La juge était une juge si discrète, que ses pairs et les justiciables, lui vouaient un respect sans limite. Elle arrivait au siège de la juridiction, très tôt, en vue de jeter un dernier coup d'œil sur ses dossiers, nombreux, par ailleurs, en ces temps de disette pour la chancellerie, parent pauvre du régime de l'époque. Les inculpés, notamment les détenus, eux, étaient ravis de comparaître devant cette extraordinaire juge, qui n'était là que pour appliquer la loi, et uniquement cela ! Les quelques curieux qui aimaient bien assister aux audiences de la belle et charmante présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger), ne tarissaient pas d'éloges dans sa direction, lorsqu'ils abordent la maestria des jeunes magistrats, surtout si cette magistrate se trouve face à ce terrible vieil avocat d'Alger , en l'occurrence Me Miloud Brahimi. En effet, l'avocat qui, lors d'un un jour printanier, avait vu un important dossier d'escroquerie, prendre un temps fou, a eu le hic de demander au tribunal, de poser une dernière, et ultime question, alors qu'il en avait déjà, posé plusieurs en un minimum de temps. Le défenseur qui avait sa gibecière pleine d'importantes bonnes questions, dont les réponses vont en droite ligne avec ses suppositions, avait vu la jeune et joviale, juge rétorquer, sans sourire : «O.K. Maître ! Ce sera bien évidemment la dernière question ! Parce que les caprices, moi, j'en ai jusqu'ici», en faisant le signe de la main droite, qui frisa le front, comme pour marquer le holà ! Rétorqua-t-elle, avant que le conseil ne prenne cette réponse très bien mimée, comme une grave humiliation… il souligna son désaccord par un sec et amer commentaire : « Non, non, Madame «le» président ! Caprices, caprices, il n'y a pas de quoi aller jusque- là ! Il y a des limites à tout !» La présidente regarda bien en face l'avocat, puis battit des cils avant d'attendre l'ultime question de Me Brahimi, qui ira jusqu'au bout de son idée, mais il n'aura aucune réponse, qui aurait pu changer le cours des choses ! Ce sont ici, les remarques qui distinguaient cette juge à la large culture générale, qui fera d'elle, un élément clé, dans les moments les plus forts de la chancellerie qui bénéficiera longtemps de ses profondes connaissances, en droit pur, et de son amour de la justice !