dans notre histoire. Redevenus simples citoyens, ils expriment des points de vue personnels qui n'engagent pas l'institution militaire bien qu'ils expriment un certain état d'esprit de cette institution. C'est une bonne chose qu'ils participent au dialogue autour des institutions du pouvoir et des contre-pouvoirs, cela pourrait aider à clarifier beaucoup de choses dans l'avenir.
Vous avez été un des premiers hommes politiques importants sur l'échiquier national à évoquer le retrait, qualifié de graduel, de l'armée de la scène politique. A la lumière du développement que vit le pays, comment voyez-vous le rôle futur de cette institution face à une classe politique que vous qualifiez de défaillante?
Je maintiens toujours ma position: le retrait de l'armée de la scène politique doit se faire de façon graduelle pour éviter au pays un vide préjudiciable que la classe politique actuelle n'est pas encore en mesure de combler. En attendant que s'opère ce retrait graduel, il faut définir le rôle de l'armée dans la Constitution.
Pour l'instant, une seule disposition lui est consacrée pour des missions spécifiques, à savoir la sauvegarde de l'indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale mais dans la réalité, elle reste le vrai pouvoir et ça, tout le monde le sait. Alors, codifions clairement et une fois pour toutes le rôle de l'armée pour la mettre à l'abri de la polémique et des luttes partisanes.
Selon vous, quelles différences, dans la forme et dans le fond, séparent les deux présidentielles, de 1999 et 2004, si tant est qu'il en existe?
La situation était plus claire en 1999 : l'armée soutenait un candidat qui n'était pas chef de l'Etat. En 2004, le président est candidat et l'armée se dit publiquement neutre mais laisse faire sur le terrain celui qu'elle a imposé en 99. Dans le fond c'est le même cercle décideur qui continue d'agir dans les deux cas, en adaptant pour le moment le discours adéquat.
Votre parti, le mouvement Wafa, subit une interdiction légalement irrecevable depuis l'année 2000. Il semble que l'on cherche par tous les moyens à vous éliminer de la scène politique. Pourquoi?
Tout simplement, parce qu'on ne veut pas d'une opposition crédible et enracinée dans la société. On ne veut pas d'une opposition autre que celle concoctée dans les cabinets noirs et les laboratoires. En un mot, le régime ne supporte pas encore une opposition au pouvoir, il a besoin seulement d'une opposition du pouvoir pour «vendre» une certaine démocratie de façade. C'est pourquoi le déficit de légitimité du pouvoir est compensé non pas par des contre-pouvoirs réellement représentatifs mais par des constructions factices et des «mirages démocratiques». En tout cas, l'interdiction illégale du mouvement Wafa ne peut pas, de toute évidence, effacer le projet de société dont il est porteur, ni faire taire ses partisans dans la société.
Le mouvement est toujours là ; ses militants profitent de chaque situation pour mieux élargir leur base et renforcer leurs rangs. C'est dire qu'une réalité sociologique ne saurait être effacée par une simple décision politique. Le pouvoir a bien interdit le FIS, mais a-t-il pour autant pu éliminer sa réalité socio-politique. La preuve, c'est que certains candidats à l'élection présidentielle, dont le président-candidat lui-même, ont tout fait par des moyens divers pour solliciter son soutien.
Parti en campagne pour un second mandat, Bouteflika ainsi que ses proches collaborateurs, mettent en avant un bilan dithyrambique de sa première législature. Quelle est votre lecture des chiffres, nombreux et parlants, à propos des activités économiques et sociales du pays?
D´abord les chiffres avancés manquent de fiabilité et ne reflètent pas la réalité du terrain. De grâce, cessons de jouer avec des statistiques militantes propres à une ère révolue. Il est honteux de parler de croissance alors que nous continuons à exporter des chômeurs, que la pauvreté s'étend, au point que 14 millions d'Algériens ne mangent pas à leur faim, et que les décharges publiques et les poubelles de restaurants sont fouillées par des jeunes en quête de nourriture, et encore ici et là, on leur tire dessus, comme cela s'est passé récemment à la décharge de Oued Smar. Il est connu que les grands équilibres macro-économiques n'ont été retrouvés que sous l'effet de l'ajustement externe piloté et contrôlé par le FMI depuis 1994. Ils ont été confortés par une pluviométrie abondante et une conjoncture pétrolière favorable qui a généré des réserves de change incomparables dans notre jeune histoire moderne, sans qu'ils produisent les effets attendus sur l'investissement et l'emploi.
Faute de matrice économique et de timing d'actions réformatrices synchronisées, nous assistons à des pratiques irréfléchies et improvisées, électoralistes et politiciennes, allant jusqu'à inaugurer deux fois de suite les quelques réalisations recensées, à disposer de l'argent public en dehors de toute rigueur procédurière et budgétaire. Faute de rigueur dans la gestion économique du pays, et d'un contrôle populaire institutionnalisé, la Cour des comptes est gelée, et l'observatoire national de la corruption est dissous.
