La Turquie «n'a pas de vues» sur le territoire syrien, a affirmé le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui menace depuis mai d'une nouvelle offensive dans le nord de la Syrie contre des groupes kurdes. «Nous n'avons pas de vues sur le territoire de la Syrie (...) Le régime de Damas doit en être conscient», a-t-il déclaré lors de son vol retour d'Ukraine à des journalistes, selon des propos rapportés, hier, par les médias turcs. Le président turc a réaffirmé que l'armée d'Ankara - présente dans des zones du nord du territoire syrien limitrophes de la Turquie - était «prête» à tout moment pour une nouvelle offensive. Entre 2016 et 2019, l'armée turque a lancé trois opérations d'envergure dans le nord de la Syrie visant les milices et organisations kurdes. Ankara dit vouloir créer une «zone de sécurité» de 30 kilomètres à sa frontière sud. Mardi, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) avait rapporté que dix-sept personnes avaient été tuées dans des frappes aériennes turques sur une position tenue par le régime syrien près de la frontière turque, après des affrontements nocturnes entre les forces d'Ankara et les combattants kurdes.s. L'agence de presse officielle syrienne Sana a confirmé la mort d'au moins trois soldats syriens dans ces frappes. Le chef de l'Etat turc a cependant dit vouloir «franchir de nouvelles étapes» avec le gouvernement de Damas, jugeant qu'une amélioration des relations entre les deux pays contribuerait à la paix dans la région. Depuis le début de la guerre en Syrie, la Turquie s'est farouchement opposée au gouvernement de Bachar al-Assad, se posant en soutien indéfectible des groupes rebelles syriens. La Turquie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, a toutefois plaidé à deux reprises depuis jeudi dernier pour «réconcilier» l'opposition et le régime en Syrie, marquant une inflexion dans sa position vis-à-vis de Damas. Erdogan, qui s'est rendu jeudi en Ukraine pour la première fois depuis le début de l'invasion russe, a également appelé à «renforcer» la coordination avec Moscou dans le nord de la Syrie pour lutter contre le «terrorisme». Treize civils sont morts depuis jeudi soir dans le nord de la Syrie où s'affrontent désormais les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et appuyées par le régime, et les Turcs et leurs supplétifs locaux, rapportait hier une ONG. Ces victimes ont été fauchées dans deux incidents distincts, l'un à al-Bab, sous contrôle de factions syriennes loyales à Ankara au nord-est d'Alep, et l'autre près de Hassaké dans le nord-est du pays, tenue par les FDS. A al-Bab, «les tirs d'artillerie des forces pro régime sur un marché ont tué neuf civils, dont des enfants, et en ont blessé 30 autres», a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Sur place, on a vu habitants et secouristes se précipiter pour évacuer les blessés, notamment des enfants, au milieu d'étals de fruits et de légumes détruits où gisaient des lambeaux humains. Le porte-parole des FDS, Farhad Shami, a assuré que ses forces n'avaient «rien à voir» avec cette frappe. À Hassaké, l'Administration autonome kurde a annoncé, hier, qu'une frappe turque avait «tué quatre enfants et blessé 11 autres» en s'abattant «dans la nuit sur un centre fermé pour mineures». L'OSDH a confirmé ce bilan. La Turquie menace depuis mai de lancer une offensive d'envergure contre les forces kurdes qui contrôlent la majeure partie du nord-est de la Syrie, morcelée par la guerre qui a fait depuis 2011 un demi-million de morts et des millions de déplacés et de réfugiés. Depuis juillet, les drones turcs frappent de plus en plus souvent les zones contrôlées par les FDS, considérées comme «terroristes» par Ankara, selon l'OSDH et des responsables kurdes. Mardi encore, 17 combattants des forces syriennes ont été tués dans un raid aérien turc, avait rapporté l'OSDH sans pouvoir déterminer s'il s'agissait uniquement de soldats syriens ou si des combattants kurdes étaient parmi eux.