Plus d'une centaine d'arrestations, un peu plus de blessés et des milliards de dinars de dégâts et presque autant de manque à gagner. Ces chiffres sont encore provisoires. Les calculs ne sont pas totalement achevés devant l'ampleur de la situation. Béjaïa s'est fait certes, piéger, mais elle s'est sortie d'un complot qui aurait pu être plus conséquent n'eut été la vigilance des citoyens, quelque peu tardive, mais qui s'est avérée efficace. Trois jours durant, la ville de Béjaïa et les quatre coins de la wilaya ont vécu sous tension. Sur fond d'un appel anonyme à une grève de cinq jours adressé aux commerçants, des affrontements ont éclaté entre jeunes et policiers. Bien qu'adressé à toutes les wilayas, le mot d'ordre de grève n'a fait mouche qu'à Béjaïa, d'abord partiellement puis totalement devant la tournure prise par les événements. L'absence de revendications et d'organisateurs identifiés a laissé place à la suspicion, qui n'aura pas trop duré pour céder la place aux appels au calme, mais aussi aux interventions sur le terrain, oeuvre de la société civile qui a repris ses droits à l'occasion. Jusqu'à hier, rien n'a filtré officiellement sur le bilan. Outre les routes bloquées et des dégâts au niveau de plusieurs édifices publics à travers la wilaya, dont notamment le siège de la direction de l'éducation au chef-lieu de la wilaya, un collège d'enseignement moyen et le commissariat de Sidi Aïch, ainsi que la pompe à essence, l'agence de la SDE et la Cnas d'Akbou, les commissariats de Tichy et Seddouk, un bus de l'entreprise de transport public de voyageurs de la ville de Béjaïa, un fourgon cellulaire de la police, les abribus vandalisés, le showroom de Condor, la banque BNP Paribas, la liste des dégâts est longue pour seulement trois jours d'échanges. Les enquêtes policières, nécessaires en pareille circonstance, se poursuivent tant pour identifier les pilleurs et les casseurs que pour situer les responsabilités, car derrière tout le charivari qui a failli provoquer le pire, il y a certainement des commanditaires. La conviction existe aussi bien chez le citoyen que les services de sécurité. Ces derniers s'attellent à exploiter toutes les pistes possibles. On croit savoir qu'une enquête minutieuse est menée sur les réseaux sociaux. La police exploiterait toutes les adresses IP des personnes ayant eu à s'exprimer sur le mot d'ordre de grève et les encouragements des manifestants dans leur oeuvre destructrice. Parallèlement, les vidéos et les images partagées sur les comptes Facebook ainsi que les vidéos enregistrées par la BNA lors de l'incendie du bus de l'Etub, celles du pillage du showroom de Condor, l'attaque de la banque BNP Paribas, du siège de la direction de l'éducation sont minutieusement exploitées. Les images qui renseigneront sur les instigateurs de la marche spontanée, seront celles récupérées au niveau des feux tricolores du carrefour du quartier des 1000 Logements, là où les manifestants ont mis le feu au premier pneu dans la matinée de dimanche. Les témoignages des commerçants, à qui l'ordre de fermeture a été donné par des individus inconnus, seront également d'une utilité importante pour mener à bien cette enquête qui sera conclue par des procès en règle contre toutes ces personnes ayant pris part aux troubles de près ou de loin.