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«La pandémie a été un traumatisme psychique»
Mahmoud Boudarène, auteur et psychiatre, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 11 - 06 - 2020

L'Expression: La vigilance passe inexorablement par le respect strict des gestes barrières et de la prévention tous azimuts, même après le confinement?
Docteur Mahmoud Boudarène: Il est d'une nécessité absolue parce qu'il constitue le seul rempart contre la propagation de ce virus mortel et il est du devoir de chacun de nous de le respecter afin de protéger nos vies, celles de nos enfants, de nos familles et de la communauté nationale toute entière. Il est une espèce d'assurance que nous prenons sur la vie. Cela a du sens et ce sens est nécessairement à relier à celui que nous conférons à notre existence, à la vie et à la mort.
Si nous réussissons à donner à ce retrait forcé cette signification, alors nous sommes dans le meilleur état d'esprit. Nous sommes prêts à aborder avec sérénité ce confinement et le moral sera sauf.
Toutefois, le confinement aura des retombées sur des personnes dont l'équilibre psychique est déjà fragile, certaines souffriront de pathologies mentales ou physiques. Des couples en souffriront, des enfants aussi. Il faudra s'en soucier et leur apporter de l'aide.
Pour ceux qui sont sans antécédents psychiatriques ou sans vulnérabilité, le confinement représente un risque peu important, même si des troubles venaient à se manifester, ils seront passagers et n'hypothéqueront pas l'avenir psychique des sujets. En réalité, tout est dans la gestion pédagogique de cette contrainte qu'est le confinement et tout est dans la façon avec laquelle le sujet l'appréhende. Si le confinement, est vécu comme un élément protecteur, son impact sera moindre.
Si par contre il n'a pas compris que c'est là une assurance-vie pour lui et les siens, l'effet du confinement peut être désastreux, mais si le confinement est une contrainte sanitaire indispensable, il s'agit aussi d'une décision politique et d'un dispositif qui doit être accompagné d'un certain nombre de mesures qui mettent les sujets à l'abri de la souffrance. Je pense, notamment à la communication et à la pédagogie qui doivent prévaloir dans ce cas, les personnes étant dans le besoin de comprendre le pourquoi du confinement et dans le constant désir d'être tenues informées de la réalité de la situation - faut-il souligner le danger que constitue le recours aux réseaux sociaux pour combler le manque d'information? Par ailleurs, pour que la souffrance ne soit pas, le confinement doit être assorti de dispositions financières que les pouvoirs publics doivent prendre pour venir en aide aux familles en difficulté, notamment celles dont les revenus sont liés au travail journalier.
L'ouvrier journalier ne peut pas en effet rester confiné chez lui - sans en souffrir - alors que de son travail quotidien dépend la survie des siens. Cela est impensable, comme il est invraisemblable que les sujets restent tranquillement chez eux alors qu'ils sont préoccupés par leur survie. Si à la frayeur de l'épidémie s'ajoute la crainte de la famine, la souffrance psychique ne peut pas ne pas survenir, particulièrement chez les sujets les plus inquiets.
Le confinement doit être agi et non pas subi, faute de quoi il est porteur de risque pour la santé. Pour que le confinement soit agi, les sujets doivent avoir toutes les garanties, en particulier celle de la solidarité de l'Etat. Si de bonnes conditions pour le confinement sont réunies, alors le déconfinement n'est plus qu'un simple retour à la vie normale. Il ne nécessite aucune espèce d'accompagnement si ce n'est les mesures sanitaires à respecter.
En votre qualité de psychiatre, pensez-vous que la pandémie de Covid-19 pourrait laisser des stigmates sur le plan mental chez les gens en général?
Il est indéniable que cette pandémie mondiale constitue une épreuve psychologique et chez certains - les plus vulnérables - un véritable traumatisme.
Ce qui arrive à la planète Terre est un événement hors du commun et il a ceci de particulier, il met en perspective dans l'avenir du sujet la fin de la vie. Il confronte d'une certaine façon l'individu avec la mort, la sienne ou celle de ses proches. Cela constitue un traumatisme psychique dont certaines personnes ne sortiront pas indemnes.
Cet événement - cette pandémie mondiale - ébranle les certitudes sur lesquelles les uns et les autres ont construit leur sentiment de sécurité et rappelle à l'esprit la non-permanence - la finitude - de la vie. Cela angoisse, en particulier les personnes les plus fragiles. Celles dont le sentiment de sécurité était déjà «branlant», les grands anxieux. Des personnes qui regardent l'avenir avec pessimisme et qui dramatisent les événements les plus anodins. Ces personnes sont effrayées par tout ce qui leur arrive, à plus forte raison quand un événement d'une telle ampleur survient. Elles paniquent et constituent le grand lot des clients des services des urgences médicales ou des cellules d'aide médico-psychologiques mises en place par exemple à l'occasion de grandes catastrophes. Ces personnes font ce qu'on appelle des réactions aigües ou subaigües de stress. Ces «accidents psychiques» sont généralement bénins et rentrent dans l'ordre rapidement. Beaucoup plus tard - quelques semaines ou mois à distance de l'événement -des sujets développeront une pathologie plus durable et qui hypothèquera souvent l'avenir, l'état de stress post-traumatique; un tableau clinique décrit pour la première fois par l'école américaine de psychiatrie chez les vétérans du Vietnam.
