Le bras de fer opposant la chancellerie et le Syndicat national des magistrats(SNM), a bouclé, hier, sa décade. Le pourrissement a atteint son paroxysme. Les tribunaux d'Alger ont été encerclés, hier, dès la matinée par les forces antiémeute de la Gendarmerie nationale. Après Oran, le ministère de la Justice a encore procédé à l'installation de certains magistrats dans leurs nouveaux postes. Il a fallu, là aussi, le déploiement des forces de l'ordre pour installer les magistrats. La présidente et le procureur de la République du tribunal de Sidi M'hamed ont été donc installés à leurs postes. Le procureur général de la cour d'Alger a également procédé à l'installation des procureurs de la République des tribunaux, de Bir Mourad Rais et d'Hussein Dey. Une tension vive régnait au niveau de l'ensemble des tribunaux et cours à travers le territoire national. Les magistrats encore sous le choc, rejoints par leurs collègues de la Cour suprême et du Conseil d'Etat, ont tenu, hier, un rassemblement devant le siège de la Cour suprême, en guise de solidarité avec leurs collègues de la cour d' Oran. Le président du Syndicat, Issad Mebrouk a expliqué, en cette occasion, que «le recours à l'arrêt de travail avec service minimum est justifié par l'absence de minimum en termes de conditions du travail des magistrats». Il a estimé que «le ministre gère le département de la justice avec une mentalité et réflexes d'un procureur général». «Ce qui s'est passé à la cour d'Oran ne s'est pas produit en Corée du Nord», a-t-il déploré. Il a, en outre, souligné que «les commanditaires de ce dérapage doivent rendre des comptes». «C'est un comportement inacceptable quelles que soient les circonstances. Les pouvoirs publics doivent prendre les mesures nécessaires à l'encontre des commanditaires et des exécutants de cet acte honteux où nos collègues ont été violentés et humiliés dans l'enceinte même de l'institution judiciaire, ce qui constitue un précédent très grave», a-t-il regretté. Présent à ce sit-in, un président de chambre au Conseil d' Etat a estimé que «toutes les limités ont été dépassées». «Si le peuple ne soutient pas le juge dans son combat, le pays sera perdu à jamais», a-t-il soutenu. «Aujourd'hui c'est le magistrat qui est réprimé, demain ce sera le tour du wali, ministre, général, l'avocat. Avant, médecins et enseignants ont été tabassés», a-t-il ajouté. «Ceux qui se réjouissent sur les réseaux sociaux de ce qui arrive aux magistrats, commettent une erreur monumentale, parce qu'en fin de compte, c'est la justice qui protège les droits et libertés des citoyens», a-t-il conclu. Dans son communiqué, publié avant-hier, le syndicat dénonce «le grave dérapage survenu dimanche à l'intérieur de la cour d'Oran, qui constitue une violation flagrante de la sérénité et de la sacralité de l'enceinte de l'institution judiciaire prescrite par les conventions et les normes internationales en temps de paix et de guerre». «Ce qui se passe aujourd'hui contredit les discours officiels du ministère, qui prétend appeler au dialogue », est-il noté. Après le Club des magistrats, le SNM exige «le départ du ministre de la Justice», annonçant «l'arrêt de tous les efforts de médiation et de dialogue jusqu'au départ de Belkacem Zeghmati». Il faut dire que les magistrats sont soutenus dans leur démarche par plusieurs entités et syndicats, à l'image des 12 membres du Conseil supérieur de la magistrature, l'Union des barreaux d'Algérie, le Conseil d'Etat et même l'Union arabe des magistrats (UAM), ainsi que d'autres personnalités nationales. L'UAM a condamné énergiquement les tentatives de terroriser les magistrats. De leur côté des membres du Conseil supérieur de la magistrature(CSM) ont condamné «une atteinte grave à la souveraineté du pouvoir judiciaire et à son indépendance…». Par ailleurs, le syndicat a revu à la hausse son service minimum comme l'instruction donnée aux magistrats de tenir des audiences relatives au prononcé des verdicts liés au droits et libertés des détenus, d'assurer les procédures de garde à vue, de délivrer les permis de communiquer, d'inhumer, d'élargissement de compétence et le mandat de perquisition. Pour rappel, le tribunal de Tipasa a déclaré la grève des magistrats «illégale» suite au référé introduit par le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati.