La maison natale du signataire des accords d'Evian Belkacem Lhadj Lhocine est le nom par lequel les villageois d'Allallen appellent le signataire des accords d'Evian, Krim Belkacem. Le personnage est mythique au vu de son statut de signataire de l'acte de naissance de l'Etat algérien, mais dans son village, les gens parlent d'un homme très simple et surtout très instruit. Deux qualités fortement appréciées en Kabylie. L'homme est originellement lié à son patelin, mais son combat a fait que Krim est également intimement lié à un autre village situé dans le versant maritime, Makouda. A l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la signature des accords d'Evian le 18 mars 1962, nous nous sommes rendus dans ce patelin perché sur les hauteurs des montagnes. Plus d'un demi-siècle après l'Indépendance et 49 ans après son assassinat à Francfort en Allemagne, les villageois se souviennent de lui. Les vieux, ses contemporains, presque tous décédés, se souviennent de Belkacem le Rebelle encore jeune, et les jeunes sont fiers de son combat. Après un chemin sinueux qui monte dès la sortie de la ville de Draâ Ben Khedda, nous parvenons à l'entrée du village après une heure de route. Les gens, très accueillants, nous indiquent courtoisement les maisons anciennes et nouvelles de la famille Krim. «Oui, nous sommes fiers et nous essayons de vivre selon ses principes d'amour total pour l'Algérie», affirme une demoiselle accompagnée de sa mère. Sur le chemin menant à sa maison parentale, érigée aujourd'hui en musée, nous avons rencontré, Aâmi Ahmed, un vieux qui se souvient de Belkacem Lhadj Lhocine. «Oui, j'ai encore de lui, des souvenirs d'enfant. Je me rappelle, un jour alors qu'il était chez nous avec mon père et mon oncle paternel, je jouais avec sa mitraillette. Mon père me tapait sur la main pour m'interdire de la toucher, alors lui, a rétorqué en disant que cet enfant sera l'homme de l'avenir», raconte-t-il. Pour notre interlocuteur, la guerre contre la France coloniale a commencé à Allallen et s'est terminée à Allallen. «Ici toutes les familles ont des membres morts en martyrs pour l'Indépendance. En 1945, Allallen était déjà en guerre. En 1959, le 6 janvier, plus de 200 hommes sont tombés au champ d'honneur à Vouguerfan, un village situé sur la crête en face», raconte-t-il. Dans ce mythique village, les jeunes sont rares durant la journée. Ils préfèrent descendre dans les villes limitrophes comme Tizi Ouzou ou Draâ Ben Khedda pour travailler. Unanimement, ils affirment leur fierté d'appartenir au village de Krim Belkacem, mais unanimement aussi ils dénoncent le sous-développement et l'enclavement dont souffre leur village. «Allallen est le village le plus pauvre d'Algérie» affirme, un neveu de Belkacem Lhadj Lhocine. Pour les jeunes de ce village, il n'est pas normal que le patelin d'un homme historique reste morne dans un moment d'hommage pareil. Un anniversaire de la signature des accords qui ont vu naître l'Etat algérien sans qu'un responsable ne fasse au moins une apparition dans le musée. Au niveau de l'ancienne maison familiale qui a vu la naissance du révolutionnaire, un autre jeune dénonce le sort réservé au village de Krim. «Allez voir dans les autres villages qui nous entourent, ils ont tous de l'eau au robinet. A Allallen, comme par hasard, il n'y en a pas du tout. Nous sommes un village abandonné. Les jeunes n'ont pas d'infrastructures de loisir. C'est grave ce qui nous arrive alors que toutes les familles ont sacrifié, au moins un fils, pour que vivent les Algériens libres», ajoute un autre jeune. En 1947, Krim Belkacem savait qu'il y avait des maquisards à Makouda depuis 1945. Il connaît bien Ali Rabia qui était élève au lycée de Dellys, parti au maquis avec Akli Babou, Hand Ousmail et Amar Oulbachir. Il les a rejoints juste après son attentat. Quelque temps plus tard, Oumarane les a rejoints pour former en tout un groupe de six. Pour passer aux actions, ils ont acheté des armes avec leurs propres moyens. Krim Belkacem et ses compagnons de la région de Makouda entamèrent d'abord les campanes de sensibilisation des populations