Forum africain de l'énergie : Yassaa présente l'expérience de l'Algérie en matière d'énergie durable    Chlef: plus de 300 projets enregistrés au guichet unique    « Abdelmadjid Tebboune n'a pas accordé d'entretien à des journaux français »    Déjouer toutes les machinations et conspirations contre l'Algérie    Campagne de sensibilisation autour des menaces sur les récoltes de la tomate industrielle    Un nouvel élan aux efforts de développement équitable et intégré    Les MAE de plusieurs pays arabes et musulmans condamnent    Ambiance maussade en Israël où la guerre des ombres devient l'apocalypse publique    Les dernières sueurs de la saison    La finale WAT – MCA décalée à mercredi    Ligue 1 Mobilis: le leader tient bon à Chlef, CRB nouveau dauphin    Au cœur des Hauts Plateaux de l'Atlas saharien, Aflou offre bien plus qu'un paysage rude et majestueux    Formation professionnelle: vers l'intégration de 40 nouvelles spécialités dans le domaine numérique dès la rentrée prochaine    Conseil de sécurité: une paix durable en Syrie passe par un processus politique sincère et inclusif mené par les Syriens    Chaib reçoit le SG du Haut-commissariat à l'amazighité    Les amendements contenus dans le projet de loi de l'exploitation des plages visent à améliorer la qualité des services    La présidente de l'ONSC reçoit la Secrétaire générale de l'Union nationale des femmes sahraouies    Para-athlétisme/GP de Tunis: 11 médailles pour l'Algérie, dont 4 en or et un record mondial signé Berrahal    Hydrocarbures: annonce des résultats préliminaires de l'appel à concurrence Algeria Bid Round 2024    Le président de la République reçoit l'ambassadeur du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord auprès de l'Algérie    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie au Koweït    Accidents de la route : 50 morts et 1836 blessés en une semaine    Ouverture à Alger de l'exposition collective "Héritiers de la lumière"    Relizane : le Moudjahid Abed Salmi inhumé à Mazouna    Palestine occupée : plus de 16000 étudiants tombés en martyrs depuis le 7 octobre 2023    Ghaza: l'UNRWA met en garde contre l'arrêt complet des opérations humanitaires    L'USMA stoppe l'hémorragie, l'USMK enchaîne    La télévision d'Etat annonce une nouvelle salve de missiles contre l'entité sioniste    Quels impacts le classement du GAFI (Groupe d'action financière) sur la liste grise et noire dans la lutte contre la corruption ?    La première journée des épreuves marquée par une bonne organisation dans les wilayas de l'Est du pays    Une date célébrée à travers plusieurs wilayas de l'est du pays    Foot/CAN féminine 2024 (décalée à 2025) : début du stage des Algériennes à Oran    Ghaghaa, la fontaine oubliée... ou l'art d'assoiffer la mémoire    C'est parti !    Les lauréats de l'édition 2025 couronnés    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le géant malgré lui
HOMMAGE
Publié dans L'Expression le 13 - 12 - 2004

En Muhend U Yehya, la culture algérienne d'expression berbère perd non seulement l'un des hommes qui a le plus contribué à son développement mais aussi un auteur de génie, un artiste hors-pair.
Muhend U Yehya, de son vrai nom Mohya Abdellah, mathématicien de formation, a consacré sa vie au service de l'art et de la culture. Quoique loin de son pays, il a gardé des liens étroits avec la mère-patrie pareils au cordon ombilical. Sa parfaite maîtrise de la langue et sa culture universelle lui ont permis de décrire avec pathétisme la douleur de l'exil et, avec douceur, les scènes pittoresques de la vie kabyle.
Mohya était (sommes-nous toujours condamnés a parler de nos hommes les plus valeureux à l'imparfait?) un révolté contre l'ordre établi, contre l'injustice des êtres et des choses. Tel un Kateb Yacine qui écrirait en kabyle, sa verve poétique lui fera composer des vers où il tourne en ridicule les intégrismes, l'ineptie et l'arbitraire. En satires ou en pamphlets, il se moque du sérieux des bien-pensants, de la richesse mal acquise et du pouvoir assis sur la force. Ses sources littéraires montrent bien de quel bois il se chauffe.