En sa qualité d'ancien chef de la diplomatie, Bouteflika met également en avant un bilan diplomatique des plus positifs qui soient. Quelle est la vision de l'ancien ministre des Affaires étrangères que vous êtes, et qui compte pas mal de chefs d'Etat et de ministres étrangers parmi ses relations?
Je suis un peu gêné de parler de ce secteur, ayant moi-même été ministre des Affaires étrangères. Peut-être que les donnes ont changé et que le réalisme politique commande de s'adapter. Mais les principes fondamentaux de notre politique étrangère n'ont pas changé, en tous cas, au moins pour ce qui est de la philosophie qui les inspire.
Les cinq dernières années me rappellent la frénésie insatiable des déplacements à l'extérieur du premier chef d'Etat au lendemain de l'indépendance alors que le pays était malade de son unité intérieure mise à mal, et de sa cohésion sociale effilochée.
Vous avez vu où cette politique a mené. Malheureusement ceux qui ont pris part à cette fuite en avant commettent aujourd'hui les mêmes erreurs. Ils ne veulent pas comprendre que la politique extérieure ne peut être que le reflet de la politique intérieure. Il ne peut y avoir d'influence réelle sur la scène internationale sans la consolidation préalable du front intérieur au double plan politique et social. Par ailleurs, peut-on parler de bilan positif quand l'Algérie, à titre d'exemple échoue, à deux reprises dans l'organisation sur son sol du sommet maghrébin, quand la diplomatie algérienne se fait timide dans l'expression du soutien à nos frères palestiniens, et dans la dénonciation de l'agression et de l'occupation de l'Irak ou quand l'investissement étranger est quasi nul. Même avec la France visitée sept fois par le chef de l'Etat, du jamais vu dans l'histoire de l'Algérie indépendante, les jeunes ont-ils senti un allégement dans la procédure des visas, pour ne retenir que cet exemple?
La réconciliation nationale est un des plus importants chevaux de bataille du président ? N'est-elle pas un simple miroir aux alouettes?
Il est déplorable qu'une telle option soit réduite aujourd'hui à une expression galvaudée et vidée de toute substance, au point d'être indécemment utilisée par des hommes non représentatifs qui ont toujours agi au grand jour contre la réconciliation nationale.
C'est pourquoi, je préfère dorénavant parler du sens que je donne à cette expression, plutôt que d'utiliser l'expression elle-même aujourd'hui parasitée par les mêmes milieux éradicateurs pour créer la confusion et l'amalgame. Malheureusement je constate que les agressions répétées à l'endroit de l'identité nationale dans ses dimensions arabe, musulmane et amazighe, associées au régionalisme croissant, au clanisme et à d'autres maux n'ont pas permis, et ne permettent toujours pas, une perception juste et partagée des solutions de sortie politique de crise.
Un objectif juste n'est atteint que par des moyens justes, et une construction ne peut être licite et donc durable si elle repose sur l'illicite et donc sur l'injustice.
En quoi consiste votre plan de sortie de la crise politique et sécuritaire que vit le pays depuis plus de dix ans?
Ma position a toujours été constante depuis le début de la crise : la crise nationale est essentiellement politique qui appelle un traitement éminemment politique. Ce traitement consiste d'abord dans le règlement de la crise de légitimité du pouvoir par le moyen d'une élection libre, régulière et transparente. Espérons que ce sera le cas le 8 avril. Cette autorité légitime engagera le dialogue avec tous les courants et les forces politiques représentatives sur les voies et moyens à même d'assurer le retour de la paix et de la stabilité, avec, comme préalable le respect de certains principes de base tels que le pluralisme politique et médiatique, les libertés et les droits de l'homme, et bien sûr le respect des fondements de la personnalité nationale.
Dans beaucoup de ses discours, le président sortant a annoncé qu'il comptait restreindre les libertés politiques et journalistiques. Il a également signifié vouloir réviser la Constitution, dans le but manifeste de s'octroyer un maximum de pouvoir, comme il ne s'en cache d'ailleurs pas.
Comment y faire face puisque de plus en plus de voix s'élèvent pour dire qu'il y a péril en la demeure, ajoutant que la démocratie est en sursis?
Il faut commencer d'abord par respecter ce qui existe, et ensuite corriger ce qui est ou semble être dépassé. Si je me base sur les dernières déclarations du président-candidat, c'est une réelle dictature qu'il nous prépare puisqu'il compte fermer davantage le jeu politique et les médias publics lourds en maintenant l'état d'urgence, et en interdisant l'agrément des partis politiques. Ce n'est pas un régime présidentiel qui est recherché, c'est un régime personnel qui nie toute souveraineté populaire puisqu'il aura pour titre une formule de sinistre mémoire «l'Etat, c'est moi».La loi fondamentale ne doit pas être vue comme un burnous que chacun doit confectionner à sa taille, dans une quête malsaine de pouvoir absolu.
