Les Césars ont, pour la première fois, injustement zappé Abdellatif Kechiche. Lui qui avait pourtant, grâce à ses deux films l'Esquive et La graine et le mulet, remporté plus de Césars que n'importe quel cinéaste français. Environ huit Césars au total. Du jamais-vu dans le cinéma français et voilà que maintenant il est ignoré par cette édition de 2014. Qu'est-ce qui s'est réellement passé dans l'univers très fermé de l'Académie française des Césars pour snober son fils prodige? Ainsi, le film La vie d'Adèle qui a été récompensé par une Palme d'or à Cannes et qui était l'un des favoris de la cérémonie des Césars, est reparti bredouille. Considéré par la presse française comme le digne héritier de Maurice Pialat, un artiste génial et pervers qui aime manipuler ses actrices et taxé d'Emile Zola du cinéma, il a été totalement ignoré par les membres de l'Académie. La raison est purement politique. Depuis la Palme d'or, beaucoup de choses ont changé dans la tête des médias et des responsables du cinéma français. Après avoir été présenté comme un cinéaste français d'origine maghrébine, il a été dénoncé comme un cinéaste tunisien installé en France après que les médias eurent découvert que Abdellatif Kechiche avait accepté à deux reprises d'être décoré par le régime de Ben Ali, en 2005, puis à nouveau en 2008. En 2013, il avait fait partie des très nombreuses personnalités du cinéma français à signer une pétition contre François Hollande puis Michel Sapin, son ministre du Travail, et Aurélie Filipetti, ministre de la Culture suite à leur décision de valider la convention collective signée par la CGT et quatre grands groupes (Pathé, Gaumont, UGC et MK2) pour que les techniciens soient mieux payés, qu'un nombre minimum de postes soient imposés pour chaque tournage et que les taux horaires et les rémunérations soient mieux encadrés et régulés. En février 2014, alors qu'il se dit très à gauche et opposé à la politique sociale-libérale de François Hollande, il soutient la candidature à sa réélection du maire UMP sortant de Nice, Christian Estrosi, le jugeant être le meilleur rempart contre le Front national à l'échelle locale. Toutes ses actions politiques du cinéaste franco-tunisien ont conduit dans une première étape à l'exclure de la course aux Oscars en choisissant un film français qui n'a même pas dépassé le cap des demi-finales. Et aujourd'hui à lui barrer la route des Césars alors que le film est salué par la critique et la presse internationales. Visiblement, une Palme d'or ne suffit pas parfois pour s'imposer sur la scène cinématographique. Kechiche méritait de triompher aux Césars. Son oeuvre est qualifiée comme une sorte de Terra Nova en image. Mais le cinéaste a compris le piège, il a boycotté la cérémonie. Et le meilleur exemple pour dénoncer cette traîtrise artistique, c'est Le Figaro, qui le donne dans sa chute. «Des ploucs qui ne comprennent désespérément rien au cinéma d'auteur...» [email protected]
