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«Jugurtha s'est rebellé contre l'orgueil de Rome»
Riccardo Nicolai, écrivain italien, À L'Expression
Publié dans L'Expression le 21 - 11 - 2023

L'Expression:Pouvez-vous vous présenter au lectorat algérien?
Riccardo Nicolai: Je suis un Italien de Massa, en Toscane, la ville qui a donné naissance à notre héros commun italo-algérien Ali Bitchin. Après des études en littérature étrangère à l'université de Pise, je travaille comme libraire depuis vingt-cinq ans. L'écriture est une passion qui m'a toujours accompagné, et, en tant que telle, elle enveloppe complètement ma vie. Grace à elle, je peux aspirer à réaliser mon rêve: celui de penser qu'un jour je pourrai constater que j'ai apporté ma contribution à la réduction des distances culturelles qui séparent les gens. J'ai la ferme conviction que la diversité est précieuse et enrichissante.
Parlez-nous de votre passion pour l'Algérie...
Ma passion est née avec Ali Bitchin; depuis ce jour-là, lui et moi vivons en symbiose. C'est grâce à lui que j'ai pu me rapprocher d'une société que, je le soupçonnais, j''aurais eu du mal à comprendre et à me faire comprendre. La découverte du patrimoine architectural, naturaliste, folklorique et éthique de l'Algérie et de son peuple, avec ses enfants rayonnants, ses femmes charmantes, ses hommes dignes et sa mer accueillante, a embelli mon voyage spirituel sur les chemins de la vie. Chaque fois que je mets les pieds sous le ciel étendu et infini d'Alger, mon sentiment d'étonnement se renouvèle.
Comment a germé l'idée d'écrire un livre sur le roi numide Jugurtha?
Il y a deux moments cruciaux qui m'ont amené à approfondir les études sur le sujet Jugurtha. En 2018, je me trouvais à Rome en compagnie de l'ambassadeur d'Algérie, Monsieur Senouci Bereksi. Il m'avait raconté que Jugurtha pendant son emprisonnement avait crié pendant huit nuits: 'Hercule, quam frigent tua balnea, Roma! (ô Romains, comme vos bains sont froids!). Ces mots m'avaient choqué. J'ai décidé de faire un voyage. Je suis parti en Tunisie; j'ai loué une voiture; mon intention était de traverser le pays. Pendant que je conduisais, à un moment donné, je me suis retrouvé à Kalaât Senan, dans le gouvernorat d'El Kef, à quelques kilomètres de la frontière avec l'Algérie, et j'ai vu la Table de Jugurtha, un plateau impressionnant dont la position dominante représentait l'un des bastions du roi. Un lieu incroyable, évocateur et magique; cette révélation m'a donné l'idée de commencer à m'intéresser à la vie de Jugurtha.
De toutes les grandes personnalités berbères, pourquoi avoir choisi Jugurtha?
Pour moi, Jugurtha incarne le concept philosophique de «énergie». Il possède ces vertus qui font de l'homme ordinaire un héros: il était fier, visionnaire, fou, téméraire. Il a osé se rebeller contre l'orgueil de Rome! Dans l'histoire, on cite des épisodes de peuples ennemis qui se sont rendus aux armées de Rome sans même combattre à cause de la terreur de devoir les affronter: pas lui! Il a accepté de lutter contre les légions de Rome, les a vaincues, ridiculisées, humiliées; il finit par perdre la guerre parce qu'il fut trahi par son beau-père Boccus, roi de Maurétanie, qui le remit à Sylla, lieutenant du consul Marius
De quoi s'agit-il au juste dans votre livre consacré à Jugurtha?
Dans mon livre «Jugurtha», je parle des huit derniers jours de la vie du roi.?À la fin de la guerre de Numidie, le consul Maius avait amené Jugurtha à Rome pour lui infliger une punition exemplaire. À cette époque c'était la coutume à Rome de célébrer le Triomphe à la fin des guerres victorieuses; c'était une cérémonie monstrueuse où Rome voulait montrer toute sa force au monde entier. Le 1er janvier de l'an 104 avant J-C. Jugurtha fut enchaîné au char du consul Gaius Marius, et a été obligé de défiler dans les rues de la ville pour qu'il subisse le harcèlement de la part de l'horrible peuple de Rome. Une fois terminée la procession triomphale au temple de Jupiter, Jugurtha fut interné à la Mamertine, la terrible prison destinée aux ennemis de l'Etat, une grotte créée dans le ventre de la colline du Capitole. J'ai visité plusieurs fois cet horrible bâtiment. J'ai passé des journées entières dans cette grotte pour essayer de me connecter avec Jugurtha. Les murs et les sols en immenses blocs de pierre parlent encore de lui. Là, il mourut de faim et de froid au bout de huit jours. Rome avait décidé pour lui la 'Damnatio memoriae', un châtiment visant à le faire oublier de l'histoire. J'ai écrit le roman pour donner ma petite contribution pour que cela n'arrive pas! Voilà, ceux-ci sont les éléments qui ont occupé mon coeur et ma mémoire en étudiant et en écrivant le roman.
Si vous deviez résumer brièvement la personnalité et le parcours de Jugurtha, que diriez-vous?
