La mouvance islamiste subit une situation le moins que l'on puisse dire désastreuse sur le plan politique. Cette donne est soutenue par le recul saillant des partis islamistes en général. Cette réalité a amené beaucoup de partis islamistes à «revoir» tactiquement leur façon de faire la politique, c'est-à-dire ne pas afficher ouvertement et d'une manière directe les grands objectifs de la stratégie politique des islamistes qui repose sur la création de l'Etat théocratique où la charia constitue la matrice de leur existence en tant que mouvement politique. En Algérie, la takia commence à se faire remarquer avec acuité, surtout que cela vient de s'exprimer à travers les «divergences» qui viennent de s'annoncer publiquement entre le Mouvement de la société pour la paix (MSP) et le Mouvement El-Bina sur l'initiative nationale de la cohésion nationale et la sécurisation de l'avenir. La situation est en train de prendre une dimension d' «inimitié» entre le MSP et El-Bina qui font partie du même socle idéologique et politique, issus les deux de l'école de Mahfoud Nahnah. L'attaque directe du président du MSP, Abdelali Hassani contre le président d'El-Bina, Abdelkader Bengrina en lui rappelant qu'il n'est pas le «tuteur» du peuple pour parler en son nom sur les questions essentielles et stratégiques comme c'est le cas pour l'initiative nationale du renforcement de la cohésion nationale et la sécurisation de l'avenir. C'est la première fois qu'un responsable du MSP s'attaque d'une manière frontal à un élément qui appartient à la mouvance islamiste en général et celui qui faisait partie de leur mouvement en particulier. Ce discours n'existait pas entre ces courants islamistes, du moins, il ne se faisait pas connaître d'une manière directe sur l'échiquier médiatique. Abdelkader Bengrina est vu comme un transfuge par la direction du MSP, cette attitude place le président d'El-Bina dans une posture de rival et d'adversaire politique de son ancien mouvement dont il était un membre fondateur. Le courant auquel appartient Abdelkader Bengrina et Abdelali Hassani, à savoir l'islamisme dit modéré, a toujours essayé de se montrer nationaliste et intéressé par les problèmes de la nation au sens politique et non pas au sens communautaire du terme. Le MSP est concurrencé, aujourd'hui, par un autre mouvement issu de la dissidence qui s'est faite en 2009 et qui a vu plusieurs cadres de la direction historique déserter le parti de leur mentor, à savoir Mahfoud Nahnah. Cette rude concurrence vient de se manifester dernièrement à travers l'initiative de la cohésion nationale et la consolidation du front interne. Le Mouvement El-Bina vient de chapeauter cette initiative qui a suscité l'ire des dirigeants du MSP qui considère cette démarche comme récupération politique et une usurpation en bonne et due forme d'un patrimoine politique appartenant au peuple. La variante dite modérée de l'islam politique est en train de développer un discours «nationaliste» trompeur dans la perspective de récupérer les voix perdues dans les joutes électorales précédentes. Ce changement tactique du discours de la part des partis islamistes n'affecte en rien le volet stratégique desdits mouvements qui sont connus pour leur duplicité et versatilité. Il reste tout de même que la guéguerre qui vient de commencer entre le MSP et le Mouvement El-Bina, est une réalité au sein de la même famille politique. Bengrina est à la recherche d'un exploit majeur sur le plan politique en recourant au discours propre de son maître, Mahfoud Nahnah. Les dirigeants du MSP semblent gênés face à cette réalité adoptée par un transfuge de leur mouvement. Mais plus grave dans tout ça, c'est qu' ils savent que Abdelkader Bengrina est un frère musulman comme eux et qui use d'une tactique faisant du discours nationaliste un moyen idoine pour atteindre ses objectifs qui consistent à avoir la majorité au sein du Parlement et pourquoi pas gagner la joute présidentielle. À ce niveau d'approche, Abdelkader Bengrina constitue une sérieuse menace pour le MSP, son ex-parti. La direction actuelle du MSP doit d'abord faire face au mouvement que chapeaute son ancien transfuge avant de faire face aux partis politiques traditionnels. Les islamistes sont dans une phase qui doit être résolue soit par un arrangement tactique ou par des stratagèmes extra-politiques.