La Somalie a ordonné jeudi le départ de l'ambassadeur d'Ethiopie et la fermeture de deux consulats de ce pays qu'elle accuse d'»interférer dans (ses) affaires intérieures», dans un nouvel épisode de tensions entre les deux voisins de la Corne de l'Afrique. Le ministère somalien des Affaires étrangères a annoncé dans un communiqué avoir, sur décision du gouvernement, notifié à l'ambassadeur Muktar Mohamed Ware de «quitter la Somalie dans les 72 heures», et rappelé son propre ambassadeur à Addis Abeba pour consultations. Les consulats éthiopiens dans les régions septentrionales du Puntland et du Somaliland doivent également fermer leurs portes et leurs personnels éthiopiens quitter le pays «d'ici une semaine», ajoute le ministère. Dans un communiqué, le gouvernement somalien a expliqué avoir pris ces décisions «après avoir réalisé que le gouvernement éthiopien interfère ouvertement dans les affaires intérieures de la Somalie et viole la souveraineté de la Somalie», sans plus de détails. Elles interviennent au lendemain de la réception au ministère éthiopien des Affaires étrangères d'une délégation de la région semi-autonome du Puntland, qui a annoncé dimanche ne plus reconnaître «les institutions de l'Etat fédéral» somalien après que le parlement a adopté le passage à un régime présidentiel. Lors de son point-presse bihebdomadaire, le porte-parole du ministère Nebiyu Tedla a assuré que cette rencontre était prévue de longue date et qu'elle n'avait «pas directement trait à la situation créée entre le Puntland et Mogadiscio». «C'est une coïncidence qu'ils soient venus hier», a-t-il déclaré. Cette rencontre est venue rajouter aux tensions provoquées par l'annonce le 1er janvier de la signature d'un «protocole d'accord» entre Addis Abeba et la région somalienne séparatiste du Somaliland prévoyant la location pour 50 ans à l'Ethiopie de 20 km de côtes somalilandaises. Mogadiscio avait immédiatement dénoncé un accord «illégal», une «violation de sa souveraineté» équivalente à une «agression». Addis Abeba, qui a progressivement perdu son accès à la mer après l'indépendance en 1993 de l'Erythrée, a déclaré qu'il lui permettra de bénéficier d'une base navale et de «services maritimes commerciaux» sur le golfe d'Aden. Les autorités somalilandaises ont affirmé qu'en échange de cet accès à la mer, l'Ethiopie allait devenir le premier pays à les reconnaître officiellement, ce qu'aucun n'a fait depuis que ce petit territoire de 4,5 millions d'habitants a unilatéralement proclamé son indépendance de la Somalie en 1991. Le gouvernement éthiopien s'est jusqu'à présent contenté d'affirmer qu'il allait «procéder à une évaluation approfondie en vue de prendre position concernant les efforts du Somaliland pour obtenir sa reconnaissance». Le regain de tensions des derniers mois suscite l'inquiétude de nombreux pays et organisations internationales (Etats-Unis, Chine, Union européenne, Union africaine, Ligue arabe...) qui ont appelé au respect de la souveraineté somalienne et au dialogue. Le président somalien Hassan Cheikh Mohamoud a accusé Addis Abeba de déstabiliser le pays en donnant «une chance de renaître» aux islamistes radicaux shebab, que les autorités de Mogadiscio combattent depuis 2007. Ce groupe affilié à Al-Qaïda est un farouche ennemi de l'Ethiopie, qui a mené plusieurs interventions militaires anti-shebab en Somalie, et certains observateurs redoutent que le réveil d'un sentiment anti-éthiopien en Somalie ne leur bénéficie. L'accord a également ravivé les crispations régionales. L'Egypte, en conflit ouvert avec l'Ethiopie autour du Grand barrage de la Renaissance construit par Addis Abeba sur le Nil, a ainsi multiplié les déclarations de soutien au gouvernement somalien.