En accusant l'Inde de mener des opérations violentes contre des dissidents sur son sol, le Canada a, certes, intensifié la querelle diplomatique avec le géant asiatique. Mais ce nouvel épisode a aussi permis aux militants sikhs de se sentir confortés dans leur lutte. «On s'est vraiment senti reconnus», confie l'activiste sikh Harinder Sohi lors d'une petite manifestation organisée, vendredi passé, devant le consulat indien à Toronto. Selon le Premier ministre, Justin Trudeau, il existe des «indices clairs» montrant que New Delhi a «bafoué la souveraineté du Canada». En cause notamment: l'assassinat en 2023 à Vancouver du séparatiste Hardeep Singh Nijjar, qui militait pour la création d'un Etat sikh indépendant dans le nord de l'Inde appelé le Khalistan. L'Inde a qualifié ces accusations d'«absurdes». «On le savait depuis des années et les gens ne nous écoutaient pas», assure Harinder Sohi, qui, à 42 ans, milite pour la création du Khalistan. Autour de lui, une poignée de manifestants en turban brandissent des drapeaux jaunes portant l'inscription «Khalistan» en lettres bleues, scandant contre le Premier ministre indien Narendra Modi, qualifié de «terroriste». Une effigie du dirigeant nationaliste hindou, régulièrement critiqué par les ONG de défense des droits humains, est également posée à l'intérieur d'une cage. Harinder Sohi se réjouit que le Canada ait publiquement révélé le «danger» que l'Inde représente, selon lui, pour les sikhs résidant dans le pays. «C'est choquant que nous, citoyens canadiens, devions vivre dans la crainte d'un gouvernement étranger», dénonce-t-il. Le sikhisme est une religion minoritaire originaire du nord de l'Inde qui remonte au XVe siècle et s'inspire à la fois de l'hindouisme et de l'islam. Le mouvement séparatiste qui milite pour le Khalistan remonte à l'indépendance du sous-continent indien obtenue du Royaume-Uni en 1947 dans un contexte de partition sanglante, selon des critères religieux. Ces séparatistes sont devenus un sujet majeur de discorde entre l'Inde et les pays à forte minorité sikhe. New Delhi réclame la répression de ce mouvement, interdit en Inde, et dont il accuse les leaders de «terrorisme». Aujourd'hui, Narendra Modi a bien l'intention de faire taire ces séparatistes vivant à l'étranger de peur qu'ils ravivent ce mouvement en Inde, estime Jatinder Singh Grewal, un directeur de l'organisation Sikhs for Justice (les Sikhs pour la justice, en français) qui défend la création du Khalistan. «Si vous permettez aux Sikhs canadiens, américains ou britanniques d'en parler ouvertement, le Sikh du Pendjab va finir par se demander pourquoi moi je ne pourrais pas en parler ouvertement?» ajoute-t-il. S'il se réjouit de la décision du Canada d'expulser l'ambassadeur indien et plusieurs hauts diplomates, le militant appelle à aller plus loin, comme la fermeture pure et simple des consulats à Toronto et à Vancouver, d'où les actes criminels contre les activistes sikhs ont, selon lui, été coordonnés. Le Canada compte environ 770 000 personnes sikhes, soit près de 2% de la population. C'est la plus grande communauté sikhe en dehors de l'Inde, vivant principalement autour de Toronto et Vancouver. Le vote de la communauté peut être déterminant. Depuis un an et les premières accusations visant l'Inde, d'aucuns accusent Justin Trudeau.