La nationalité d'adoption, faut-il le noter, confère des droits, mais également beaucoup de devoirs envers le pays qui l'accorde. L'Assemblée populaire nationale a adopté, hier, le projet de loi excluant les binationaux de certaines fonctions de la haute administration du pays. Les deux formations politiques, le RND et le PT, ont plaidé pour l'élargissement de la liste à d'autres postes qualifiés de sensibles et donc susceptibles de créer un «conflit d'intérêt» entre deux nationalités ou plus que porterait un ambassadeur ou un wali pour l'Etat qu'il est censé servir, l'Algérie, dans ce cas de figure. Quelles que soient les explications de la commission de l'APN pour rejeter les amendements des députés ils ne sauraient être convaincants, sachant que l'intérêt supérieur d'une nation doit être au-dessus de toutes considérations. D'autant que les arguments des élus tiennent la route au sens où certaines fonctions citées par les représentants du peuple, sont effectivement d'une importance centrale et requièrent une nationalité exclusive. Un ambassadeur est détenteur d'une partie des secrets du pays qu'il représente à l'étranger. On voit, en effet, mal dans ce cas, un binational refuser l'aide «patriotique» d'une puissance étrangère dont il porte la nationalité et donc redevable envers elle. La nationalité d'adoption, faut-il le noter, confère des droits, mais également beaucoup de devoirs. Son détenteur ne pourrait se soustraire à une mission, au risque de se voir déchoir de son appartenance à une nation qui l'a accueilli et qui n'a pas été remerciée en retour. Pareil cas de figure n'est certainement pas rarissime et même assez répandu de par le monde. On ne parle pas là d'espionnage. Des services secrets de tous les pays du monde opèrent de la sorte. C'est une tactique vieille comme la «double nationalité», pratiquée par «la mère patrie» ou le «pays de rechange». Lorsqu'on ajoute à sa nationalité d'origine, une autre, d'adoption, pour des raisons pratiques d'accès à des aides sociales ou tout simplement pour se faciliter la vie, est une chose, mais lorsqu'on la met dans sa «poche intérieure», lorsqu'on est appelé à exercer des fonctions sensibles dans la pyramide de l'Etat c'est une tout autre chose. Il n'existe pas un Etat sur la planète qui accepterait de prendre le risque de laisser une brèche par où un pays étranger pourrait s'engouffrer. Même si au départ l'intention du haut responsable binational est honnête, il n'est pas à l'abri d'une manoeuvre insidieuse l'obligeant à faire un choix entre sa nationalité d'origine et celle d'adoption à un moment ou un autre de sa carrière. Il existe certainement des personnalités qui n'ont pas eu à faire ce choix, mais la raison d'Etat veut qu'il faille éliminer tous les risques potentiels. Aussi, l'explication de la commission, arguant que certains amendements contredisent les conventions signées par l'Algérie, a de quoi étonner, lorsqu'on sait que beaucoup d'autres fonctions n'ont même pas été citées par le texte et les amendements alors que sous d'autres cieux il est exigé la nationalité d'origine exclusive pour les exercer. En effet, pour assurer une sécurité optimale d'un Etat, il faut s'assurer de la nationalité des hommes qui le servent, mais également de nombreuses autres professions qui ont un lien direct avec le pouvoir. Les présidents de partis politiques et les directeurs de journaux sont, à ce propos, des personnalités très proches du pouvoir exécutif et à ce titre peuvent être détenteurs d'une manière ou d'une autre d'importants secrets, susceptibles de constituer une «aubaine» pour des Etats étrangers, qui useraient bien entendu du «chantage à la nationalité» envers ces responsables qui agissent dans le privé, mais dont les activités les mettent en contact quasi permanent avec les sphères du pouvoir. Cela pour illustrer les failles d'une loi qui, faut-il le relever, laisse des espaces susceptibles d'être utilisés par des puissances étrangères au détriment de l'intérêt supérieur de la nation. Le propos n'est pas de jeter la pierre aux binationaux, mais de souligner la nécessité de «bétonner» l'Etat algérien et empêcher des infiltrations conscientes ou inconscientes d'informations sensibles.