La dixième édition du Festival international du film oriental de Genève a été clôturé samedi dernier en récompensant l'Algérie de deux Prix, respectivement Mention spéciale pour le long-métrage L'Oranais de Lyes Salem, aux côtés de Fièvres de Hicham Ayouch qui a raflé le Fifog d'argent et l'iranien What's the time in your world, Fifog d'or qui a bien ému le jury composé notamment du célèbre compositeur algérien Kamel Hamadi et Djura la chanteuse du groupe Djurdjura premier groupe féminin contestataire algérien. En outre, le premier long-métrage de Bahia Allouache, fille de Merzak Allouache, a remporté quant à lui le Fifog d'or dans la catégorie, «Une certaine image» portant le nom de Mohamed Bayoumi. Le jury a dans son discours de félicitations salué par ailleurs le travail de Nassima Guessoum à travers son captivant documentaire 10.949 femmes qui rend hommage à la moudjahida Nassima Ablal. Un film qui n'a reçu aucun prix mais qui a bien touché le jury, qualifiant ce film de «mine d'or malgré ses faiblesses techniques». Projeté pourtant dans l'après-midi, le film de Bahia Allouache a su attirer l'attention grâce à son scénario jugé «astucieux» et ce malgré ses quelques maladresses. Un scénario qui tend paradoxalement à se construire dans ce même film tant bien que mal. Et c'est là où réside l'originalité de ce long-métrage qui nous rappellera assurément un autre, Normal, celui de Merzak Allouache, qui a choisi d'emblée de raconter une satire sociale sur fond politique par la mise en abîme qui peut dérouter plus d'un mais ne laisse cependant nullement indifférent. L'histoire prend racine dans l'Algérie de 2013. Le président de la République est transporté d'urgence à Paris pour un AVC. Les rumeurs vont bon train en Algérie surtout que c'est la première fois qu'il passe autant de temps dans un hôpital en France. Djamel, jeune cinéaste indépendant, comme Bahia Allouache, décide de réaliser un film inspiré de cette actualité. Il propose à Yasmine, son ex-femme d'imaginer un scénario mêlant fiction et réalité. Mais celle-ci commence à écrire une histoire farfelue réglant intrinsèquement ses comptes avec lui. C'est cette histoire décousue que le spectateur est invité à regarder non sans humour, bien décalé et réquisitoire contre le système et ses agents secrets qui tenteront d'empêcher à mener à bien le tournage de ce film, allant jusqu'à proposer au réalisateur une somme d'argent faramineuse pour laisser ce scénario et le remplacer par un autre portant sur la guerre d'Algérie et un certain grand révolutionnaire au nom de Beggar. Bahia Allouache met le doigt là où ça fait mal, son film évoque la folie d'un rouage détraqué quant au désir de faire du cinéma en Algérie et toutes les difficultés bureaucratiques et autres auxquelles un réalisateur sera en butte pour mener à bien son projet, s'il arrive justement à le finir. L'idée est bien originale et confronte aussi le regard du spectateur face à ses propres interprétations lors d'une scène bien cocasse et des plus hilarantes. Car si on rit beaucoup dans ce film, on ne peut occulter l'intelligence du propos qui finit par un très beau fantasme résumé en dix commandements attribué virtuellement au président lors de son retour supposé de France. Le film est drôle certes, mais acerbe lorsqu'il dénonce l'attitude de certains journalistes affiliés au pouvoir et que la réalisatrice prend un malin plaisir à tourner en dérision, si ce n'est à ridiculiser par le truchement d'une caricature approximative qui est loin d'être naïve. Le film qui a le mérite d'exister est au fond et en dépit de tout ça une très belle plaidoirie pour l'amour du cinéma en Algérie, son soutien et sa promotion, ainsi que la liberté d'expression, celle de raconter et de dire aussi par l'image. Il est aussi un hommage au cinéma du père par un clin d'oeil au film Omar Gatlato dont on entend un extrait en hors champ. Une chose à retenir en effet, ça tourne en Algérie certes, mais en rond et presque, mais pas de la meilleure façon. Donc, madame la nouvelle ministre de la Culture faites quelque chose...