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Docteur honoris causa
L'ENIGMATIQUE JEAN DANIEL
Publié dans L'Expression le 12 - 06 - 2004

«S'abstenir toujours de tout article mollasson, complaisant et de remplissage. Il y va de l'honneur du plus beau métier du monde» (Albert Camus)
L'Algérie a honoré l'écrivain et journaliste Jean Daniel Docteur honoris causa le dimanche 6 juin 2004. Ce titre est la reconnaissance d'une nation à une personnalité qui a eu à coeur de défendre une cause à portée universelle ou nationale. A bien des égards, la personnalité de Jean Daniel est énigmatique et ne laisse pas indifférent.
Jean Daniel est né à Blida dans une famille juive de onze enfants. Il garde des liens forts avec l'Algérie et est un anticonlonialiste convaincu. Il découvre la littérature à travers Albert Camus. Il devient journaliste et pour lui, journalisme, littérature et engagement intellectuel ou politique sont liés. Il admire Malraux. Il lance Le Nouvel Observateur avec Jean-Paul Sartre en 1963. Sa culture méditerranéenne et familiale établit le bonheur comme un dû et son enfance passée entre synagogue, église et mosquée ont fait de Jean Daniel une conscience en constant éveil. Patron de pensée du «Nouvel Observateur», et de gauche, journaliste, Jean Daniel a retenu un conseil de son ami Albert Camus: «S'abstenir toujours de tout article mollasson, complaisant et de remplissage. Il y va de l'honneur du «plus beau métier du monde»».
Jean Daniel, le juif non pratiquant
Depuis très jeune, il est remarquable de constater comment Jean Daniel réussit à être reconnu comme l'interlocuteur des grands sur cette planète. On sent l'humilité, dans cette façon de repérer, de s'incliner devant ce qui a du relief, non pas pour rester soi-même petit, mais parce que devant ces grands, il est possible de se nourrir, d'en prendre de la graine, ceci de manière eucharistique, une sorte d'incorporation symbolique
Ecrivain, Jean Daniel a trouvé aux meilleures sources ce qui fait la grandeur d'une oeuvre littéraire: un style allié à une haute idée du monde et de ceux qui l'enchantent. Jean Daniel aura beaucoup commenté son époque, croisé des gens importants, médité sur l'inflexible cours du temps.
En choisissant de noircir des carnets et de les publier, il s'évade d'un genre défini, le journal, qui, cette fois, n'a rien d'hebdomadaire. Ses voyages, ses rencontres, ses lectures sont narrés sans souci de régularité chronologique(1).
«Tout le monde ne peut être juif, il s'agit d'une tâche extrêmement difficile», écrit Jean Daniel dans La prison juive, car, accepter d'appartenir au peuple élu, signer l'alliance avec Dieu, se voir différent des autres peuples, dialoguer constamment avec le Créateur, c'est en un mot, ajoute-t-il, «vouloir être un saint».
«Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur, écrit Jacques Godbout, est juif parce que ses parents l'étaient. Un catholique qui perd la foi reste un citoyen ordinaire. Un juif qui n'a plus la foi, dit l'écrivain, ne cesse jamais d'être juif, parce que son peuple vit depuis des siècles une aventure hors du commun. C'est cette situation que Jean Daniel analyse à la lumière des textes des plus grands philosophes juifs, de Spinoza à Levinas, avec une honnêteté et une clarté exemplaires. Si la solidarité juive, née de l'errance, est fondamentale, elle n'empêche pas un grand nombre de juifs de critiquer Israël, ce que fait Jean Daniel dans son essai, en démontant la dimension théologique du discours politique»(2).
«Messianistes, les juifs d'Israël ne sont pas libres, puisqu'ils ont été choisis et participent d'un destin providentiel. L'enfermement, la prison dont parle Daniel, devient «la servitude et la grandeur de la condition juive». Plus encore, l'antisémitisme est perçu comme le Mal universel qui justifie en un sens l'existence même d'Israël. L'auteur de La Prison juive approche avec infiniment de respect le «mystère juif», ce qui ne l'empêche pas d'avoir recours aux instruments de la raison. Cet ouvrage est important pour qui veut saisir la dimension religieuse du délire qui, de suicide en vengeance (oeil pour oeil, dent pour dent), s'est emparé des tribus qui s'arrachent Jérusalem».
