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Le cinéaste engagé et l'humaniste
Hommage à Abderrahmane Bouguermouh
Publié dans L'Expression le 25 - 02 - 2024

Deux dates s'imposent quand il est question d'évoquer le cinéaste Abderrahmane Bouguermouh, en réalité, deux repères importants. Le 25-2-1936 et le 3-2-2013. Dans la vie d'un homme ou d'une femme, il y'a un parcours qu'il soit modeste ou prestigieux, il illustre une vie, des sentiments, des blessures,, des joies, des contextes, des prises de positions. Rien n'est banal, bien au contraire quand on s'y intéresse un tant soit peu dans la mesure où n'importe quel parcours charrie une histoire humaine, une vie, une peine à vivre, des rêves et des illusions, mais aussi des désillusions.
Le parcours d'un homme est multiple, celui de Abderrahmane Bouguermouh l'est évidement et les dates de sa naissance et de son décès, sont en elles-mêmes évocatrices de tant de faits une fois remises dans leur contexte.
Abderrahmane Bouguermouh est né le 25 février 1936 à Ifri Ouzellagen d'un père instituteur et d'une mère femme au foyer dans une Algérie sous occupation française. Ce qui lui procure un rang social assez conséquent pour cette époque. Cela n'empêche pas la famille Bouguermouh de s'inscrire dans l'histoire de la révolution algérienne dès ses premières insurrections dont celle d'El Mokrani.
Les premières cicatrices
L'enfant Abderrahmane vivra sa tendre jeunesse à Sétif et alors qu'il était encore au collège, il manifeste comme ses camarades le 8 Mai 1945 et verra de près de quoi la France coloniale était capable pour préserver son Algérie. Il en sera marqué à vie comme l'a été l'immense écrivain Kateb Yacine qu'il fréquentera avec M'hamed Issiakhem, deux monuments de la culture algérienne. Bouguermouh s'est souvenu des années après de la triste anecdote d'une de ses chaussures qu'il voulait récupérer après les manifestations sanglantes du 8 mai de peur des représailles de son père et de sa stupéfaction de découvrir le corps inerte d'un de ses camarades de classe. C'éait l'horreur, c'était la guerre, la première déchirure et blessure qui restera vivace le long de sa vie. Le regard vis-à-vis de la mort et de la vie changera à jamais depuis. Il était convaincu qu'il est nécessaire de ressusciter les morts et que c'était un devoir de rappeler leur passage sur terre en évoquant ce qu'ils étaient. Il en était profondément convaincu au point d'avancer qu'après sa mort des gens allait le faire revivre en parlant de son parcours et de son engagement comme il le ferait volontiers pour les autres ceux qu'il a connus surtout les plus proches. Abderrahmane insistera sur le vide qu'ont occasionné la disparition de son ami Malek Haddad, l'immense écrivain et son frère Malek, le grand dramaturge. Depuis, il estimait que plus rien n'avait de l'importance ni le même goût pas même les mêmes sensations et les mêmes saveurs. «Je suis un homme de partage» aimait-il à répéter et là, la solitude me tue à petit feu. Je n'ai de goût à rien. Mon âùe est morte seul mon corps est toujours en vie.» C'est un Bouguermouh philosophe qui ouvre des pistes sur le sens d'une vie et sur la signification qu'il attribue à la mort. Son propos est empreint de chagrin et de douleur. Dans un documentaire que lui a consacré le cinéaste Ali Mouzaoui, par pudeur, il demande à ce qu'on arrête de filmer pour pleurer quand il a évoqué son frère Malek et son ami Malek Heddad. «C'est moi qui l'accompagnait à l'école, c'est avec moi qu'il a découvert le cinéma et c'est grâce à moi qu'il a été faire des études de théâtre à Moscou.» Nous découvrons l'homme avec sa sensibilité et sa fragilité, deux qualités ou faiblesses qui ont façonné l'artiste, le cinéaste. «Un homme qui ne pleure pas n'est pas un homme» disait Jacques Brel et Abderrahmane pleurait encore au soir de sa vie celle de Malek Haddad et de son frère Malek. C'est Bouguermouh l'humaniste qui façonne son parcours de conviction, de combat avec toute la fragilité et la sensibilité des êtres qui sont sensibles aux drames de leurs semblables.
Dans son parcours cinématographique, il est sensible au combat des jeunes pris dans l'engrenage de la guerre de libération avec le court-métrage « La Grive», en 1967, dans son savoureux et coloré «Kehla Ou Beida»,, où il tissa une succulente histoire sur le drame des handicapés et de l'indispensable et incontournable solidarité. L'histoire racontera les péripéties de cette mobilisation de la société pour la concrétisation du rêve du personnage central du filmn sur un fauteuil roulant qui veut assister à la finale de la coupe d'Algérie de son club chéri, l'ESS, l'éternelle Kahla ou Beida. C'est la gratitude d'un cinéaste à sa ville d'adoption Sétif, mais aussi une ode à sa culture et à son identité et aux langues maternelles.
