Il y a 67 ans, jour pour jour, un groupe de militants ont déclenché ce qui allait devenir la plus grande révolution armée populaire du Xxe siècle. Ces «fous», comme certains les qualifiaient, venaient d'entreprendre le projet impensable de chasser la puissance coloniale qui a conquis la terre de leurs ancêtres. Les événements qui ont suivi le premier coup de feu de la glorieuse guerre de Libération nationale sont connus de tous. Mais dans leurs grandes lignes seulement. Car la vérité est encore loin des déclarations des politiques. Dans ses détails, la guerre a été affreuse. Aussi cruelle que les massacres du 8 mai 1945 et de l'entreprise génocidaire du XIXe siècle où des tribus entières avaient été effacées de la surface de la terre, d'autres carrément enfumées dans la grotte où femmes et enfants s'étaient réfugiés. Avant la première action de l'héroïque révolution du 1er novembre 1954, plus de 4 millions d'Algériens étaient comptabilisés parmi les victimes de la barbarie coloniale. La guerre de libération, qui aura été asymétrique par excellence, a fait plus de 1,5 million de martyrs parmi les Algériens. Ce jour anniversaire, que l'Algérie célèbre depuis son indépendance, vient rappeler l'immensité des sacrifices consentis par des générations d'Algériens. Il met également en évidence une détermination du peuple à assumer son Histoire plusieurs fois millénaire et renouveler le serment fait aux chouhada de la guerre de Libération nationale, ainsi qu'à tous les autres martyrs qui ont résisté aux multiples agressions subies par la terre d'Algérie. La célébration est intimement algérienne. Elle l'a d'ailleurs toujours été. Le peuple a combattu un système raciste et haineux, pas le peuple français. C'est ce qu'apprend l'Histoire aux Algériens. Les Français ont voté, en avril 1962, en faveur de l'indépendance de l'Algérie à 90,80%. Ce n'est donc pas une guerre entre deux peuples, mais contre un système qui avait tué plus de 5 millions d'êtres humains en Algérie seulement. Les Français doivent donc savoir, une bonne fois pour toutes, la véritable signification et objectif de la guerre de Libération nationale. Mais cette République, qui a tant donné à l'humanité, est actuellement prise en otage par une minorité détestable qui joue avec sa mémoire, jusqu'à lui faire oublier l'historique référendum d'avril 1962. Ceux qui ont rejeté le projet d'indépendance de l'Algérie n'ont pas fini de gangrener les rouages du pouvoir en France. Aujourd'hui encore, ils font convoquer l'Histoire pour des considérations bassement politiciennes. L'odieuse présence française en Algérie alimente une surenchère électorale à quelques mois d'une élection présidentielle dans ce pays. La glorification du passé colonial sert le président sortant et un candidat de l'extrême droite à récolter des voix. Les deux personnages empiètent sur la volonté souveraine de l'écrasante majorité du peuple français de considérer l'Algérie comme un pays indépendant et lui vendent une prétendue «heureuse Algérie colonisée». Macron et Zemmour rivalisent de ,surenchère pour plaire au lobby colonialiste en jetant le voile du mensonge sur l'Histoire de la colonisation. C'est ainsi qu'ils se disputent un lexique haineux, revanchard et fossoyeur de la vérité historique, à laquelle le peuple français a droit et qu'on lui cache. Cette manière de traiter l'Histoire illustre la «faillite mémorielle» des élites dirigeantes françaises, comme le souligne si justement le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Laquelle faillite amène à constater une logique nostalgique stérile. En effet, toutes les nations qui se sont fait la guerre ont fini par construire des rapports apaisés et ont tous assumé conjointement leur passé commun. Les USA et le Vietnam se sont fait une guerre atroce. Aujourd'hui, le Vietnam est une immense manufacture pour des produits destinés aux USA. Le Japon qui a conquis la Corée et la Chine ne convoque pas, pour un oui ou pour un non, son passé impérial. Même Donald Trump, si connu pour ses sorties de piste n'a pas usé du même lexique dégradant que celui utilisé par Emmanuel Macron, devant de jeunes Français, petits-enfants d'acteurs de la guerre d'Algérie.