Dans ses éditoriaux Jean Daniel a, à coeur et c'est naturel, de défendre la communauté juive de France. Pourtant, il verse, souvent, dans le paternalisme et ne résiste pas à la tentation de distribuer des bons points ou des pesums. Ecoutons-le parler des juifs et des Beurs: «Inquiétude des juifs de France devant des agressions qui se multiplient. Colère des jeunes Beurs devant les humiliations dont ils sont victimes. Tout cela est vrai. Ces actes révoltants ne sauraient bénéficier de la moindre indulgence, et la vigilance la plus sourcilleuse s'impose désormais. Mais les mêmes intellectuels apportent parfois à leur constat irrécusable des explications incertaines. Les médias, en diabolisant chaque jour Israël, procureraient une cible juive au besoin de violence indistincte de quelques bandes de Beurs parfois manipulés par des islamistes.»
«La solidarité inconditionnelle avec un Etat (non pas une cause, non pas un peuple, mais un Etat), quoi qu'il fasse, quel que soit son régime, n'est pas compatible avec le désir de justice ni avec la défense des droits de l'homme. Les musulmans devraient avoir sans cesse à l'esprit, et rappeler à leurs enfants, que de grands Français juifs ont contribué à leur émancipation et ont servi la cause franco-arabe.» Léon Blum, avec son projet d'octroi de la citoyenneté aux Algériens (le fameux projet dit «Blum-Violette» de 1936 qui avait fait long feu).
«...Aux jeunes Beurs je dirai, quels que soient leur malaise identitaire et leur difficulté d'être, que des centaines de milliers de Maghrébins ne rêvent que de venir en France. Ils sont déracinés. Incapables de se sentir Algériens ou Français. Tandis que s'éternise le conflit israélo-palestinien et depuis que les passions se sont, hélas, déchaînées autour de Jérusalem, depuis, enfin, que la prétendue fidélité à l'Histoire et à Dieu s'est substituée à la volonté politique et au souci de l'avenir, l'antisémitisme ne cesse de progresser dans le monde arabe. Mais nous avons vu, cependant, les opinions publiques de ces pays versatiles et sentimentaux changer du tout au tout dès que des gestes symboliques restituaient aux Palestiniens la dignité et aux Israéliens la confiance.»(3)
Jean Daniel et l'affaire du voile
L'une des prises de position les plus nettes de Jean Daniel concerne l'affaire du voile. Dans un éditorial intitulé «Décidément, non au voile» , suivi d'un dossier tendancieux et partial sur le voile, Jean Daniel nous montre sa vrai nature: Ecoutons-le: «Artificielle, cette affaire de voile? Ne vous y trompez pas! Elle est lourde en symboles. Bref, je suis absolument pour l'interdiction du port du voile à l'école et dans la Fonction publique. .... Le dossier sur l'affaire du voile publié dans ce numéro est l'un des plus riches et des plus nuancés qui soient. Et puis j'en ai parlé avec quelques amis musulmans. Pas n'importe lesquels, bien sûr.»
«(...) Ce sont tout simplement des élèves, des parents d'élèves et un certain nombre d'associations qui mènent un combat en faveur du port du voile. Et qui transforment avec une diabolique habileté (M.Tariq Ramadan fait merveille dans cet exercice) ce combat en un enjeu de liberté et même de laïcité. Autrement dit, la République ne provoque personne. Elle se défend. Elle n'entend rien imposer à qui que ce soit. Elle veut seulement partager ses traditions avec ceux qui veulent bien vivre chez elle.»
«C'est une affirmation de différence collective et d'appartenance à une communauté extérieure à la nation. Ce qui choque, irrite et déconcerte, c'est que les invités d'un Etat n'aient pas la politesse de respecter les lois de leurs hôtes et surtout leurs combats. Ce qui choque, c'est que l'on brandisse la liberté de culte pour nier l'égalité devant la loi et la fraternité des enfants».
«Scène vue au Maroc, d'où je reviens: des jeunes filles en jeans moulants attendent sur le quai le bateau revenant de France. Un peu avant le débarquement, des passagères, elles s'empressent de mettre un voile. Pourquoi? C'est la mode en France, et elles ne veulent pas que les exilées paraissent meilleures musulmanes que les émancipées restées au pays.»(4)
On apprend ainsi que le voile est une mode, que les Beurs, même s'ils sont nés en France, et de dixième génération, restent toujours des invités et qu'ils sont passibles de quitter la table.... D'autre part, l'allusion à Tariq Ramadan - celui qui a osé dénoncer les intellectuels communautaristes -, au détour d'une phrase n'est pas innocente. Jean Daniel cautionne ainsi la diabolisation de Tariq Ramadan conduite par Claude Askalovitch rédacteur en chef du Nouvel Observateur.