Avec «Cri de pierre», 1987, Abderrahmane dévoile ses opinions politiques d'un homme de gauche, profondément épris de justice sociale. Dans ce film où il vantera aussi le pays chaouiya, son parler, sa culture ancestrale, le cinéaste s'est livré sans retenue sur l'importance et la place sociale d'un patriarche et avait prédit des émeutes sociales de l'envergure d'octobre 1988 avant d'avertir sur le départ massif des jeunes vers d'autres cieux plus cléments à défaut d'une vie dans leur pays, l'Algérie. Il fait dire à un des personnages du film: «Ils iront errer et ses perdre dans les villes européennes...»
La colline d'obstacles des années galères
Et puis, il y'a eu « La Colline oubliée» en 1996, rêve et promesse qui vont l'affaiblir à vie. C'était colossal comme projet, un vieux projet qui prend date en 1957 quand il rencontra à Paris Mouloud Mammeri, un écrivain et grand militant de la cause berbère envers qui, il vouait admiration et respect. Il lui fera la promesse d'adapter à l'écran «La Clline oubliée», c'est à la fois un acte de reconnaissance d'un talent d'écrivain mais aussi d'appartenance à une histoire, une langue et une culture communes, mais surtout une position politique face à une critique malveillante des Mostefa Lacheref, Omar Ouzegane et Mohamed Cherif Charfi, paru dans le journal « Le jeune musulman». une revue éditée en langue française. Bachir Hadj Ali et Jean Sénac ont pour leur part loué les mérite de ce roman qui allait devenir un des grands classiques de la littérature algérienne.
Les années galères vont commencer dès l'indépendance du pays. Riche de son diplôme de réalisateur obtenu dans le prestigieux Institut des hautes études cinématographiques de Paris(l'Idhec), Bouguermouh intègre la télévision française pour rejoindre l'équipe de réalisation des émissions en langues arabe et kabyle. En 1963, il opte pour un retour en Algérie et muni de son expérience dans le domaine du cinéma, il sera l'un des fondateurs de l'éphémère Institut de cinéma algérien. Cependant, ses positions politiques tranchées le feront exclure de cette structure et en 1965, il adapte un texte de Malek Heddad «Comme une âme» en moyen-métrage en berbère. Le projet est censuré mais Abderrahmane tenace ne lâche pas prise et s'en va à Paris pour en faire une version française. L'incroyable se produit et les bobines du film seront confisquées et brûlées. De guerre lasse, il est de nouveau en Algérie et se contentera de réaliser des documentaires en attendant mieux. Il fera de l'assistanat dans, notamment «Chronique des années de braise» de Mohamed-Lakhdar Hamina et signera deux courts-métrages fictions.
Le rêve de Bouguermouh se concrétisera à la faveur de l'ouverture démocratique arrachée par les enfants d'octobre 88 mais c'était déjà un cinéaste affaibli par les épreuve de la vie, l'adversité et la perte de Malek son frère et de Malek Heddad son ami. En outre, le contexte était difficile avec la crise financière qui mettra à genoux le cinéma algérien en cette fin des années 80. Il en a résulté la dissolution des entreprises publiques de cinéma quelques années après par Ouyahia, chef du gouvernement de l'époque et premier responsable du RND, parti politique né moustachu dans les locaux de l'ex- Oncic aux Asphodèles à Ben-Aknoun. Abderrahmane Bouguermouh n'abdiquera pas pour autant, la Kabylie et ses amis se mobilisent pour son projet cinématographique d'envergure. Les wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira apporteront leur contribution financière en complément des donc des militants et sympathisants de la cause amazighe. Le montage financier bouclé dans la douleur, Bouguermouh se jette dans l'aventure, une éreintante aventure. Un défi, une gageure! Dans une effervescence incroyable, l'avènement du début de tournage est accueilli avec enthousiasme par la population. Le film terminé sera montré au public qui était allé se précipiter dans les salles obscures pour le découvrir et voir enfin un long-métrage fiction en kabyle. Le rêve de plusieurs générations s'est concrétisé.
La rencontre avec l'homme
C'est à la faveur du festival du film amazigh qui s'est tenu à Tlemcen en 2007 parce qu'il était itinérant que j'ai enfin connu de près l'homme après avoir connu le cinéaste et sa filmographie. C'était une découverte, celle d'un homme d'une grande humilité et d'une immense culture. J'étais membre du jury avec Salim Aggar entre autres et Bouguermùouh était notre président de jury. Il connaissait déjà des problèmes de santé et avait des difficultés à se déplacer mais il accomplissait sa mission avec dévouement. Lors de nos réunions, il était à l'écoute de nos critiques et n'intervenait que rarement, quand c'était nécessaire. Il était d'une grande humilité Abderrahmane lui qui un jour s'est demandé s'il n'avait pas usurpé la fonction de réalisateur quand ill n'était encore l'auteur que d'une seul film. Il faut le faire et surtout le dire en public. Il était aussi reconnaissant encers ceux qui l'ont aidé, il cite Ahmed Bedjaoui qui sans son apport le téléfilm «Kahla Ou Beida» n'aurait pas vu le jour. «Il a menacé de démissionner. Il était directeur de production de la télévision algérienne.
Ah comment oublier ces images d'un couple serein qui arpentait affectueusement les rues de notre lieu d'hébergement et de réunion. C'est pour moi le reflet de la modernité assumée. Et c'est beau!
*Journaliste, écrivain, et critique cinéma


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