pour les convaincre de la nécessité de l'action armée afin d'arracher une indépendance qui ne sera jamais donnée. Selon beaucoup de témoignages recueillis par Youcef Limani, réalisateur d'un documentaire historique sur la période, le groupe a tenu une réunion à Tifilkouth dans la région appelée La Crête sur les hauteurs de Makouda, le mois d'août 1954. Ce jour-là, il y avait déjà plus de 800 militants tous prêts à prendre les armes. Krim a désigné alors, 11 personnes de Makouda et 11 autres de Draâ El Mizan, pour prendre part à une réunion à Bruxelles afin de décider du lancement de la guerre de Libération nationale. Lors de ce conclave dans un café tenu par Mohamed Khider, la majorité a voté pour le déclenchement. «Nous avons gagné le vote contre les messalistes, mais l'argent qu'on a recueilli et les armes que nous avons achetées sont chez eux et ils refusent de nous les donner, comment va-t-on faire?» C'est ce que Krim a dit, selon le moudjahid Amar Lounis présent à la réunion. La question de Krim a été vite dissipée par les maquisards de Makouda. Il y avait heureusement des armes à Makouda. Selon des témoignages de maquisards, les militants de la région ont commencé à acheter des armes depuis 1945. Il y avait des armes pour alimenter les maquis et aussi des hommes pour le renfort des autres régions. En effet, selon une demande de Rabah Bitat, alors chef de l'Algérois, Ouamrane a désigné Moh Saïd Kasmi pour lui préparer un groupe de 21 soldats armés de pistolets pour exécuter les actions armées de la nuit du 1er Novembre dans la région de Blida, El Affroun et Boufarik. Selon la stratégie de Krim Belkacem, deux autres groupes ont été désignés pour aller à Tigzirt, un groupe de Sidi Naâmane et Attouche dirigé par Akli Babou et un deuxième groupe de Tala Bouzrou et Tarihant dirigé par Saïd Bessalah, dit Saïd El Bass vont alors effectuer des actions dans la nuit du 1er Novembre 1954 sur le littoral. La réunion s'était tenue trois jours avant le 1er Novembre dans la maison de Moh Saïd Kasmi du village Agouni Hammiche de Tala Bouzrou sous la direction du colonel Ali Mellah qui a distribué des cartouches et donné des instructions aux chefs et le mot de passe. A l'occasion de la célébration de cette date clé dans l'histoire de l'Algérie, les autorités de la wilaya de Tizi Ouzou ont préparé un programme riche qui se déclinera sur plusieurs activités tout le long de la journée de Mardi. La wilaya a pour sa part mis au point un programme qui sera entamé dès les premières heures de la matinée avec une cérémonie de recueillement au niveau du cimetière des martyrs de M'douha. Après la levée du drapeau, la lecture de la Fatiha et le dépôt de la gerbe de fleurs, la délégation conduite par le wali se rendra dans la demeure de la veuve du chahid Mazira Mohamed Arezki née Kheroub Zahra. Un hommage lui sera rendu en présence des membres de la famille révolutionnaire et du premier responsable de la wilaya. De son côté, la direction de la culture a concocté un riche programme pour la circonstance. La manifestation se déclinera sur deux journées riches et variées. Au premier jour, une visite pédagogique sera organisée au niveau du musée Krim Belkacem à Allallen dans son village natal. Parallèlement, une exposition géante se tiendra au niveau du hall de la Maison de la culture Mouloud Mammeri. Des documents historiques précieux seront mis à la disposition des visiteurs qui auront toute la latitude pour découvrir l'homme qui a paraphé les accords d'Evian qui ont marqué le cessez-le-feu et la fin d'une longue et douloureuse guerre de libération à l'impact mondial. Pour la circonstance, le théâtre et le cinéma seront privilégiés avec la projection du film réalisé par Mohamed Lakhdar Hamina, Chronique des années de braise. La célébration de cette journée mémorable, pour rappel, intéresse à un haut niveau les jeunes générations qui découvrent la grandeur et l'épopée des hommes qui se sont sacrifiés pour que vive l'Algérie libre et digne. Un exemple qui a inspiré le monde entier resté admiratif jusqu'à présent de la glorieuse guerre de Libération nationale.