Donc, commençons d'abord par appliquer ce qui existe: je serai toutefois d'accord sur un seul point, à savoir définir avec précision les missions de l'ANP. Dans tous les cas, la classe politique doit être associée obligatoirement à toute éventuelle révision de la Constitution avant d'aller vers le référendum. Dans tous les cas, cette option ne doit être envisagée que dans un climat social et politique serein.
De plus en plus fort, l'Algérie s'enlise dans la culture des jacqueries. Des émeutes éclatent dans de nombreux villes et villages du pays. Elles font suite au printemps noir qu'a vécu la Kabylie en 2001 et dont les séquelles se font sentir jusqu'à ce jour. Selon vous, que signifie cette forme nouvelle et quasi généralisée de contestation populaire?
Tout simplement, cette forme de contestation populaire consomme la rupture totale entre le régime et le peuple qui ne se reconnaît plus dans ses institutions. Force et de constater que tous les ingrédients d'une persistance et d'une aggravation de ces phénomènes sont réunis: fermeture du champ politique, harcèlement de rares organes médiatiques divergents, crise de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, faillite des partis politiques en place, absence de justice, asservissement de l'administration, malaise social, développement de la corruption, dilapidation des deniers publics...les événements populaires qui ont jalonné la mandature en cours illustrent un divorce consommé entre l'Etat et la société, et le rejet du système politique en place. C'est pourquoi, nous souhaitons que les choses changent le 8 avril, pour que le pays s'engage sur la voie du changement et qu'il cesse de s'enfoncer dans l'abîme.
Dans une analyse faite récemment par vous, vous mettez en avant vos craintes, à la lumière de la tournure que prennent les événements, que les décideurs véritables de ce pays ne soient en train de le mener vers un second janvier 1992. Quels sont les éléments qui vous font penser cela et, à votre avis, dans quel but les dirigeants de l'armée et leurs alliés objectifs auraient-ils recours à une pareille démarche?
Laisser faire dans le dérapage sans agir pour éviter l'irréparable, et laisser la situation pourrir, créent certainement une situation de trouble et de menace à l'ordre public qui pourrait provoquer l'arrêt du processus démocratique. Dans tous les cas, cette attitude ne profite pas au peuple, et encore moins la recherche de prétextes pour la remise en cause des acquis démocratiques si chèrement payés par le peuple.
Quel avenir politique entrevoyez-vous pour vous et votre parti?
Je serai toujours présent sur le terrain avec mes militants tant que mon pays souffre et ne retrouve pas la voie de son salut. Wafa restera une force importante d'avenir car il réunit des jeunes convaincus, patriotes et décidés. J'ai pu personnellement mesurer une fois de plus le poids de Wafa à la fois à travers les tournées effectuées dans les wilayas depuis l'été dernier, et à l'occasion de la campagne de collecte des signatures au profit de ma candidature à l'élection présidentielle. Malgré le sentiment d'injustice né d'une frustration d'un droit légitime, malgré l'interdiction et l'intimidation, les militants résistent et restent solidaires et décidés. Bien plus, ils élargissent leurs rangs tous les jours ; la preuve, c'est que depuis le début de la campagne de collecte des signatures, nous avons pu étendre nos activités à sept wilayas nouvelles. Je suis optimiste. Dieu merci.
Comment imaginez-vous l'Algérie au matin du 9 avril 2004?
Difficile de le dire. L'attente est longue et le réveil risque d'être difficile au regard des derniers dérapages qu'a connus la campagne électorale. Encore une fois, tout dépendra des conditions du déroulement du scrutin. J'espère que la sagesse et le patriotisme l'emporteront sur cette fièvre qui dévore ceux qui persistent à se maintenir au pouvoir par tous les moyens.
A mon avis, s'il n'y a pas fraude, le deuxième tour sera inévitable. Maintenant s'il y a fraude, que ceux qui allument le feu assument la responsabilité des dérapages inévitables qui en découleraient. Une fois pour toutes, qu'on cesse de jouer avec la volonté populaire, et que le peuple s'implique dans la prise en charge de son destin.
Le projet dit du Grand Moyen-Orient brandi par Bush est-il une menace ou bien une chance pour les peuples arabes désirant en finir avec leurs dictatures respectives?
Pourquoi cet entêtement des dirigeants arabes à refuser d'admettre que les choses évoluent dans le monde, et que la démocratie est devenue un impératif de développement pour nos peuples?
Nos dirigeants refusent toujours de rendre compte à leur peuple. Eh bien, qu'ils sachent que par leur entêtement à refuser d'élargir le cercle de prise de la décision politique à d'autres couches sociales, ils donnent prétexte aux étrangers pour intervenir. Vu sous cet angle, le projet Bush peut être une menace pour les régimes arabes s'il incite les peuples à le mettre à profit pour libérer leur volonté confisquée; au contraire, ce projet peut constituer une menace pour les peuples, s'il a pour objectif réel de fragiliser les régimes arabes pour mieux les asservir sous une démocratie de façade.
C'est pourquoi, la société civile dans ces pays, doit s'impliquer et faire pression sur les régimes pour les amener à tirer
leur légitimité de leur peuple, et non de leur allégeance aux puissances étrangères.


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