La tâche se complique pour le Premier ministre français, François Bayrou, qui continuait ses consultations, hier, pour former un gouvernement, mais doit faire face aux exigences de la gauche et de l'extrême droite et à la menace du parti de droite LR de ne pas y entrer. Bayrou a été nommé le 13 décembre, neuf jours après la chute du gouvernement de Michel Barnier, renversé après seulement trois mois en poste par une censure historique votée par des députés de gauche et d'extrême droite. Le nouveau Premier ministre doit naviguer sur la scène politique éclatée issue des législatives anticipées organisées après la dissolution surprise de l'Assemblée par Macron. L'Hémicycle est fracturé en trois blocs (alliance de gauche/macronistes et centristes/extrême droite) et aucun des trois ne dispose de la majorité absolue, mardi, l'allié historique du président Emmanuel Macron, qui a décroché Matignon après quarante ans de vie politique, a essuyé un vent de critiques venues de toutes parts pour avoir choisi d'assister au Conseil municipal de Pau, ville du sud-ouest du pays dont il est maire, plutôt que se consacrer à la gestion de la crise sur l'archipel de Mayotte, dans l'océan Indien, dévasté par un cyclone. La manière dont le dirigeant centriste s'est justifié – en défendant le cumul des mandats puis en laissant entendre devant l'Assemblée que Pau était «en France» alors que Mayotte est un département français – a, elle aussi, créé la polémique. Hier, les tourments sont venus d'ailleurs. Alors que François Bayrou essaie de présenter une équipe resserrée d'environ 25 ministres avec des personnalités de gauche, du centre et de droite, selon des sources parlementaires, le parti de droite Les Républicains (LR) a émis des conditions. «Ce serait un comble que le gouvernement tire à gauche alors que la France, elle, est à droite», a prétendu le ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau qui a rencontré Bayrou dans la matinée. Le tir est également venu de l'extrême droite, avec plusieurs refus sur des noms exprimés, dont celle de l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne car ils «n'incarnent pas la rupture» souhaitée par les Français, a affirmé la députée du Rassemblement national (RN), Laure Lavalette. Au-delà, ce sont des menaces de plus en plus clairement énoncées de censure qui ont fait monter les enchères. «Si François Bayrou ne tient pas compte des erreurs qu'a pu commettre Michel Barnier, tant sur la forme que sur le fond, il se dirigera, lui aussi, vers les mêmes conséquences, c'est-à-dire tôt ou tard vers une censure», a prévenu le vice-président du RN, Sébastien Chenu. La gauche n'est pas en reste. François Bayrou, «heure après heure, est en train d'écrire le récit de sa propre censure», a estimé, hier, la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, pour qui «les entrées en matière ratées, ça ne se rattrape pas». «S'il vient pour nous proposer le même budget qu'avait proposé Monsieur Barnier, c'est-à-dire on change juste les personnes, mais on a (...) les mêmes budgets, les mêmes difficultés pour les Français, nous censurons ce budget-là», a insisté le communiste Fabien Roussel, dont le groupe envisage de voter la censure dès la déclaration de politique générale, le 14 janvier.