L'affaire Melouza, l'assassinat de Abane, la décennie noire remontent à la surface. Les partis politiques manifestent un intérêt affiché pour les médias en cette journée de commémoration de la liberté de la presse dans le monde. Le MSP, le FLN et le RND organisent, aujourd'hui, des rencontres avec les gens de la profession pour débattre de la situation des médias en Algérie. Si les deux premiers ont choisi Alger, où est concentrée la majorité des médias, le RND a préféré Oran. Le FLN indique dans un communiqué, transmis à la rédaction, que la rencontre est consacrée au «code de l'information: entre enrichissement et suppression». Il annonce également quatre conférences sur le thème qui seront suivies d'un débat. Le MSP, par contre, annonce une déclaration du président du parti destinée aux journalistes. Dans un communiqué émanant du même parti, on annonce la proposition d'amendements du code pénal dont le texte est soumis à d'autres amendements en plénière à l'APN dans peu de jours . Le MSP demande l'amendement de l'article 144 bis relatif à l'emprisonnement du journaliste ainsi de l'article 87 bis alinéa 10 concernant l'emprisonnement de l'imam. L'APN organise, le même jour, une réception pour les journalistes. L'association Mechaal Echahid a organisé, hier, une rencontre sur le thème, au centre de presse d'El Moudjahid. Elle a invité Zoheir Ihadadène, Mohamed El Mili et Zahia Benarous pour débattre de l'histoire et du présent de la presse algérienne. Le premier intervenant a mis en exergue le volet «propagande» de l'Algérie en guerre qui diffère totalement du rôle de la presse d'aujourd'hui, qui est celui d'informer. Il a donné trois exemples d'événements séparés qui ont eu lieu pendant la guerre. Il a cité l'affaire Melouza, l'assassinat de Abane et une attaque d'un poste militaire à Alger. Les canaux de propagande du FLN de l'époque ont usé de leur technique pour exploiter les événements à leur compte. Sauf que l'affaire Melouza a soulevé des interrogations. Selon l'orateur, l'ALN n'est responsable que partiellement du massacre. Il estime que l'armée française a exploité cette affaire pour discréditer le FLN et l'ALN. Mohamed El Mili donne pour preuve un texte qu'a écrit Franz Fanon à El Moudjahid pour répondre à la propagande française. Quelqu'un de l'assistance, originaire de cette région, lui a rappelé que «l'infamie poursuit toujours les gens de Melouza pour une affaire qu'on dit fausse». Là, l'intervenant avoue que l'affaire le dépasse. Ihadadène tient sa version du témoignage du commandant Hamimi «qu'on ne peut accuser de menteur», dit-il. Mohamed El Mili qui était à El Moudjahid, édition arabe, a mis son grain de sel en soutenant que l'hebdomadaire El Moudjahid, qui sort toujours, est l'unique survivant de la presse du FLN historique. Cet orateur a dévoilé les rapports de feu Houari Boumediène avec la presse. Il cite l'annonce de la mort de Messali Hadj en 1974 qui a provoqué un séisme dans les rédactions. Comment gérer pareille annonce sans irriter le sommet de l'Etat? El Mili était directeur de l'APS à cette époque. Boumediène l'appelle pour bien lui signifier qu'il n'a pas besoin de s'étaler sur le passé de Messali, ni d'indiquer la qualité du défunt dans la dépêche. L'annonce a été faite sans aucune allusion au passé du fondateur de l'Etoile Nord Africaine et du PPA. Il a également dévoilé le comportement de feu Ahmed Gaïd, responsable du parti, avec les journaux. Il considère qu'à travers ses directives, il y avait un malentendu latent avec Boumediène depuis 1967. Zahia Benarous a tenté, de son côté, d'apporter un témoignage sur une autre époque, celle sous Chadli Bendjédid. Elle évoque un «qualificatif» qu'elle a donné à une grève des enseignants, dans le JT de 20 heures et qui lui pose des problèmes de conscience encore aujourd'hui. Elle a enchaîné sur la situation présente en la qualifiant d' «anarchique». C'est dire que le métier d'informer est une arme à double tranchant, qu'il faut savoir saisir du bon côté. A chaque période, des hommes et des femmes ont tenté de masquer la réalité des faits, en laissant derrière eux des victimes, souvent innocentes. Mais l'histoire les rattrape au coin d'une rue pour les mettre devant leur propre conscience. Et le jeu continue.