Par Lyazid BENHAMI* La relation diplomatique entre l'Algérie et la Chine date de 1955, à l'occasion de la Conférence de Bandung à laquelle avaient participé 29 pays d'Afrique et d'Asie nouvellement indépendants. Ces derniers avaient fait le choix d'être non alignées sur les deux superpuissances mondiales du moment, les Etats-Unis et l'Union soviétique. La Chine était représentée par le Premier ministre Zhou Enlai, l'Inde par le Premier ministre Jawaharlal Nehru, l'Egypte par le président Gamal Abdel Nasser, et l'Algérie par Hocine Ait Ahmed, chef de la délégation algérienne. L'une des recommandations de cette conférence fut le soutien aux peuples encore colonisés dans leur lutte pour l'indépendance. La Chine fut un ami de l'Algérie pendant la guerre de décolonisation qui l'opposa à la France. La Chine reconnaît le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (le GPRA) le 20 décembre 1958. En août 1960 Mao Zedong reçoit à Pékin Krim Belkacem, vice-président du GPRA. Le Grand Timonier proposa à Krim l'aide et le soutien inconditionnels de la Chine en faveur de l'indépendance algérienne. Puis en octobre 1960, ce sera Ferhat Abbas, le président du GPRA, qui sera reçu comme un chef d'Etat, et cela alors que l'indépendance n'était pas encore acquise et que la guerre atteignait son point culminant. Cérémonies officielles et défilés militaires, sous les applaudissements de citoyens chinois brandissant le drapeau algérien, sont organisés pour l'occasion. La Chine fut le premier des grandes puissances à avoir reconnu le GPRA. Le rapprochement entre les deux pays ne s'est pas affaibli depuis. Le sommet des non -alignés à Alger Par ailleurs, l'effort «crucial» de l'Algérie pour que la Chine recouvre son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies s'est soldé par un succès le 25 octobre 1971. La résolution 2758 de l'Assemblée générale des Nations unies, proposée par l'Albanie, fut soutenue par une majorité de pays africains, et en tête de liste l'Algérie. Un autre rendez-vous important avec la Chine. En 1973, Alger illustre la place importante de l'Afrique dans l'organisation des sommets du Mouvement des pays non alignés. Le Sommet d'Alger fait aussi émerger l'idée d'un «Nouvel Ordre économique international». Les pays du Tiers-Monde revendiquent leur droit au développement économique et se réapproprient, pour certains, le contrôle de leurs matières premières. Quelques pays africains réussissent tant bien que mal à se détacher de l'emprise de l'ancien colonisateur et recherchent une unité d'action avec la Chine. On évoque même la notion de destin commun. Aujourd'hui, on peut noter des visions diplomatiques et des convergences dans la politique étrangère. La règle sacro-sainte de non-ingérence dans les politiques intérieures des autres pays, et celle du soutien aux peuples colonisés, sont des constantes communes des deux pays, qui ont des positions très souvent similaires dans la promotion de la paix et du règlement des conflits internationaux. Un partenariat économique et humain en construction. Sur le plan économique, la Chine est devenue ces dernières années, le premier partenaire économique de l'Algérie. La quasi-totalité des grands projets d'infrastructures est effectuée par des sociétés chinoises. On évalue à plus de 40000 le nombre de Chinois travaillant en Algérie. Plus de 2000 d'entre eux ont déjà pris la nationalité algérienne. Certains sont devenus des entrepreneurs et des commerçants actifs. Les leviers du développement chinois Dans les années prochaines, la Chine est en mesure de coopérer avec l'Algérie à la réalisation de sa révolution industrielle et économique. En effet, l'Algérie dépend actuellement à 97% des recettes liées aux exportations des hydrocarbures. Pourtant le pays a beaucoup de potentialités qui peuvent lui permettre à l'avenir une croissance et un développement économique suffisamment dynamiques pour ne plus dépendre totalement de la rente pétrolière. Trois secteurs clés sont déjà prometteurs pour une coopération gagnant-gagnant entre la Chine et l'Algérie: - le secteur de l'énergie, incluant à la fois l'essor de l'énergie solaire pour un développement durable compte tenu de l'ensoleillement du pays; et l'optimisation de la production des hydrocarbures qui ne sont pas assez transformés localement; - le secteur agricole et agro-alimentaire, grâce au potentiel considérable du pays au nord comme au sud, et notamment dans la production de l'agriculture bio, si cet objectif reste maintenu; - le numérique et la modernisation du secteur bancaire, où l'Algérie est encore en retard par rapport à ses voisins. Le pays pourra profiter des leviers de développement où la Chine excelle, pour se hisser à un niveau élevé dans ces secteurs d'avenir. La situation géopolitique fait de l'Algérie un acteur stratégique pour l'Europe, l'Afrique et le reste du monde. Grâce à son passé historique et à la solidarité dont elle a fait preuve à l'égard des pays en lutte, l'Algérie est un allié sérieux et un acteur écouté et respecté dans beaucoup de pays d'Afrique. Il est légitime de penser que l'Algérie aura un rôle important en Méditerranée, et aussi très certainement dans le projet de l'initiative des Nouvelles Routes de la soie initiées par le président chinois Xi Jinping. À l'heure où la Chine continue de promouvoir le multilatéralisme et a dans la foulée entériné 40 ans de développement économique initié par le président Deng Xiaoping, nous pouvons maintenant aspirer à une coopération économique équilibrée entre la Chine et l'Algérie. Une coopération soucieuse d'un vrai développement économique et social, créateur d'emplois et de valeur ajoutée. L.B. *Fondateur de Mulan Road, Agence de communication