Car, et c'est là l'un de ses mérites, Mohya n'hésite pas à s'abreuver dans la culture des autres peuples pour la rendre accessible à ses concitoyens. Boris Vian, Jacques Prévert, sont parmi ses poètes favoris. Mais ces emprunts ne ternissent nullement l'éclat de son génie propre. On ne peut que s'émerveiller en écoutant ses textes chantés par nos plus grands chanteurs : Ferhat, ldir. Ali Idefl.awen, Slimane Chabi, Takfarinas, Malika Doumrane... D'Amzirti à Berrouaghia, ils rallument la fibre militante, ces chants de révolte d'un peuple qui refuse de se soumettre, d'une identité qui refuse de s'aliéner, d'une langue qui refuse de mourir.
Et si Muhend U Yehya nous a fait frissonner par ses textes poétiques, il nous a fait mourir de rire par ses pièces théâtrales. Inspirées du terroir, adaptées d'ailleurs ou imaginées par lui, ses oeuvres bouillonnantes de vie et d'énergie sont le miroir fascinant où nous sommes forcés de regarder pour voir nos vices et nos faiblesses. De même que ses poésies ont bercé notre jeunesse pleine d'espérance, ses personnages continueront à nous enchanter longtemps encore malgré l'amertume et la désillusion. Saïd Bu Tlufa et les lutins de Yakourène. Mohand U Chabane et son ressuscité, Djeddi Yebrahim ou encore Sinistri, désormais orphelins, continueront à vivre de la vie magique de l'art immortel.
Autant Mohya emploie sa poésie à dénoncer l'arbitraire des gouvernants, autant il emploie son théâtre pour décrier les défauts des gouvernés. Mais au-delà de la société kabyle qu'il décrit, il nous fait découvrir d'autres cultures, parfois très éloignées de nous dans l'espace et dans le temps. Si La Jarre ou Le Médecin malgré lui peuvent facilement s'adapter chez nous à cause de la proximité géographique et du fonds méditerranéen commun, qui croirait que derrière Mohand U Chabane se cache un drame chinois? Et le mérite du poète est non seulement d'avoir adapté le drame en kabyle mais de le faire sentir en kabyle. Lu Xun narrait une histoire de la Chine médiévale, Mohya la transpose dans l'Algérie indépendante. Peut-on encore soupçonner sous la peau du même Mohand U Chabane un personnage voltairien, Memnon? On brûle d'enthousiasme en écoutant les textes de Muhend U Yehya ou en voyant ses pièces mais il faudrait avoir lu les oeuvres qui les ont inspirés pour pouvoir apprécier le degré de son génie et l'importance de son effort, car le génie sans effort est un feu de paille. Avec lui, Prévert ou Beckett ne parlent pas seulement berbère, mais ils parlent en Berbères. Créer En attendant Godot en kabyle!
Y a-t-il un secret derrière une telle prouesse? Oui, certainement, Car en plus de son talent, Mohya aimait son travail et s'y donnait à fond. Derrière son travail, il ne cherchait ni gloire ni fortune. Lui qui maudissait quiconque commercialiserait ses cassettes et qui travaillait loin des feux de la rampe, avait été d'un apport incommensurable à notre culture et à notre langue. Car une langue a autant besoin de défenseurs que de producteurs, et si les premiers sont légion, les seconds sont rares.
Le hasard (ou plutôt les vicissitudes d'une amère destinée collective) a voulu qu'il vive et qu'il meurt, comme beaucoup de nos grands hommes, loin des siens et de la terre qui l'a vu naître. Nous laissant plus orphelins encore, il s'en va rejoindre les Azem et les Matoub, les Mammeri et les Haroun, et tant d'autres. et je rougis déjà de la réponse qu'il leur donnera quand ils voudront savoir si le flambeau est toujours allumé. Cependant, avec son humour mordant, il ne pourra s'empêcher de leur lancer: Mazal l'xir ar zdat!


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.