Nos parents ont souffert et souffrent encore des traumatismes subis durant la guerre d'Indépendance nationale, nombre de nos concitoyens de Chlef ou encore de Boumerdès gardent encore les séquelles des séismes qui ont frappé ces villes, la décennie rouge par la violence effroyable qu'elle a charriée a marqué de façon durable les esprits des populations qui ont en été victimes. Certains accidents de la voie publique, les agressions et les viols sont aussi des événements qui peuvent ruiner définitivement une existence. Dès que le sujet est confronté à la mort - la sienne ou celle d'un proche - tout bascule.
La gestion d'une situation post-traumatique comme gage de sécurité psychique...
Son sentiment de sécurité est ébranlé, l'effroi le pénètre et ne le quitte plus.
La peur prend possession de sa personne et sa vie n'est envisagée qu'à travers le prisme déformant de celle-ci. La mort est tout le temps présente à l'esprit du sujet. C'est la situation post-traumatique. Elle est le résultat de l'un où l'autre des événements cités, lesquels événements remettent en cause, tous les éléments psychiques sur lesquels le sujet a fondé la sécurité intérieure et la permanence de la vie. Tous deux définitivement effondrés et très difficiles à reconstruire. C'est ce travail de reconstruction qu'auront à faire les intervenants de terrain, médecins et psychologues - a posteriori, c'est-à-dire à distance de l'événement, quand les troubles psychiques apparaîtront - mais c'est aussi le travail de ceux-ci au moment de la survenue de l'événement pour prévenir justement le traumatisme ou tout au moins pour en réduire les effets sur la vie psychique. Si l'état de stress post-traumatique est le tableau clinique habituellement observé dans les suites de tels événements - la pandémie de Covid-19 en est -, d'autres pathologies mentales aussi redoutables sont observées.
C'est le cas du burn out, une maladie qui affecte particulièrement les sujets engagés dans des situations d'aides et de soins aux personnes.
Ces sujets qui sont hautement sollicités sur la plan émotionnel peuvent «courber l'échine» après avoir donné le meilleur d'eux-mêmes pour venir en aide aux personnes qui souffrent durant les grands événements qui affectent les communautés. Parce qu'épuisés, ces sujets qui s'oublient dans le feu de l'action cèdent souvent dès que l'urgence n'est plus. Ils ont épuisé toutes leurs ressources et brûlé leur énergie. Cette pathologie concerne les médecins et tout le personnel paramédical engagés dans la lutte contre la mort, mais aussi les agents de la protection civile ou encore par certains aspects les agents des forces de sécurité. Le burn out, comme l'état de stress post-traumatique, est une affection difficile à traiter, elle contrarie souvent le destin du sujet qui en est affecté. Les professionnels de la santé sont déjà sur le terrain pour soigner les malades atteints du coronavirus, certains y ont laissé la vie, d'autres en sont terrorisés à l'idée d'en être les prochaines victimes.
Toutes ces personnes ont besoin de soutien, de soins et d'accompagnement psychologique ici et maintenantmais, ils ont besoin aussi de soutien et de la solidarité de l'Etat, notamment. Nombre d'entre eux auront besoin d'une prise en charge une fois cette épidémie éteinte. Il va falloir se préparer à cela. Les médecins et psychologues auront une tâche ardue à accomplir, pour hélas, peu de succès.
Cependant, les professionnels connaissent bien les effets - «les méfaits» - de ce type d'événement et s'ils étaient, par le passé, mal préparés, aujourd'hui ils sont formés à l'intervention spécialisée pour le soutien aux victimes au moment des catastrophes et à la prise en charge du traumatisme psychique et de ses conséquences sur la santé des individus.
Quels sont les remèdes a apporter dans la perspective de reduire les effets néfastes du confinement afin de permettre un retour à la vie sociale ordinaire?
Que faut-il faire pour amortir l'effet traumatique de l'événement et éviter la survenue de troubles psychiques pendant ou à distance de celui-ci? Autrement dit comment rendre contrôlable cette situation afin de vivre cette expérience sans effroi?
Quand l'événement survient, il force l'étanchéité psychique et rend l'individu brutalement perméable à celui-ci (l'événement) et à toutes ses conséquences. Tout se passe comme si l'événement s'engouffrait dans la vie psychique du sujet et le noyait. Ceci arrive à plus forte raison quand cette étanchéité a déjà subi des coups de boutoir par le passé et a été fragilisée par des événements traumatisants antérieurs. C'est le cas des personnalités anxieuses.
Ces dernières sont connues pour être incapables de faire barrière aux événements et d'être enclines à absorber toutes leurs conséquences. Si cette perméabilité accrue aux événements est «légendaire» chez les anxieux, ils sont aussi connus pour avoir peu d'étanchéité pour leurs émotions qui se manifestent de façon accrue et parfois inconsidérée. Les manifestations d'angoisse et/ou les crises de panique dont ils font preuve souvent en sont les témoins.


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