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L'Algérie coloniale ou la civilisation conquérante
«VICTOR HUGO FACE À LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE» PAR FRANCK LAURENT
Publié dans L'Expression le 27 - 05 - 2015

Tandis que je déplaçais quelques ouvrages anciens, le hasard me remit en main un ouvrage bref mais dont le pouvoir est long et qui m'avait, il y a quelques années, intrigué. Il porte ce titre fort accrocheur, s'il en est, mais justifié: Victor Hugo face à la conquête de l'Algérie (*) de Franck Laurent. Celui-ci, alors maître de conférences en littérature à l'université du Mans (France) observe: «Hugo, pair de France de 1845 à 1848, représentant du peuple de 1848 à 1851, opposant actif, tenace et prestigieux à l'Empire de Louis Bonaparte, député en 1871, sénateur de 1876 à sa mort en 1885, Hugo auteur de plus d'un millier de pages d'interventions politiques, n'a pas consacré un seul de ses discours ou de ses articles à la question algérienne.»
En somme, Hugo croyait sincèrement à la «colonisation-civilisation», c'est, du moins, ce que l'on relève dans ses rares discours officiels et dans l'ensemble de ses écrits, tout aussi rares, publiés au sujet de l'Algérie. Qu'en est-il exactement de son attitude au moment où, en France et partout dans le monde, on célébrait le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo (né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris)?
De la barbarie de la conquête...
De même, Franck Laurent relève «qu'il [Victor Hugo] y exalte sans détour ni bémol la colonisation par les puissances européennes». Tout l'ouvrage de Franck Laurent (ouvrage inclus dans la collection Victor Hugo et l'Orient, publiée sous sa direction) constitue une analyse sereine de «l'intérêt qu'il (Victor Hugo) portait à l'expansion de la France en «´´Afrique´´, et la connaissance qu'il en avait.» Une note bien venue précise que «C'est souvent par ce mot, à la fois synecdoque et latinisme (l'Ifriqiya romaine), que Hugo et ses contemporains désignent l'Algérie.»
Toutefois, notre analyste, se référant à la part de l'oeuvre inédite de Victor Hugo, ne doute pas de l'intérêt pour l'Algérie - c'est nous qui soulignons - «du grand poète, du grand romancier, du grand témoin, du grand acteur de son siècle». Franck Laurent précise: «D'ailleurs, l'un de ses livres, non des moindres, sans s'y consacrer, accorde à l'Algérie française une place importante, obsédante même, où elle prend des allures de litanie douloureuse, de mythe noir et éclatant.» Plus loin, il ajoute: «Ce livre, c'est Châtiments, et cette Algérie, c'est celle de Lambessa [latin: Lambaesis, cité militaire romaine, anc. Lambèse, auj. Tazoult, en Algérie], des bagnes et des camps où furent déportés les républicains et les républicaines qui s'étaient levés contre le coup d'Etat de Louis Bonaparte [...] Dans l'oeuvre de Hugo, L'Algérie française se présente surtout comme le lieu du martyre de la République.»
Bien plus, Franck Laurent essaie, avec finesse et en toute objectivité, de faire le bilan de ses longues et méticuleuses recherches sur la question dont on comprend la complexité et spécialement l'exaltation des sensibilités qu'elle réveille de part et d'autre de la Méditerranée. Et, nul doute que ce travail de patience et de mise en ordre des faits n'instruira le lecteur motivé; a fortiori, il ne laissera pas indifférent le lecteur algérien qui en fera plusieurs lectures utiles.
Cependant, pour être clair, risquons un très court rappel de l'événement historique et une réflexion. Lorsque le corps expéditionnaire français, parti de Toulon le 25 mai 1830, débarque à Sidi Fredj le 14 juin et prend Alger par la terreur et l'usage intensif de tout le volume de son arsenal de guerre le 5 juillet, Victor Hugo est âgé de 28 ans.
«Il a pu suivre, écrit Franck Laurent, tous les épisodes et avatars, depuis la rupture des relations diplomatiques avec le dey d'Alger en 1827, jusqu'à la mise en place, dans les débuts de la IIIe République, sur un territoire désormais pacifié'' après quarante ans de guerre endémique, des principaux cadres, politiques et économiques, sociaux et culturels, de l'Algérie coloniale tels qu'ils demeureront à peu près inchangés jusqu'à l'indépendance.»
