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La normalisation peut engendrer le chaos au Maghreb
Néjib Ayachi, fondateur du think tank Maghreb Center basé à Washington, à L'expression
Publié dans L'Expression le 02 - 01 - 2021

L'Expression: Quelle lecture faites-vous de cette normalisation des relations entre le Maroc et Israël?
Néjib Ayachi: Des relations entre le Maroc et Israël, non officielles mais assez développées, existent déjà depuis un certain nombre d'années dans plusieurs domaines, grâce entre autres à la communauté juive marocaine d'Israël qui a maintenu des liens étroits avec son pays d'origine.
Ces relations Maroc-Israël sont d'ordre culturel, commercial, mais aussi en matière de renseignements, dont a grandement bénéficié Israël à l'occasion notamment de la guerre des Six-Jours de 1967 comme l'a rapporté entre autres le journal The Times of Israël. Elles sont aussi d'ordre militaire, le mur de 2 700 kilomètres dit «de défense», bâti par le Maroc au Sahara occidental, qui délimite et est censé protéger la large zone qu'il y contrôle, ne l'a-t-il pas été avec l'assistance technique et l'apport technologique d'Israël?
D'autre part, comme l'ont récemment fait d'autres monarchies du Monde arabe, alliées traditionnelles des Etats-Unis, on pouvait s'attendre à ce que le Maroc aussi normalise ses relations avec Israël. Pour l'administration Trump, cette normalisation entre dans le cadre des efforts qu'elle déploie pour mettre en oeuvre le plan dit de paix pour le Moyen-Orient, conçu par le beau-fils du président Jared Kushner, appelé les «Accords d'Abraham».
Le Maroc a su adroitement saisir l'opportunité offerte par l'administration Trump, pour monnayer en quelque sorte la normalisation de ses relations avec Israël sans contrepartie pour le peuple palestinien, mais contre la reconnaissance par les Etats-Unis de sa souveraineté sur le Sahara occidental.
L'accord de normalisation, fruit d'un marché entre le président sortant Donald Trump et le pouvoir marocain, s'est fait en violation du droit international existant, au détriment des premiers concernés, les peuples sahraoui et palestinien, dont des représentants ont condamné sans équivoque les termes. Le premier, par la voix de l'envoyé du Front Polisario à Washington a exprimé le refus du peuple sahraoui «d'être utilisé comme une marchandise dans les transactions diplomatiques internationales», en affirmant «sa détermination à lutter jusqu'à la fin de l'occupation». Quant au second, et même si l'Autorité palestinienne a choisi, très diplomatiquement, de ne pas réagir après que le roi du Maroc a assuré le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas de la continuation de son appui à la cause palestinienne, d'éminentes personnalités membres de cette autorité l'ont condamné. On peut citer à cet égard Hanan Ashrawi qui a déclaré, il y a peu, à une radio américaine, que la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara occidental «est une légitimation de la saisie et de l'occupation par la force de territoires».
On ne peut en effet que constater que ce type de «deal», pour reprendre ce terme cher à Donald Trump, ne peut aux yeux des peuples arabes et d'autres attachés à la cause palestinienne ainsi qu'au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, que placer les autorités marocaines du côté des oppresseurs de peuples assujettis.
Plus concrètement, que pouvez-vous nous dire concernant ces «Accords d'Abraham»?
Ces Accords d'Abraham ont été conçus pour formaliser la situation qui prévaut sur le terrain au Moyen-Orient eu égard aux Palestiniens, qui vivent dans l'équivalent de bantoustans sous un régime qu'on ne peut que qualifier de quasi apartheid, en leur déniant le droit à un Etat propre tel que reconnu par l'ONU et d'autres instances internationales. Ces «Accords d'Abraham», même s'ils comprennent la suspension provisoire par Israël de l'annexion de territoires en Cisjordanie occupée, laissent la porte ouverte à leur appropriation future.
En outre, ils reconnaissent à Israël le droit de faire de Jérusalem sa capitale, tout en entérinant par ailleurs l'annexion du plateau du Golan. Un autre objectif de ces accords est d'endiguer l'influence de l'Iran dans la région dite du Grand Moyen-Orient (de l'Atlantique au Caucase), en incitant les pays arabes à forger des alliances entre eux et avec Israël, de nature politique, militaire et économique, pour faire face aux menaces que poseraient l'Iran.
La stratégie de mise en oeuvre de ce plan est à double volet. Elle est faite d'incitations et/ou de pressions. Ainsi, on bat le rappel des pays arabes alliés des Etats-Unis pour qu'ils normalisent leurs relations avec Israël et développer des rapports de coopération économique et militaire, ou, si ce n'est déjà fait, pour établir des relations diplomatiques et de coopération.
Dans le cas des Emirats arabes unis par exemple, c'est en fournissant des incitations par l'autorisation de la vente d'avions de chasse F-35 américains (d'un montant de 23 milliards de dollars américains), malgré les réticences d'Israël. Par contre, dans le cas du Soudan, ce sont d'intenses pressions qui ont été exercées, lui fixant un ultimatum pour qu'il normalise ses relations avec Israël, ou, à défaut, d'être maintenu sur la liste des pays qui financent le terrorisme.
