L'intelligence artificielle (IA) générative suscite des investissements pharaoniques, au point de faire craindre une nouvelle bulle. Mais la plupart des experts estiment que la nouvelle technologie finira par porter ses fruits - au moins pour certaines entreprises. OpenAI, la start-up de San Francisco qui a lancé l'IA générative avec ChatGPT fin 2022, vaut désormais 157 milliards de dollars, après une levée de fonds de 6,6 milliards. Encore inconnue du grand public, il y a deux ans, elle renforce ainsi son statut de championne incontournable de la technologie, malgré le départ récent de plusieurs dirigeants, des scandales, une concurrence féroce et, surtout, aucune perspective de rentabilité dans l'immédiat. Pas de quoi tempérer l'enthousiasme des analystes qui voient dans l'IA une véritable «révolution». «Une quatrième révolution industrielle est en train d'arriver dans les semi-conducteurs, les logiciels, les infrastructures, Internet et les smartphones au cours des 12 à 18 prochains mois», assurent Dan Ives et ses collègues du cabinet Wedbush. «ChatGPT a été à l'IA générative ce que l'iPhone a été pour les smartphones», continuent-ils. «OpenAI a permis le succès de l'IA et son adoption par Nvidia, Microsoft, Google et l'ensemble du monde de la tech». Ils estiment que toutes ces sociétés vont dépenser mille milliards de dollars dans l'IA au cours des trois prochaines années. Car cette technologie coûte très cher: pour produire textes, images et autres contenus sur simple requête en langage courant, les modèles d'IA comme GPT-4 ont besoin d'être «alimentés» en quantités massives de données. L'entraînement et le fonctionnement des modèles nécessitent donc de nouvelles infrastructures informatiques, beaucoup d'énergie, des ingénieurs très qualifiés, etc. Microsoft a injecté 13 milliards de dollars dans OpenAI en tout, et annoncé plus de 15 milliards d'investissements dans l'IA à l'étranger cette année, de l'Allemagne à l'Indonésie. Google a débloqué plus de 13 milliards en «propriétés et équipements» au deuxième trimestre, soit près du double sur un an, un budget qui reflète ses besoins en nouveaux centres de données et puces ultrasophistiquées. «Mais ces dépenses n'ont guère donné de résultats jusqu'à présent, si ce n'est des gains d'efficacité pour des développeurs», notait la banque Goldman Sachs en juin dernier dans un rapport. «Nous sommes actuellement dans une bulle où tous les fournisseurs crient qu'il faut déployer (l'IA générative) tous azimuts», observe Rob Enderle, alors que les clients «ne sont pas encore prêts». Selon cet analyste indépendant, «plus de 80% des premiers déploiements sont des échecs». Mais les grands acteurs de la tech ne cherchent pas encore vraiment à faire des profits, explique Grace Harmon, analyste chez Emarketer. Ils craignent par-dessus tout de «sous-investir dans l'IA et d'être perdants (...) même si les retours sur investissements ne sont pas garantis», souligne-t-elle.