Jugurtha a été victime des machinations diaboliques de la sale politique de Rome. Même s'il avait été un de ses alliés, tout comme son grand-père Massinissa, défini comme 'amicus populi romani' (ami du peuple de Rome), Jugurtha a osé mettre en doute l'orgueil de Rome, il a osé se rebeller contre son impérialisme. Jugurtha n'a jamais cédé à son arrogance, au contraire il s'est battu pour la liberté et l'autodétermination de son peuple.
Quelle est la part de la réalité et du mythe dans votre livre sur Jugurtha?
J'ai l'habitude de me rendre dans les lieux où vivent ou ont vécu les protagonistes de mes romans. J'ai passé de longues périodes à Rome, dans le quartier de Suburra, où Jugurtha fut enfermé dans la villa de Metellus. Une prison surveillée 24 heures sur 24, je suis passé là où il a passé ses derniers jours avant d'être emprisonné dans le Mamertine; j'ai retracé à pied quel était le parcours du Triomphe: en partant de la Porta Trionfale, devant le Teatro Marcello, j'ai traversé le Circus Maximus, la Via Trionfale jusqu'au Colisée, la Via Sacra; j'ai monté les Scalae Gemoniae, les escaliers menant à la prison Mamertine; Je me suis connecté à la douleur du roi. J'ai été tellement impliqué dans la construction de mon oeuvre que même le mythe est devenu réalité, ma personnelle réalité.
Comment a été accueilli ce livre par ses premiers lecteurs en Algérie?
Le livre a été traduit en français et publié aux éditions Dar el Kateb. La sortie du livre était si attendue que la ministre de la Culture et des Arts algérienne, Madame Soraya Mouloudji, a assisté à sa présentation au Sila. Je tiens à souligner que la partie littéraire ne représente qu'un aspect d'un projet culturel étendu à d'autres domaines artistiques. Je continuerai à me battre pour poursuivre ce en quoi je crois, ce qui représente mon mantra: l'idée de créer un pont permanent d'échanges culturels et humains entre nos deux merveilleux pays «frères».
Est-ce que vous pouvez nous parler de vos sources dans l'écriture de cet ouvrage?
Pendant trop longtemps, l'histoire de Jugurtha racontée par Salluste en 40 avant J-C fut considérée comme officielle. Dans son oeuvre «La Guerre de Jugurtha», Salluste a fait office de porte-parole de l'arrogance, ce sentiment aberrant qui dominait la classe politique et le peuple romain. Heureusement, après plusieurs siècles d'oubli, certains chercheurs ont revisité l'histoire et le personnage de Jugurtha. De nombreuses conférences ont été organisées dans les universités italiennes par d'éminents historiens, toutes convergeant sur un point: l'oeuvre de Salluste n'est autre que le manifeste politique du parti des 'populares' dont Salluste était membre. L'étude des chercheurs était orientée vers la recherche d'éléments plus ancrés dans le patrimoine culturel; on s'est concentré sur les préjugés romains contre les «barbares»; on a exalté la figure héroïque de Jugurtha. J'ai retrouvé deux essais qui m'ont frappé: l'un de Jean Amrouche, intitulé «Proposition sur le génie africain»; l'autre de Samuel Sylla, «Du résistant berbère à l'éternel Jugurtha». Je peux affirmer que le portrait de Jugurtha fait par Salluste en ressort radicalement modifié.
Parlez-nous de la traduction en arabe de votre livre consacré à Ali Bitchin?
Le livre, publié aux éditions Dar el Sajed, a été traduit par la traductrice Mme Fatene Aguenaou, que j'ai eu la chance de rencontrer lors d'une de mes conférences à l'université d'Alger, où l'étudiante d'alors terminait ses études. La traduction en arabe ne représente qu'une étape du projet culturel «Ali Bitchin». Il manque cependant encore quelques pièces pour compléter le puzzle: le film, le film d'animation, la bande dessinée et sa traduction en berbère. Cependant, la géniale nouveauté d'il y a quelques jours c'est l'idée de faire une traduction en espagnol.
Quel sera le thème de votre prochain livre, aura-t-il un rapport avec Tamazgha-La Numidie?
Prochainement sera célébrée à Pise l'initiative «Pise et le monde arabe», visant à fêter le mathématicien Leonardo Fibonacci, qui en 1200 a vécu à Bougie et a découvert la numérologie arabe et le zéro, et les a introduits en Europe. Pour les célébrations, les archives de l'Etat de Pise montreront au public quelques lettres inédites écrites entre les rois de Pise et ceux de Bougie et Bône. En outre, un unique absolu sera exposé: la traduction en pisan, mais écrite en caractères arabes, de la lettre envoyée le 10 juin 1366 par le seigneur de Bône et Bougie au doge de Pise, qui servait de sauf-conduit pour les marchands arabes qui se rendaient à Pise. Voilà, mes futurs travaux vont dans le sens de l'étude des documents et, surtout ceux concernant la Langue Franque Barbaresque, un pidgin à base italienne parlé dans toute la Méditerranée pendant huit siècles et qui avait son centre de diffusion à Alger: aucun autre facteur anthropologique n'a la force d'unir les peuples comme une langue commune et mutuelle.


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