Il faut noter que l'aspect économique pour solidifier les accords de normalisation entre Israël et les Eats arabes n'est pas négligeable. Relevons qu'il se manifeste au Sahara occidental où le Maroc a indiqué qu'il compte bien attirer les investisseurs américains, ainsi que leurs alliés du Moyen-Orient, pour y exploiter en commun les multiples ressources existantes et bénéficier de sa proximité avec l'Afrique de l'Ouest pour tirer profit d'autres opportunités d'affaires dans cette region et au-delà en Afrique.
La normalisation des relations avec Israël par le royaume du Maroc pourrait avoir de graves répercussions sur toute l'Afrique du Nord. Quelle est votre analyse à ce sujet?
Il est très regrettable que cette décision de normalisation des relations du Maroc avec Israël ait été prise de manière aussi unilatérale, sans consultation, ni prise en compte des préoccupations et intérêts des autres Etats de la région du Maghreb auquel le Maroc, en principe, appartient.
Ceci, sans parler de l'impact aggravant potentiel sur la crise multiforme qui sévit au Sahel avec ses répercussions sur les pays du Maghreb et au-delà. Cette décision pourrait, en effet, être lourde de conséquences, à cause de la montée des tensions au Sahara, alimentée par les frustrations des Sahraouis, qui s'accumulent, puisque cela fait 45 ans qu'ils vivent dans la précarité et l'incertitude quant à leur statut. Ainsi, l'aggravation de la rivalité entre Marocains et Sahraouis et l'instabilité régionale qui en résulterait risque d'entraîner dans ce conflit certains des groupes extrémistes armés opérant au Sahel voisin. Elle pourrait aussi conduire à des confrontations militaires impliquant les pays voisins. De plus, d'autres acteurs régionaux et mondiaux qui ont des intérêts politiques et économiques dans la région -pensons non seulement à l'Algérie, mais aussi à la France et à l'Europe, et de plus en plus aux pays du Golfe et de la Turquie- pourraient également être amenés à intervenir, étant donné la position stratégique du Sahara occidental sur la côte atlantique et la présence de ressources naturelles conséquentes.
Le Maghreb fait déjà face à plusieurs défis et menaces, avec les interminables crises libyenne et sahélienne et leurs catastrophiques répercussions politiques, économiques et sociales, ainsi que sécuritaires, environnementales, en termes de migration de masse forcée, etc. La région n'avait certainement pas besoin qu'on y ravive et exacerbe un autre foyer de tension. En tout cas, on ne peut que déplorer, encore une fois, que les pays du Maghreb aient été incapables de développer une véritable coopération, ou au moins une approche concertée, vis-à-vis des graves menaces posées par l'instabilité en Libye et au Sahel. L'heure est grave et il est plus que temps de trouver des solutions de compromis aux problèmes qui les divisent, pour le bien et le futur des peuples, et non pas uniquement des élites du pouvoir.
La nouvelle administration américaine devra traiter de nombreux dossiers cruciaux légués par celle de M. Trump. Pensez-vous que le président Biden va remettre en cause la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental?
Le nouveau président Joe Biden a promis de rétablir une approche multilatérale des relations internationales comme c'était le cas sous l'administration démocrate du président Barack Obama, dont il était le vice-président. Il s'est engagé à collaborer avec et à soutenir les organisations internationales telles que l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ainsi qu'à respecter les accords internationaux comme celui de Paris sur le climat. Pour ce qui est de la politique américaine pour la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord, on peut conjecturer que M. Biden réduira sans doute la «pression maximale» exercée par l'administration Trump sur l'Iran, tout en revenant à l'accord nucléaire de 2015.
D'autre part, bien que les démocrates américains soient des alliés traditionnels d'Israël, Joe Biden ne devrait pas aller aussi loin que Donald Trump qui s'était aligné sur la droite et même l'extrême droite israélienne; il ne devrait pas entériner l'annexion par Israël de nouveaux territoires en Cisjordanie et s'opposera sans doute, au moins officiellement, à de nouvelles constructions de colonies israéliennes dans les territoires occupés, tout en revenant à la conception traditionnelle d'une «solution à deux Etats» pour régler la question palestinienne. Cependant, il y a peu de chances que l'ancien processus de paix israélo-palestinien soit ravivé à l'initiative des Etats-Unis. Pour ce qui est de promouvoir la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes, le nouveau secrétaire d'Etat Tony Blinken, a indiqué dans une interview à la publication «Jewish Insider» que l'administration Biden poursuivra ladite politique, mais sans doute de manière moins enthousiaste que celle de Donald Trump.
En ce qui concerne la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, rappelons qu'avant l'accord Maroc-Israël, la position officielle des Etats-Unis relativement à ce territoire était conforme à celle des Nations unies, de l'Union européenne et de l'Union africaine, appelant à trouver une voie vers l'autodétermination dudit territoire.
En théorie, Biden pourrait annuler le décret présidentiel de Donald Trump et rejoindre la longue liste de pays qui n'ont pas reconnu l'appropriation du Sahara occidental par le Maroc, mais on peut en douter, car il n'a pas, en tout cas pour le moment, d'intérêt politique à le faire, surtout qu'il ne remet pas en question la politique de normalisation entre Israël et les pays arabes activement promue par l'administration Trump.
Pourtant, avec la montée d'une certaine gauche au sein de la société américaine ainsi que du parti démocrate, la question du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ainsi que du peuple palestinien à un Etat, pourraient revenir au premier plan.


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