Par Jugurtha ABBOU* Par conséquent, il est évident de commencer par citer les pionnières de la littérature féminine algérienne, Djamila Debèche, Fadhma Aït Mansour Amrouche et Taos Amrouche. Il est à relever que malgré la conjoncture difficile, marquée par la répression coloniale et la domination masculine, les femmes auteures issues de la première génération ont toutes agi sous leur propre identité, sans recourir aux pseudonymes. Fadhma Aït Mansour Amrouche, mère célibataire, a brisé tous les tabous et s'est affirmée contre vents et marées. Les écrits produits par ces écrivaines sont marqués par une quête de soi, d'abord en tant que femmes, puis en tant que femmes algériennes. L'amant imaginaire de Taos Amrouche a sonné comme un défi à tous les tabous qui rongeaient la société. Grâce à son roman La Soif, publié en 1957, Assia Djebar, fait son entrée fracassante dans le monde littéraire et dont elle deviendra l'une des figures de proue. Dans La maison de mon père, elle raconte la vie tumultueuse d'une fille aux rêves plus grands que les normes sociétales. La question féminine a été primordiale pour elle. N'est-ce pas qu'elle disait :«En Algérie, même une pierre serait féministe? » D'autres écrivaines, à l'instar de Bedya Bachir et Zoubeida Bittari ont publié durant cette période, en ayant recours à des pseudonymes et en se focalisant sur des thèmes liés à la guerre, mais aussi au statut de la femme. Puis viennent les Zinai-Koudil, Mechakra, Djabali et d'autres écrivaines qui ont enrichi la littérature féminine algérienne. C'est en préfaçant le roman de Yamina Mechakra, Les enfants de la Kahina que Kateb a déclaré : « Dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant de poudre. ». La thématique abordée par ces écrivaines a quelque peu varié par rapport à leurs aînées. Elles ont écrit sur l'exil et sur d'autres problèmes sociaux, notamment l'adultère. Ceci dit, les écrivaines n'ont jamais été en marge de la société, elles se sont attaquées, de manière directe et sans détour, aux questions de l'heure. Dans le roman La Chrysalide, publié en 1976, Aïcha Lemsine décrit l'évolution de la société algérienne et des femmes, à travers la vie de plusieurs générations d'une famille algérienne. Ce livre a été le premier roman d'une femme algérienne, quatorze ans après l'indépendance de l'Algérie, à exposer la dichotomie entre la réalité de la condition des femmes dans son pays et la Constitution interdisant toute discrimination fondée sur les préjugés de sexe, de race ou de métier. Malheureusement, ce roman a été interdit de vente et d'exposition dans les salons du livre. Le début des années 90 a vu l'émergence de nouvelles plumes féminines, Malika Mokkedem et Maïssa Bey entre autres. Malika Mokkedem a été très prolifique, avant de donner un coup de rein subit à sa carrière littéraire. Elle s'est spécialisée par l'écriture de l'intime. Maissa Bey s'est beaucoup intéressée à la situation des femmes en Algérie. Ses personnages sont souvent des femmes qui subissent la violence et l'injustice. Elle incite, à travers ses écrits à la révolte contre toute volonté de soumettre la gente féminine. Ces années de terreur ont également inspiré Salima Ghezali, auteur d'un roman poignant intitulé Les amants de Shéhérazade. La production littéraire de cette période a été qualifiée d'«écriture de l'urgence». Les années 2000 se caractérisent par une évolution sur le plan thématique, stylistique et métaphorique. De nos jours, de plus en plus de femmes écrivent. Beaucoup privilégient les récits courts : nouvelles, contes, romans de jeunesse... La décennie noire a vu s'exprimer d'autres plumes, nous citons en exemple Ghania Hammadou ou Hafsa Zinaï-Koudil qui ont dénoncé fortement l'intégrisme sévissant et se sont affirmées comme des porte-voix de toutes les femmes opprimées. D'autres écrivaines ont marqué cette époque, à l'image de Leïla Aslaoui, Nadia Ghalem, Nina Hayat, Leila Nekachtali ont, par la plume, exprimé leur colère et décrit l'atrocité vécue par les Algériennes et les Algériens. Les années 2000 ont vu l'émergence de plusieurs écrivaines et la diversification des thématiques. Salima Mimoun, Lynda Chouiten et d'autres ont brillamment dénoncé les injustices que continue de subir la femme. D'autres récits, fictionnels ou autobiographiques, ainsi que des romans historiques, ont eu le mérite de nous émerveiller par la grâce de talentueuses écrivaines, à l'instar de Hanane Bouraï, Amèle El Mahdi, Ferroudja Ousmer, Leïla Hammoutène, Meriem Guemache, Ouarda Baziz Cherifi…Dans leurs écrits apparaît fortement le "je" qui démontre la volonté de s'affirmer. Les écrivaines algériennes abordant sans tabou tous les sujets et se battent avec finesse contre toute société contraignante. Nos illustres autrices ne se sont pas contentées de publier de brillants romans, mais se sont distinguées dans d'autres genres littéraires. Il y a lieu de rendre un hommage appuyé à Tassadit Yacine, Djamila Amrane Minne et Djoher Amhis pour leurs essais de haute portée. Si nous parlons de poésie, nous citerons Keltoum Defous, Samira Negrouche et feue Amina Mekahli. Les écrivaines algériennes en langue arabe ont, elles aussi, fait de grands pas dans le paysage littéraire. De Z'hour Ounissi à Ahlam Mosteghanemi, beaucoup de belles œuvres nous ont égayés. Je conseille aux lecteurs arabophones de lire les chefs-d'œuvre de Sara El Nems, l'une des valeurs sûres de la littérature algérienne féminine. En langue amazighe, il y a lieu de lire Lynda Koudache, Zohra Aoudia, Farida Sahoui et beaucoup d'autres qui écrivent merveilleusement bien. Outre-mer, nos autrices se distinguent. Nina Bouraoui, Kaouther Adimi et Faïza Guène excellent. Leurs œuvres sont d'un apport quantitatif et qualitatif considérable. Nos écrivaines sont à la page. Preuve en est la nouvelle publication de Kahina Temzi, en langue anglaise, intitulée Street sixteen. *écrivain