Jean Daniel parle des musulmans français en les traitant de communautaristes.
«...La dimension sectaire et communautariste des propos de ces meneurs islamistes a totalement compromis la cause des adolescentes les moins aliénées. Mais leur fanatisme les a détournées de la tentation d'organiser un rassemblement national et tricolore contre la loi sur le voile. Ils n'ont voulu que regrouper les musulmans de France pour les mobiliser et les radicaliser en se servant au passage d'un antisémitisme irrépressible.»(5)
La messe est dite, les musulmans de France sont antisémites. Dans un autre article, il enfonce le clou, en écrivant: «Nous savons tous que si l'antisémitisme est soupçonné d'être aussi vieux que les juifs, il y a des circonstances aggravantes et même alarmantes qui trouvent leur origine dans la tragédie du Proche-Orient. Derrière chaque acte antisémite, il n'y a évidemment pas - quelle farce! - l'Europe qui se construit, mais le communautarisme qui s'installe et l'islamisme qui s'épanouit.»(6).
Est-ce là l'humaniste blidéen épris de paix, connaissant l'âme musulmane? Pourquoi cette partialité? Nous voulons faire remarquer à l'illustre journaliste, familier de Castro et de Kennedy, qu'il oublie que le communautarisme est une création première des juifs de France.
Ce n'est pas de notre point de vue, quelque chose à blâmer. Mais il ne faut pas interdire à certains ce que l'on permet à d'autres. Ce n'est pas à vous monsieur Jean Daniel que nous allons apprendre les multiples réseaux, écoles institutions qui permettent aux élèves qui veulent suivre l'enseignement privé de le faire. Il y a 2,5 millions d'élèves dans les écoles catholiques (il y a 12.000 églises; proportionnellement, les institutions juives sont du même ordre). Est-il normal qu'il y ait un tollé quand un lycée privé musulman ouvre les portes, focalisant tous les médias qui naturellement, diabolisent cette initiative: le péril vert est en marche. On ne peut parler de laïcité qu'en mettant d'une façon transparente les trois religions sur la même ligne départ en termes de textes, de moyens et de sollicitudes
Est-il alors normal, monsieur Jean Daniel que la République qui doit être équidistante, des religions, tolère un enseignement religieux en Alsace? Ecoutons ce qu'en pense Jean Luc Mélenchon ancien ministre: «Les adversaires des foulards islamiques seraient cohérents avec eux-mêmes s'ils étaient prêts à «abolir le statut concordataire des écoles d'Alsace-Lorraine» et à «redistribuer les jours fériés dans le calendrier sans tenir compte des fêtes catholiques.»(7)
En définitive, la personnalité de Jean Daniel nous semble complexe. Il demeure à sa façon, un des témoins privilégiés d'un vingtième siècle riche en évènements. Si nous devons honnêtement saluer en Jean Daniel, une personnalité engagée durant la guerre d'Algérie, force est de constater que depuis la création de l'Etat d'Israël et la montée en puissance de son arrogance, la position de Jean Daniel devient plus nuancée. S'il dénonce toujours les gouvernements de droite en Israël, il n'en demeure pas moins que sur la question de l'Islam, du voile, des relations avec le monde arabe, Jean Daniel est en retard d'un train, sa perception reste encore empreinte d'une nostalgie paternaliste.
Pour lui, le monde arabe et, partant, musulman, est encore en devenir. La visibilité de l'Islam en France change la donne.
(1) «Juifs et Musulmans: Une histoire partagée» 13 mai 2004
(2). .Jacques Godbout. Le délire israélien
(3). Article de Jean Daniel(4). Jean Daniel: Décidément non au voile. Le Nouvel Observateur semaine du 15 au 22 mai 2003
(5). Jean Daniel. Marianne et son voile: Le Nouvel Observateur Semaine du jeudi 22 janvier 2004 - n°2046
(6). Jean Daniel: Antisémite, l'Europe? Le Nouvel Observateur Semaine du 11 décembre 2003 - n°2040-
(7). Jean-Luc Mélenchon: «Valeurs actuelles» du 6 novembre 1989.


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