Qui dit vrai? Les héritiers de l' «égorgé» ou le tout-puissant propriétaire foncier d'Alger? Durant un poignant procès où les mots: «sang, terroristes, orphelins, menaces, dépassements, faux et usage de faux, cris de bêtes blessées, sanglots, larmes, interjections» étaient les vedettes mises en avant grâce à une Saïda Larguette vigilante et plutôt tolérante, nous avions pris le monologue de Daouadi Benazza, inculpé tout comme son cadet Mohammed pour vous le livrer dans sa globalité, juste de quoi édifier nos fidèles lecteurs sur qu'endure notre justice qui a mieux à surveiller. Daoudi, du haut de ses 1,84 m, une moustache fournie qui lui donne l'air d'un acteur jouant le beau policier en civil qui lutte contre les moulins à vent.: «Madame la présidente, je vous annonce d'emblée que je suis triste de vivre des moments difficiles. Je me suis plaint trois fois: le procureur m'a rassuré en me disant qu'il n'y avait pas de quoi dramatiser. Comment donc? Moi qui, à l'âge de 14 ans, suis sorti en 1994 devant notre domicile sis à Douaouda, dans la nuit noire, ramasser mon père égorgé de l'oreille à l'autre par des terroristes. Quelque temps après, ma mère est roulée dans la farine en signant un désistement des terres de mon père arguant qu'elle louait... Comment donc lorsque mes frères et soeurs sont à chaque fois terrorisés par des forces obscures, celles du fric! Comment donc lorsque le wali de Tipaza me reçoit pour me menacer devant le médiateur qui m'a introduit! Mes frères, ma mère et moi, ne désirons que récupérer les actes de propriété des terres de mon père. Quant à Sahraoui, il se plaint alors qu'il n'était pas présent le jour des pseudos faits. Les témoins travaillent chez lui. Pourquoi accepte-t-on de les entendre?» Daouadi avait fini son «réquisitoire» laissant le soin à Maître Sofiane Draoui d'entrer dans les détails, des détails troublants... «Mes clients ont vécu sans le papa lâchement assassiné. Leurs terres leur ont été frauduleusement enlevées. La maman a été salement grugée Elle n'a jamais eu l'intention de vendre ni de céder, mais de louer. Le wali a, selon Daouadi, menacé cette famille et s'est dit décidé à les jeter à la rue. Que deviennent les chevauchées de recommandations de Sellal, le Premier ministre?» s'est offusqué l'avocat barbu qui a répété sa confiance en la justice de notre pays... Sept personnes debout face à Larguette, la juge du lundi, de Koléa. Malek Drissi occupe le siège du ministère public. Deux frères sont inculpés de menaces à l'encontre de leur voisin, le tout-puissant propriétaire Sahraoui venu en personne à la barre signer et persister le méfait commis par deux frères dont le papa avait été égorgé par les terroristes en 1994 devant chez lui. D'entrée, la présidente entre dans le vif du sujet. Elle signifie l'inculpation aux deux frangins à la mine catastrophée. Les Benazza suivent ce qui leur est reproché. L'aîné des inculpés se justifie. Il veut revenir aux incidents passés entre les deux voisins. La juge l'en empêche: «Parlez-nous des délits!». Entre-temps, Sahraoui, un volumineux classeur à la main, est encadré par deux vieux. Les gendarmes sont évoqués par le cadet des inculpés. Sahraoui est à son tour entendu. Son avocate s'avance à sa gauche. La victime évoque le contentieux foncier qui les oppose. Il reprend l'incident raconté par les employés gardiens de Sahraoui qui décrit deux personnages féroces accusés d'avoir vandalisé des véhicules: «Ils étaient dix armés de gourdins!» dit-il en appuyant sur le détail de: «Ces terres sont à notre défunt père assassiné!». Les deux autres victimes employées par Sahraoui racontent tour à tour «l'attaque infernale» «C'est un contentieux foncier qui a mal tourné!» dira le second employé victime du bris de son automobile. Le cadet des inculpés s'écrie: «Je jure que j'étais seul.» Larguette toujours aussi glacée sur le pupitre, le calme sans trop de difficultés: «Lorsque vous parliez, personne ne vous a interrompu!». Maître Aïssa Draoui, l'avocat des deux inculpés, suit la déposition de Samir la troisième victime. L'aîné des Benazza redemande la parole et parle avec beaucoup d'énervement et de passion. La juge a vite fait de le prier de retourner à sa place d'inculpé et va suivre le premier témoin. Les témoignages seront sans concession. Ils seront même tranchants, coupants... tuants. L'avocate des victimes flétrit de suite l'assaut lancé par les deux inculpés: «Même si ces deux jeunes ont été humiliés, ils n'avaient qu'à se plaindre. La vérité est que les deux frères n'ont jamais pardonné à Sahraoui d'avoir eu le désistement de la part de leur maman qui a signé en toute liberté et une contre-partie conséquente. Et lorsque la justice les a déboutés, ils ont décidé de tout entreprendre pour reprendre les terres de leur défunt papa car lorsqu'ils dépensaient le fric de Sahraoui, ils n'ont jamais levé le petit doigt. Maintenant ils essaient de terroriser Sahraoui qui n'habite pas à Douaouda, mais à Alger», a articulé l'avocate Maître Bouroucha qui a réclamé un million de dinars à titre de dommages et intérêts. Pour les inculpés, Maître Draoui se veut rapide et clair. Il frôle le contentieux foncier et passe à l'historique du vrai contentieux entre les deux familles. «La vérité est que la veuve, alors que ses enfants étaient jeunes, a été «blousée». Elle ne sait ni lire, ni écrire, on l'a eu à dessein. Certes, elle s'est désistée pas sur tout. Elle s'est désistée sur sa part, pas sur celles des enfants. La police judiciaire connaît très bien cette affaire. Douadi Benazza avait dans un passé récent reçu une raclée de la part des voisins. Mohamed Benazza, le cadet, a aussi été victime de hogra. Quant aux menaces, s'écrie le défenseur, il n'y en a pas. On est venu parler de bris de voiture, «avant de demander au tribunal de se passer des témoignages des employés de Sahraoui qui sait, lui, il est témoin de ce qu'il a fait à la veuve, leur mère analphabète et abattue par la mort atroce du mari égorgé.» Avant de finir, il a écarté du revers de la main les allégations des victimes: «Ce ne sont pas mes clients qui ont saccagé les véhicules. Mes clients sont les seules et véritables victimes.».