Le nouveau Premier ministre français, le centriste François Bayrou, a fait état d'«un Himalaya» de difficultés, notamment budgétaires, en prenant ses fonctions, vendredi, à la tête d'un pays plongé dans une grave crise politique. «Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation. J'ai pris des risques inconsidérés dans ma vie politique pour poser la question de la dette et des déficits», a déclaré ce vétéran de la scène politique, âgé de 73 ans, lors de la passation de pouvoirs avec son prédécesseur, Michel Barnier. «Je n'ignore rien de l'Himalaya qui se dresse devant nous, des difficultés de toute nature», a lancé cet allié de longue date du président Emmanuel Macron, qui devra doter la France d'un budget pour 2025, dans une Assemblée nationale sans majorité. Le déficit de la deuxième économie de la zone euro qui atteint 6,1% du PIB, et sa dette, dont les intérêts se montent à 60 milliards d'euros par an, posent «un problème moral, pas un problème financier seulement», a-t-il insisté. François Bayrou a également mis en garde contre «le mur de verre qui s'est construit entre les citoyens et les pouvoirs», alors que le pays s'est enfoncé dans la crise politique depuis la dissolution surprise par Macron de l'Assemblée, en juin. «Il y a un chemin à trouver qui réunisse les gens au lieu de les diviser. Je pense que la réconciliation est nécessaire», avait déclaré Bayrou juste après sa nomination. La nomination de Bayrou est intervenue neuf jours après la chute du gouvernement de Michel Barnier, renversé le 4 décembre, après seulement trois mois en poste, par une censure historique votée par des députés de gauche et d'extrême droite. Bayrou devient ainsi le sixième locataire de Matignon depuis la première élection d'Emmanuel Macron en 2017 – et le quatrième en 2024, une instabilité de l'Exécutif que n'avait pas connue la France depuis des décennies. Le patronat s'est réjoui de sa nomination, exprimant l'espoir d'un retour de la «visibilité» qui manque depuis la dissolution, au risque de menacer la solidité des entreprises. Bayrou doit maintenant s'atteler, sans tarder, à la composition de son gouvernement, qu'il veut compact et dominé par des personnalités d'expérience. Le Premier ministre recevait notamment, hier, la présidente macroniste de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet et le président (droite) du Sénat Gérard Larcher. Il devait également s'entretenir avec les chefs de groupes parlementaires. Une tâche redoutable attend Bayrou, avec pour priorité le budget pour 2025. Le nouveau Premier ministre devra naviguer sur la scène politique éclatée, avec une Assemblée fracturée en trois blocs (alliance de gauche/macronistes et centre-droit/extrême droite), aucun ne disposant de la majorité absolue. Il doit «dialoguer» avec les partis hors Rassemblement national (extrême droite) et LFI (gauche radicale) pour «trouver les conditions de la stabilité et de l'action», selon l'entourage de Macron. S'il n'y aura pas de censure «a priori» venant du RN, LFI a, à l'inverse, affirmé qu'il voterait la censure de Bayrou car il n'est pas issu de la gauche. Les Républicains (LR, droite), ont, eux, conditionné leur participation au gouvernement à sa feuille de route. À gauche, les socialistes lui demandent de s'engager à ne pas recourir au 49.3 – un article de la Constitution qui permet d'adopter un texte sans vote – et à procéder à une «réorientation de la politique gouvernementale». Les communistes ont exprimé une position voisine. Les Ecologistes, eux, l'ont déjà menacé de censure s'il poursuit la même politique et garde Bruno Retailleau, de la droite extrême, au poste de ministre de l'Intérieur.