Le président Michel Aoun entouré de Saad Hariri et Nabih Berri C'est le visage encore marqué par les péripéties du séjour saoudien qu'il est apparu, hier matin, aux côtés du président Michel Aoun et du chef du Parlement Nabih Berri, sur une tribune au coeur de la capitale libanaise pour assister à la parade militaire de la fête de l'Indépendance. Il aura fallu trois semaines de tensions et de tractations, notamment entre Paris et Riyadh, pour que le Premier ministre libanais Saad Hariri puisse revenir à Beyrouth où il se trouvait hier pour la fête de l'Indépendance, après une escale au Caire au cours de laquelle il a été reçu par le maréchal Al Sissi. Rien n'a encore filtré sur les entretiens qu'il a eus avec le président Michel Aoun et le président du Parlement, Nabih Berri qui ont sans doute cherché à démêler l'écheveau de la démission brutale annoncée en Arabie saoudite où il avait été convoqué, tambour battant, le 3 novembre dernier. Toutes les parties libanaises veulent en effet connaître les véritables méandres d'un séjour énigmatique qui a vu Riyadh affirmer que M.Hariri était libre de ses mouvements tandis que M.Aoun excédé finissait par dénoncer une «prise d'otage» pure et simple, d'ailleurs démentie par l'intéressé exergue. C'est le visage encore marqué par les péripéties du séjour saoudien qu'il est apparu, hier matin, aux côtés du président Michel Aoun et du chef du Parlement, Nabih Berri, sur une tribune au coeur de la capitale libanaise pour assister à la parade militaire de la fête de l'Indépendance exergue, 74 ans après la fin du mandat français. En fin de matinée, il n'était plus question de la démission, «suspendue» selon la Présidence libanaise qui n'a pas évoqué des consultations autour des sujets qui fâchent, notamment l'intervention du Hezbollah pro-iranien dans les conflits régionaux que M.Hariri avait jugées nécessaires depuis Riyadh. Toujours est-il que cette suspension va sans doute contribuer à dégeler l'atmosphère dans un pays qui a été fortement secoué par ces évènements au point de craindre une remise en cause brutale de ses fragiles équilibres tant confessionnels que constitutionnels. L'air grave bien plus que solennel, il a plaidé, dans une courte allocution qui a suivi l'entretien avec MM Aoun et Berri, pour un dialogue entre les forces politiques du pays: «J'ai discuté de ma démission avec le président de la République qui m'a enjoint d'attendre avant de la présenter (...) pour permettre davantage de consultations (...) et j'ai accepté cette requête ́ ́, a indiqué M. Hariri. Exit donc pour un temps incertain la démission annoncée à Riyadh et on peut supposer que ce rebondissement n'est pas pour plaire à l'Arabie saoudite qui vient tout juste de faire le procès du Hezbollah et de l'Iran lors de la réunion extraordinaire de la Ligue arabe, lundi dernier. Mais il n'a pas, non plus, dérogé à la mission assignée par les parrains saoudiens quand il a demandé de tenir le Liban loin des conflits qui déchirent le Moyen-Orient, par le biais d'une «politique de distanciation» visant le Hezbollah au premier chef, compte tenu de ses engagements militaires en Syrie, notamment. «J'aspire aujourd'hui à un véritable partenariat avec toutes les forces politiques en vue de mettre les intérêts du Liban au-dessus de tout autre considération», a encore argumenté le Premier ministre. Or, le Hezbollah a multiplié depuis plusieurs jours les signes de bonne volonté et son chef, Hassan Nasrallah, a même affirmé lundi soir, en réponse à une déclaration très agressive de la Ligue arabe, qu'il reste «ouvert au dialogue». Nombre d'observateurs sont convaincus que n'eut été l'intervention marquée et remarquée de la France, à travers le Quai d'Orsay puis l'Elysée, M.Hariri n'aurait sans doute pas pu retrouver le chemin de Beyrouth. C'est bien l'escale parisienne où il a été accueilli chaleureusement par le président Macron qui a ouvert la voie à son retour indispensable pour une décrispation de la situation au Liban. L'audience que lui a accordée le président égyptien visait quant à elle à tempérer les accents incendiaires de la Ligue arabe conduite au pas de charge par le prince héritier Mohamed ben Salmane, apparemment pressé d'en découdre avec l'Iran à condition que soit mobilisée autour de lui une coalition la plus large possible. Il faudra attendre encore quelques jours avant que la situation politique libanaise, en pleine décantation, ne soit perceptible à l'heure d'un bras de fer entre l'Arabie saoudite et ses alliés et l'Iran qui soutient le Hezbollah, seul mouvement politique du pays à ne pas avoir déposé les armes au lendemain de la guerre civile (1975-1990). Une chose semble d'ores et déjà acquise, tous les Libanais semblent disposés à serrer les coudes afin de ne pas retomber dans les errements du passé et cela constitue une réponse inattendue à l'ultimatum saoudien.