Hugo est alors un homme sûr de son évolution politique, discutant de «civilisation» et de «barbarie», déjà poète talentueux avec ses Odes (1822) et reconnu chef incontesté du mouvement romantique par la Préface de Cromwell (1827). C'est aussi un rêveur, constructeur du monde, avec ses étincelantes Orientales (1829) et ses Feuilles d'automne (1831) qui annoncent son goût pour une poésie satirique portée par une idée républicaine et démocratique, assez tardive en 1850. Or, cette «évolution politique» de Hugo n'apportera aucun éclairage nouveau pour convaincre de son courage et de sa détermination à combattre au grand jour l'idée globale, mais pratique, de «la barbarie de la colonisation», de «la civilisation conquérante», celle d'une France qui, par exemple, «apporte en Alger, écrit Franck Laurent, en guise de civilisation, ses propres restes de barbarie (la guillotine)», de «l'Algérie-bagne», ou de «l'armée faite féroce par l'Algérie». Cette attitude permet néanmoins à Hugo, dès cette date, par le roman, le théâtre et toujours par la poésie, d'exercer un verbe bien calculé, bien affiné et bien en bouche, sur lequel son inspiration lyrique développe un art de la vision grandiose et de la satire d'une fulgurante efficacité.
... à la barbarie de la civilisation coloniale
Il est alors pendant plus de trente ans la voix du peuple. Et ce n'est qu'un quart de siècle plus tard, qu'il donne l'impression de s'intéresser à l'Algérie. Il y vient obligeamment. Sa conscience peut-être le lui reproche-t-elle dans le trop grand silence de l'exil et le secoue-t-elle de toute l'énergie que pouvait encore lui procurer sa force de haine et de mépris pour l'Empire qui l'a jeté hors de France. Il continue ainsi d'animer en lui une rage infinie qui lui fournissait toutes les raisons de forger de feu et de flammes les cent poésies des Châtiments (1853), une oeuvre d'un lyrisme total sans cesse soutenant ses arguments polémiques dirigés contre Napoléon III, l'auteur du coup d'Etat du 2-Décembre. D'où les attaques forcenées lancées contre le prince-président et, par ricochet (antithèses fantastiques et hallucinations poétiques sur fond d'épopée - noblesse oblige! - contre Abdelkader, chef et héros de la résistance algérienne. D'où aussi l'aveugle comparaison des deux esprits contraires de sens, d'équilibre et d'idéal humain. L'un est «l'homme louche de l'Elysée»; l'autre, «l'émir pensif, féroce et doux»; «Napoléon III, «c'est César bandit» et «le sanglant gredin», Abdelkader, «qui donnait à boire aux épées», est «le tigre aux narines froncées».
En somme, pour flétrir «l'homme du 2-Décembre», Victor Hugo, le grand poète démocrate se donne, dans ce poème sibyllin des Châtiments, le droit absolu de dresser systématiquement les deux parties face à face, sans reconnaître au combattant algérien la légitime résistance à la barbarie de la colonisation. Bien sûr, le poème en question est splendide au plan de l'esthétique, mais la splendeur ici est une tromperie et reste comme telle ad vitam aeternam, et si séduisante et précautionneuse que soit l'allusion faite à ma voisine comme on dit chez nous! «El-hadhra alay wa l-mana alâ djârtî!»
Quoi qu'il en soit, Franck Laurent ouvre une voie prometteuse de partage de vérité, sa «perspective d'un détour instructif».
Son excellent «travail de mémoire» sur Victor Hugo face à la conquête de l'Algérie, incite à remettre à l'endroit l'histoire de la conquête et accorder à Victor Hugo le droit de n'avoir pas tout «pensé»... ou d'avoir voulu «tout penser».
D'autre part, il faut raison garder et reconnaître, avec tous les critiques consciencieux de France et de Navarre, et d'ailleurs, c'est-à-dire, avec ceux qui l'encensent ou ceux qui le vitupèrent, ceux qui le disent, le proclament, l'écrivent, et jamais dans l'indifférence, que Hugo est «le poète de son temps», «l'écho sonore», «le rêveur ardent et militant d'une société sans misère, sans deuil, sans cruauté, sans injustice et sans sottises». Hugo reste, avant tout, un homme - malgré lui - «immensément vaniteux, note Gustave Lanson dans son Histoire de la littérature française, libr. Hachette, Paris, 1945, p. 1051, toujours quêtant l'admiration du monde, toujours occupé de l'effet, et capable de toutes les politesses pour se grandir. Le mot est toujours calculé et ordonné, il est l'état d'âme du poète.»
Ne disait-il pas: «Mon oeuvre est de l'histoire écoutée aux portes de la légende.»?
Victor Hugo face à la conquête de l'Algérie par Franck Laurent est un ouvrage éclairant.
(*) Victor Hugo face à la conquête de l'Algérie par Franck Laurent. Editions Maisonneuve et Larose, Paris, 2001, 150 pages.


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